D’Land : Ce que je prends au petit-déjeuner
Vince Tillotson : Yaourt, céréales, myrtilles, noix, sirop d’érable local, double expresso, le New York Times, et j’alterne entre les actualités françaises, britanniques, allemandes et luxembourgeoises selon les jours.
Ma première œuvre d’art
En tant que petit enfant, j’avais un appareil photo reflex d’occasion avec lequel j’adorais prendre des photos de textures. C’est à ce moment que j’ai pensé pour la première fois à la qualité artistique au lieu de suivre simplement une impulsion. Bien sûr, je dessine depuis que je peux m’en souvenir, mais c’est la photographie qui a d’abord aiguisé mon regard sur la composition, la profondeur, etc. L’importance de la texture est encore aujourd’hui très présente dans mon travail sculptural. J’adore toucher l’art. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles j’ai passé de nombreuses années en tant qu’art handler pour des galeries. Mais, s’il vous plaît, sauf si vous êtes un professionnel : ne touchez pas à l’art que vous voyez exposé (j’ai également travaillé comme gardien de musée pendant l’été quand j’étais adolescent).
La raison pour laquelle je fais de l’art
Cela a du sens pour moi et je n’ai pas besoin de savoir pourquoi. Je ne suis en aucun cas une personne spirituelle, mais j’ai peut-être face à l’art la confiance inconditionnelle et la croyance que les personnes pieuses ont en un pouvoir supérieur. Je n’ai pas besoin de croire en une puissance supérieure, ce qui impliquerait que nous sommes une puissance inférieure. Comme la culture d’élite contre la culture populaire : ce sont des binaires nuisibles. La culture, comme la nature, ne se soumet pas au domaine de la morale sociale binaire. Nous sommes, après tout, des animaux.
Ce que je fais mis à part de l’art
Montrer l’art des autres au Luxembourg Institute for Artistic Research (LIAR) NYC, un espace d’art indépendant que nous avons créé cette année avec Casey Detrow. LIAR se concentre sur les artistes du Luxembourg et de New York et cherche à favoriser les échanges ainsi qu’à fournir une plateforme pour la recherche artistique. Tant qu’il ne sera pas prudent d’ouvrir un espace physique, LIAR fonctionnera en ligne. Sinon, je rénove une maison de campagne des années 1800 pendant les week-ends.
Les rapports entre mon art et ma vie
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Ce que j’aime le plus dans le processus créatif
Voir le cheminement de quelque chose, de la première conception jusqu’à la pièce finale. C’est comme un jeu de téléphone avec toi-même.
Ce que j’aime le moins dans le monde de l’art
Jalousie, commérages. C’est le téléphone avec le diable, mieux vaut simplement raccrocher.
Est-ce que l’art a des limites ?
Visualisez. On lit de la gauche vers la droite, début et fin. Je ne pense pas que l’art ait des limites, mais il y a des limites à dépasser pour arriver à l’art. La limite n’est donc pas à droite (visuellement la fin) mais à gauche (visuellement le début).
Mon occupation préférée
Prendre le métro new-yorkais, voler dans un avion, faire un road trip en voiture. Être en mouvement je suppose.
Mon drink préféré
Le Negroni.
Ce que je fais quand je ne suis pas inspiré (e)
Traîner dans le East Village, regarder les gens.
Ma drogue préférée
La caféine.
Mon mot préféré
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Le mot que je déteste
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Ma langue préférée
Visuelle.
Mon rapport au temps
Nous devenons lentement amis à mesure que nous vieillissons tous les deux.
Le rôle du corps dans mon travail
J’aime bouger physiquement mon corps pour travailler, je participe rarement aux médias qui impliquent de m’asseoir devant un ordinateur (il y a des exceptions). Je suis une personne tactile.
Le rôle de la politique dans mon travail
Tout est politique.
Le rôle de la couleur dans mon travail
J’essaie de faire en sorte que la couleur m’apprécie et se lie d’amitié envers moi en lui offrant des friandises, mais elle me mord encore la main, parfois. C’est bon. Nous nous observons.
Le rôle de la nature dans mon travail
La nature est la toile de fond secrète de tout. Ne lui dis pas.
Le rôle du monde des idées dans mon travail
Je m’intéresse à la signification de notre environnement choisi, par exemple toutes ces pièces de décoration qui vous font vous demander « Qui achète cela ? ». Ma dernière exposition s’intitulait The Kitchen Is a Farm: Key elements in mediocre house decoration and the food-based recruitment tactics of evil cults ». C’est une recherche sur le concept généralement admis de décorer les cuisines avec des éléments de fermes, avec des images de poulets, de cochons, de paniers de paille, etc. Ce qui ne renvoie pas à une ferme réelle, mais plutôt à une innocence implicite, à un désir d’authenticité concernant la provenance de notre alimentation (qui le plus souvent est hautement traîtée). Cet été au nord de New York, j’ai trouvé, dans un café géré par une secte internationale appelée « The Twelve Tribes », une impulsion similaire. C’est un étalage, une démonstration, d’innocence et de communauté pour attirer les gens, et à huis clos, ils oppriment les femmes, battent leurs enfants et les forcent à travailler. D’un autre côté, il y a aussi cette conception que la nature est intrinsèquement mauvaise (ce qui est également un concept religieux), avec les herboristes diabolisés comme les sorcières, le corps étant toujours pécheur, le diable, etc. Imposer un devoir moral à la nature est ridicule. En fin de compte, toutes ces choses, toutes ces idées, se retrouvent dans les décorations en apparence ringardes et médiocres. Et il s’agit d’une pratique de personnalisation du monde qui nous entoure. Une exposition ultérieure pourrait être intitulée The Bathroom Is An Ocean : des coquilles de savon décoratives, du sable dans de petites bouteilles en verre, des images de la mer, une palette de couleurs bleues...
Le rôle des modes du monde de l’art dans mon travail
L’art « cool » est ennuyeux. Cependant, sans modes, il y aurait probablement une stagnation. Les modes sont majoritairement consuméristes. J’apprécie la mode actuelle de l’astrologie parce que c’est vraiment amusant, mais je ne l’intègre pas dans mon travail.
La matière avec laquelle je n’ai jamais osé faire d’œuvre
Du massepain, et je ne le ferai jamais.
Mes artistes favoris
Oh wow. C’est une question injuste !
Mon son préféré
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Le son que je déteste
Les alarmes de voiture.
Ma proposition artistique dans la perspective de l’histoire de l’art
Télescope !
Les fautes qui m’inspirent le plus d’indulgence
Je n’ai pas besoin d’inspiration pour l’indulgence.
La manière de faire ou la chose faite ?
Le premier. J’adore jeter un œil dans les coulisses.
Ce qui pour moi est inacceptable
Inacceptable... je sélectionne par acceptable.
L’animal ou la plante dans lequel je voudrais être réincarné(e)
Comme la lune, si cette réponse est permise.
Le lieu où je ferais une œuvre si j’avais une baguette magique
Ce n’est pas tellement le lieu, mais l’échelle.
Mon état d’esprit actuel
:)