Chroniques de l’urgence

Contre-emploi à la tête de la Cop 26

d'Lëtzebuerger Land du 21.02.2020

Lors de la prochaine Conférence des parties (Cop) de la Convention des Nations Unies sur le climat, en novembre à Glasgow, les signataires de l’Accord de Paris sont censés faire le point sur leurs engagements de réductions d’émissions et les réévaluer à la lumière de l’objectif de l’Accord de contenir le réchauffement de la planète à deux degrés Celsius ou, mieux, à 1,5 degré. Une dynamique forte sera indispensable pour surmonter les obstacles qui ont empêché jusqu’ici une implémentation conséquente de l’Accord. La nomination la semaine dernière d’Alok Sharma à la présidence de la Cop n’est malheureusement pas de nature à rassurer.

Il y a d’abord les conditions de sa nomination. Elle est intervenue lors d’un remaniement du gouvernement britannique qui a manifestement dérapé, aboutissant à l’écartement inattendu du chancelier de l’échiquier. Tout suggère que Boris Johnson a bouleversé son équipe dans la précipitation, qui n’est jamais bonne conseillère, et la surenchère pro-Brexit. Alok Sharma hérite de la présidence de la Cop 26 après le débarquemen, avec pertes et fracas, de Claire O’Neill, l’ancienne ministre de l’Énergie de Boris Johnson. Celle-ci n’a pas mâché ses mots après sa mise à la porte, reprochant au gouvernement son « énorme manque de leadership et d’engagement » et affirmant que le Premier ministre a reconnu devant elle « qu’il ne comprend pas vraiment » la crise climatique.

À vrai dire, la présidence de la Cop n’est qu’un emploi à temps partiel pour Sharma. Jusqu’ici en charge du « développement international » (aide au développement), Alok Sharma est promu ministre de l’Économie, en charge du puissant BEIS (Department for Business, Energy and Industrial Strategy). Est-il plausible qu’il parvienne à jongler entre ces deux rôles hyper-exigeants, alors que la Grande-Bretagne sera plongée jusqu’au cou, ces prochains mois, dans les négociations sur ses futures relations avec l’Union européenne – négociations que Boris Johnson affirme vouloir clore d’ici la fin de l’année ?

Il y a enfin le positionnement personnel d’Alok Sharma sur le changement climatique, qui n’a pas de quoi rasséréner. S’il a pris publiquement position à la fois pour et contre la controversée extension de l’aéroport de Heathrow, la plateforme theywork-
foryou.com tranche sur base de ses votes au Parlement : il a « généralement voté contre les mesures destinés à mitiger le changement climatique ».

Alok Sharma va-t-il nous surprendre et prendre conscience de sa responsabilité historique ? Va-t-il faire bon usage de sa double casquette et accomplir la tâche prométhéenne de mener la Cop26 à bon port ? Alors que le gouvernement britannique a pris ses précautions pour pouvoir rapatrier in extremis la Cop 26 à Londres si jamais les relations post-Brexit entre Londres et l’Écosse devaient tourner au vinaigre d’ici là, rien n’est moins sûr.

Jean Lasar
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