Roumanie 

Un président cible de la xénophobie

d'Lëtzebuerger Land vom 31.08.2018

Parodié avec la tête d’Hitler et vêtu d’uniforme de la SS, le président roumain d’origine allemande Klaus Iohannis fait l’objet de plusieurs attaques virulentes de la part du Parti social-démocrate (PSD) qui gouverne la Roumanie depuis décembre 2016. « Le chef de l’État est un nazi, a déclaré Liviu Pop, sénateur et ancien ministre social-démocrate de l’Enseignement. Le Forum des Allemands de Roumanie qu’il a dirigé est l’héritier des nazis. »

Cette attaque brutale contre le président roumain n’est pas passée inaperçue en Allemagne. « Un haut représentant du parti de gouvernement insulte d’une manière inacceptable l’organisation qui représente la minorité allemande en Roumanie, a affirmé le 24 août Bernd Fabritius, chargé des minorités nationales dans le gouvernement allemand. Ces derniers temps la minorité allemande de Roumanie est calomniée de manière collective dans la presse pro-gouvernementale. Cette démarche vise à nuire à l’image du président Klaus Iohannis, membre de cette minorité. Elle est inacceptable et doit être fermement condamnée. »

Mais les sociaux-démocrates roumains ne se sont pas pressés à présenter leurs excuses à la minorité allemande. Ils ont la dégaine facile quand il s’agit du président Klaus Iohannis, qui soutient la campagne anti-corruption menée par les procureurs et les magistrats. La pomme de la discorde qui oppose le président libéral Klaus Iohannis aux sociaux-démocrates est l’intention du gouvernement d’arrêter la campagne anticorruption pour sauver la peau de leur chef. Le 20 juin, Liviu Dragnea, chef de file des sociaux-démocrates et président de la Chambre des députés, a été condamné à trois ans et demi de prison

ferme pour abus de pouvoir. Il avait déjà été condamné en avril 2016 à deux ans de prison avec sursis pour fraude électorale. Il fait aussi l’objet d’une autre enquête pour avoir détourné vingt millions d’euros de fonds européens à travers une société du bâtiment.

Après avoir épuisé toutes leurs cartouches contre le président Klaus Iohannis les sociaux-démocrates roumains ont fait appel aux arguments historiques pour accuser leur opposant de tous les maux de leur pays. Malgré les attaques qu’il subit constamment sur l’échiquier politique roumain, Iohannis reste très populaire aux yeux des Roumains et brigue un deuxième mandat à la présidence à l’occasion de l’élection présidentielle qui aura lieu fin 2019. Lorsqu’il a gagné son premier mandat en 2014, à l’âge de 55 ans, il était devenu en Roumanie le symbole de la réussite administrative.

Maire de Sibiu, ville située au centre du pays, il a transformé le visage de cette ville riche d’une minorité allemande dont il fait partie. En 2007, lorsque la Roumanie adhérait à l’Union européenne (UE), Sibiu était désignée capitale européenne de la culture (avec Luxembourg). À l’instar de cette ville la région de Transylvanie a connu un essor économique qui a fait pâlir d’envie la capitale Bucarest et conféré au maire de Sibiu l’image de l’homme qui pouvait changer la donne politique en Roumanie. « C’est pour la première fois depuis la chute du communisme qu’un candidat qui appartient à une minorité ethnique gagne la fonction présidentielle », a-t-il déclaré aussitôt après sa victoire.

La Transylvanie possède de nombreux villages allemands depuis que des colons venus d’Allemagne avaient investi les lieux il y a 800 ans. Les cités médiévales et les vieilles églises fortifiées qui ont poussé comme des champignons dans la région témoignent encore de ce passé. En 1930, la Roumanie comptait une communauté de 745 000 descendants allemands. Aujourd’hui, il n’en reste que 30 000, après qu’ils aient fui la dictature communiste et la transition chaotique de la Roumanie vers l’économie de marché dans les années 1990. Mais la roue de l’histoire a commencé à tourner en sens inverse depuis l’adhésion du pays à l’UE et les petits villages désertés reprennent vie grâce au retour des Allemands et de leurs capitaux. Et quelle meilleure vengeance pour cette communauté chassée que de donner en 2014 le président du pays. « Je propose aux Roumains une décennie de prospérité et un État de droit », a-t-il affirmé.

La dérive xénophobe du gouvernement roumain contre le chef de l’État irrite les autorités allemandes. Lundi 27 août, le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, s’est rendu à Bucarest pour y faire entendre la voix de son pays. « Nous sommes inquiets de constater que le débat sur les valeurs divise la société et la politique roumaine, a-t-il déclaré à Bucarest. Le débat est indispensable dans une démocratie, mais la dureté des disputes a menée à des confrontations violentes en Roumanie. La réforme de la justice devrait renforcer nos relations et j’assure la Roumanie du soutien du gouvernement fédéral. »

Mirel Bran
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