Édition

Lectures pour tous

d'Lëtzebuerger Land du 18.12.2020

Au cours des derniers mois, les parutions de livres et catalogues d’artistes luxembourgeois ont été particulièrement nombreuses, preuve de la vitalité du secteur de l’édition et preuve surtout que le livre et l’imprimé ont encore de beaux jours devant eux, même à l’ère du tout virtuel sur les écrans froids. Un livre, on peut le tenir dans ses mains, tourner les pages, revenir dessus, mettre des signets, le partager, l’offrir. Après avoir présenté les catalogues Christian Aschman (d’Land, 14/08/2020), de Filip Markiewicz (21/08/2020), de Marco Godinho (28/08/2020), de Brognon-Rollin (04/09/2020), le PFH du duo Markiewicz-Piron (09/10/2020) ainsi que le Paradise City de Sébastien Cuvelier (06/11/2020), voici quelques parutions récentes qui sentent bon l’encre et le papier. Nous proposons de suivre Spike dans ses raids de tatoueur d’immeubles à l’abandon, d’avoir le regard de Paul Kirps pour des lieux urbains inhabituels et on élargira notre connaissance de l’art de la photographie contemporaine grâce à Paul Di Felice.

Spike le graffeur et Paul Kirps le graphiste

À la demande expresse du photographe Christian Aschman, Spike s’est adonné à l’exercice du graffiti, dans sa version originale par essence éphémère à l’Agrocenter de Mersch avant sa démolition. Par delà la destruction du lieu, il reste la trace photographique par Aschman avec Veil, une autoédition, limitée à 88 exemplaires numérotés et signés par Spike. La poussière de la farine et des céréales qui s’est déposée au fil des ans sur les murs et les machines est symboliquement intercalée dans la publication, sous la forme de feuilles de calque, comme le voile du titre. Elle imprègne la matière de ses graffitis, se joue de son écriture comme des grains de blé quand ils tombaient en tourbillons dans les silos.

Veil est à commander sur le site www.artsandbooks.art C’est la sixième publication de la série « Project Books » que l’on peut encore se procurer séparément ou au complet, soit le souvenir d’autres lieux disparus : le Findel ancienne manière, la brasserie Henri Funk, une manufacture de tissus et tricots à la Polfermillen, une maison de ville à Hollerich, une usine de revêtements de sols à Wiltz (50 euros chacun).

40 Polaroid Images est une éditions limitée où Paul Kirps réunit un ensemble de vues à regarder séparément ou suivant les combinaisons graphiques de son exposition de Polaroids Time 0 (à voir encore à Neimënster jusqu’au 15 février). Voici le regard qu’a porté Paul Kirps sur les zones de déchargement et de transit de marchandises, les friches à la marge de la ville, les arrières de décors de fête foraine, les fouilles de chantier des nouveaux quartiers ou des dents creuses dans la ville ancienne, les structures aéroportuaires, la tripaille des parkings en sous-sols et les parcs dits de loisirs. Les images au format Polaroid original sont imprimées sur du papier fort au format A5 et réunies dans un coffret de papier photo comme avant l’ère numérique.

Le coffret Time 0 40 Polaroid Images est édité à 70 exemplaires numérotés et signés. 185 euros à l’accueil de Neimënster ou en ligne sur le site www.paulkirps.com.

Apprendre à voir avec Paul di Felice

Éditeur, avec Pierre Stiwer, de la revue Café-Crème jusqu’en 1996, maître d’œuvre du Mois européen de la Photographie à Luxembourg depuis sa création, docteur en art, enseignant à l’Université du Luxembourg, Paul Di Felice fait paraître une réflexion en cinq chapitres, qui documente les mutations de l’art photographique contemporain depuis les années 1980 : la photographie se détache du réel pour devenir art plastique en soi. Le lecteur apprend non seulement comment des photographes comme Nan Goldin, Andreas Gursky, Gordon Matta-Clark, Thomas Ruff, Andrés Serano, Hiroshi Sugimoto... sont devenus aussi célèbres que des peintres, mais que le regard photographique a changé la vision du portrait et du paysage.

Paul Di Felice, La photographie, entre tableaux & dispositif, éditions L’Harmattan collection Eidos, 22 euros.

Pourquoi se priver de « beaux livres » ?

Le Musée National d’Histoire et d’Art est à l’origine du catalogue qui accompagne l’exposition Beyond the Medici, The Haukohl Family Collection (à voir au MNHA jusqu’au 21 février 2021). L’ouvrage, comme l’exposition, sont basés sur la collection privée d’une famille d’origine allemande, immigrée aux États-Unis. Passionnés d’art ancien européen, les Haukohl ont réuni des œuvres de la période baroque florentine. Elles n’égalent pas les chef d’œuvres commandités par la puissante famille des Medici du XIVe au milieu du XVIe siècle, mais l’ouvrage disponible en allemand, en anglais et en italien (pourquoi pas en français ?), permet de retrouver les thématiques qui ont parcouru ensuite le baroque florentin. Scènes religieuses, mythologiques, portraits et commedia dell’arte. Le MNHA, qui possède lui-même des tableaux de cette période qu’il montre en parallèle, participe ainsi à l’effort didactique typique de la tradition des philanthropes américains.

L’ouvrage Beyond the Medici, The Haukohl Family Collection, accompagné d’essais sur la peinture italienne, richement illustré, en vente à la boutique du MNHA. Edition MNHA-Silvana Editoriale, 28 euros.

La Bibliothèque Nationale du Luxembourg publie opportunément au moment des fêtes, une anthologie sur les quelques 2 000 livres d’artistes qu’elle conserve dans ses collections. La mise en page et édition réalisées en Allemagne (pourquoi pas au Grand-duché qui compte des graphistes de talent et maisons d’éditions de qualité ?), en fait un catalogue raisonné, dont les prises de vue permettent de voir les multiples formes que peuvent prendre le papier et ses assemblages, le travail des imprimeurs artisanaux, l’impression sur des machines cinq couleurs, la diversité des papiers, la couture au fil, etc. Chaque livre d’artiste présenté est accompagné d’un texte biographique, décrit des détails de sa conception et révèle les centres d’intérêt artistiques de son créateur. Dans son avant-propos, Monique Kieffer note que cette collection est plus connue à l’étranger qu’au Grand-duché. Offrir ou s’offrir cet ouvrage de référence, est peut-être un moyen de remédier à cette lacune.

Multiple - Vielseitig, livres d’artistes de la collection de la Bibliothèque nationale du Luxembourg, introduction de Monique Kieffer, textes de Michèle Wallenborn, Ute Bopp-Schumacher, bilingue français et allemand, 426 pages. En vente à la BnL et en librairie, 35 euros.

La ville en BD et les roses d’hier

À chacun de décider s’il laissera cet ‘histotainment’, comme l’appelle dans une post-face l’historienne Marie-Paule Jungblut, à ses enfants d’abord où s’il le leur subtilisera pour le lire en premier. Des lieux emblématiques de la ville de Luxembourg sont racontés en images par neuf auteurs luxembourgeois de bande dessinée et illustrés par Marc Angel. L’album paraît également en langue anglaise et en français, à l’occasion du 25e anniversaire de Luxembourg, Patrimoine Mondial de l’Unesco.

Fortifications  Sechs Geschichten iwwer eng Stadt ewéi keng aner Editions D’Frënn vun der 9. Konscht, 25 euros.

Quant à ceux qui veulent échapper à l’ambiance maussade du temps hivernal et du Covid-19, ils plongeront dans la lecture sur la culture des roses au Luxembourg au 19e siècle, quand nos horticulteurs exportaient jusqu’aux États-Unis. Ces rosiers, anciens, font fureur désormais, au-delà d’un cercle d’initiés, qui présente avec fierté leurs bosquets et roseraies dans leurs jardins privés via des photographies qui font rêver à un été prochain plus serein. L’ouvrage donne la liste complète des roseraies que l’on peut visiter au grand-duché, comme à Esch au Gaalgebierg, à Luxembourg au Parc de Merl, ainsi que les horticulteurs auprès desquels on peut encore se les procurer en France et en Allemagne.

Luxembourg, Pays de la Rose, Les roses d’hier inspirent les jardins d’aujourd’hui, texte de Heidi Howcroft, photos de Marianne Majerus, Editions Schortgen, en trois langues, allemand, anglais et français. 39,50 euros. À commander en ligne www.patrimoine-roses.lu.

Marianne Brausch
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