À suivre les déclarations et mesures aussi désordonnées que tardives des gouvernants à travers le monde pour endiguer la pandémie du coronavirus, on pourrait facilement en retirer l’impression qu’elle a pris le monde au dépourvu, que rien ne permettait ni de la prévoir, ni de s’y préparer. Il n’en est rien, évidemment. Des scientifiques consciencieux avaient déjà cherché à savoir quelles pathologies représentaient la menace la plus sévère pour l’humanité… et tapé dans le mille. En mai 2018, le Johns Hopkins Center for Health Security, à Baltimore, celui que les médias du monde entier citent à profusion ces jours-ci pour faire le point sur l’avancée de la contagion, avait identifié le rhume et autres maladies virales peu mortifères et s’attaquant au système respiratoire comme capables de terrasser notre civilisation.
L’étude de 2018 s’appuyait sur les avis de quelque 120 spécialistes mondiaux et sur l’ensemble des publications sur les micro-organismes potentiellement pathogènes, des bactéries, champignons et prions aux virus et protozoaires. À l’encontre de l’intuition qui suggère que les pathologies à taux de mortalité élevés, comme Ebola ou Zika, correspondent aux risques les plus graves, les chercheurs de Johns Hopkins soulignaient que celles-ci s’éteignent d’elles-mêmes avec le décès de l’hôte. Alors que celles avec un taux de mortalité relativement bas, transmises par voie respiratoire et présentant une haute volatilité, peuvent mettre les infrastructures sanitaires mondiales en échec et provoquer une hécatombe. La grippe dite espagnole, H1N1, qui tue en moyenne deux personnes et demie sur cent infectées, avait contaminé des centaines de millions de personnes en 1918-1919 et causé plus de 50 millions de morts. Pour présenter un danger de pandémie globale, un pathogène doit être contagieux avant l’apparition des symptômes, présenter un taux de mortalité faible mais néanmoins significatif et rencontrer un terrain non immun, concluaient les chercheurs de Baltimore. Trois cases que coche le coronavirus.
Le 11 mars dernier, alors qu’il commençait à prendre la mesure de la vague mortifère en train de s’abattre sur les États-Unis, le président américain avait cru bon faire remarquer, pour justifier ses errements et atermoiements, que « nous avons à résoudre un problème dont personne, il y a quatre semaines, n’avait jamais pensé qu’il deviendrait un problème ». Personne, vraiment ?
Dans le cas du climat comme dans celui du virus, nos dirigeants ont préféré, longtemps, ignorer les avis des scientifiques pour faire mine ensuite de les découvrir lorsqu’ils sont rattrapés par la réalité. Sans surprise, c’est parmi les pires d’entre eux, comme Donald Trump ou Jair Bolsonaro, que l’on voit les prises de position les plus contraires à la science sur ces deux sujets fatidiques. Mais les autres n’ont pas de quoi se vanter. L’humanité ignore ces avis à ses risques et périls.