Les groupes pétroliers et gaziers ont beau avoir considérablement perdu de leur poids ces dernières années, cela ne les empêche pas de planifier de nouvelles explorations pour poursuivre leur œuvre destructrice presque comme si de rien n’était. Outre les banques et les assurances, nombreuses à les accompagner avec zèle, d’importants groupes publicitaires continuent de leur faire la courte échelle en montant en épingle leurs maigres efforts dans les énergies renouvelables et en les dépeignant comme des entreprises sincèrement attachées à la décarbonation. Des activistes climatiques ont eu l’idée de s’attaquer à ce levier publicitaire qui, même s’il se chiffre en millions quand l’activité d’extraction, de raffinage et de distribution se compte en milliards, n’en est pas moins essentiel à l’acceptabilité sociale du secteur.
Baptisée « Clean Creatives », leur campagne met au défi les groupes publicitaires de se mettre en conformité avec les codes éthiques ou les règles professionnelles qu’ils affirment respecter et de s’engager à ne plus travailler pour ces groupes écocidaires. Jamie Henn, le producteur de cette campagne, met les points sur les « i » et nomme ses cibles : « WPP travaille avec Shell et Chevron, BBDO, du groupe Omnicom, fait une bonne partie des publicités d’ExxonMobil, Ogilvy se livre à des exercices de branding pour BP. Notre campagne va exposer la profondeur et la largeur de ces relations ». Premier succès : elle vient d’obtenir de Porter Novelli, une agence new-yorkaise travaillant notamment pour le lobby AGPA (American Public Gas Association) la promesse qu’elle va couper les ponts avec cette organisation.
Ne boudons pas notre plaisir. Même si ce n’est pas une première, cette décision est significative. Les efforts de relations publiques de l’AGPA consistent à présenter le méthane comme un combustible-passerelle (« bridge fuel »), c’est-à-dire comme un atout dans la lutte pour la décarbonation. Or, l’urgence climatique est rigoureusement incompatible avec cette notion. La campagne de l’AGPA, intitulée « Natural Gas Genius », vise les propriétaires qui cherchent à acheter ou à rénover une maison et entend les convaincre de recourir au méthane. Interpellée sur sa collaboration avec AGPA, Porter Novelli a indiqué l’avoir réévaluée et avoir conclu qu’elle est « incompatible avec notre focus et notre priorité croissants sur la justice climatique – nous n’allons pas soutenir ce travail au-delà de 2020 ».
Célébrant cette victoire d’étape dans le New Yorker, le journaliste Bill McKibben, fondateur du mouvement 350.org, prédit que, pour peu que la pandémie soit surmontée d’ici là, 2021 sera l’année d’actions non-violentes contre les agences publicitaires, dont les créatifs ont tout intérêt, dit-il, à cesser de travailler pour une industrie qui est « du mauvais côté du problème le plus urgent du siècle ».