King Khan and the Shrines
29 juillet, ouverture des Congés Annulés. Difficile de rêver plus belle entrée en matière que de danser au son garage soul de King Khan and the Shrines. Entre tenues extravagantes, fausse nonchalance et voix puissante à la James Brown, le canadien d’origine indienne, exilé à Berlin, impose son charisme. Ses fabuleux musiciens font le reste, tous cuivres dehors. En fermant les yeux, on se sent transporté à une époque où Screamin’ Jay Hawkins tape un bœuf avec Sun Ra, sous l’œil bienveillant d’Otis Redding. En ouvrant les yeux, on ne peut qu’être happé par la fougue de ce demi-dieu en slip moulant et au chapeau à plumes, exhibant sa bedaine et ses fesses velues dans des habits aux relents soft-porn allemand des années 1970, alors que le claviériste fend la foule avec son synthé porté à bout de bras. À tout moment, on se dit que ce concert peut partir en vrille. Cette mise en danger permanente est exactement ce dont on avait besoin pour tout oublier et nous mettre la banane. Chapeau bas.
Mono
17 août, voyage dans un autre monde. Les Japonais sont passés maîtres dans l’art de sublimer tout ce qu’ils n’ont pas inventé, des téléviseurs aux croissants, et le post-rock n’y fait pas exception. Assister à un concert de Mono est une expérience quasi mystique pour qui veut se laisser emporter par leurs compositions ciselées et orchestrales, accouchant de morceaux longs, instrumentaux, épiques. L’intensité d’une telle musique dans une salle aussi intime crée une sensation d’inclusion, comme si nous ne faisions qu’un avec ces obscurs orfèvres, retenant notre souffle lors des montées en puissance, respirant profondément lors des accalmies salvatrices. La double déflagration finale (plus d’une demi-heure pour deux titres), construite autour d’Ashes in the Snow (tiré d’Hymn to the Immortal Wind, 2009) et Com (?), morceau de leur deuxième album One Step More and You Die (2002), restera longtemps gravée dans la tête du public, venu nombreux (c’était complet). À vrai dire, on pense que ces notes sont désormais serties pour toujours dans les murs des Rotondes, après les avoir fait vaciller comme jamais.
Francis of Delirium
4 août, place à la régionale de l’étape (elle vit au Luxembourg depuis 2014) et surtout à la jeune prodige Jana Bahrich. Les Rotondes sont indissociables du développement de son groupe Francis of Delirium et du retour au bercail après une tournée américaine en support de The Districts. C’est en tête d’affiche qu’on redécouvre ces morceaux à l’honnêteté brute, intrinsèquement (emo-)pop, mais aux sonorités rock 90s évidentes, redessinées au pinceau de la génération Z. Les influences manifestes vont de Car Seat Headrest (pour le son) à Courtney Barnett (pour l’attitude), mais avec une voix aussi fragile que cristalline, tantôt murmurée, tantôt hurlée, qui ne reflète pas la maturité étonnante d’une jeune femme d’à peine 20 ans se révélant au monde, et de toutes les questions existentielles que cela engendre. Le public, jeune à l’image de Jana, n’a peut-être pas décrypté toutes les émotions post-adolescentes évoquées dans les titres tels que Let It All Go ou I Think I’m Losing, mais entonne à tue-tête ces morceaux phares, clôturant le concert dans un joyeux maelstrom au son du tube Quit Fucking Around.
Squid
13 août, jour à marquer d’une pierre blanche, peut-être le meilleur concert depuis le retour des Rotondes à Bonnevoie, après l’épisode de Hollerich. Les coupables : un fabuleux quintet de Brighton répondant au nom de Squid. Cinq garçons férus d’expérimentations, mélangeant post-punk, jazz, krautrock, ambient et électro, dans un joyeux foutoir plein de sens, aux rythmes mécaniques martelés par Ollie Judge, batteur-chanteur à la voix évoquant David Byrne (Talking Heads) et aux frappes rappelant Pat Mahoney (LCD Soundsystem). Cette nouvelle scène post-punk anglaise est terriblement excitante, mais Squid sait aussi s’en échapper, offrant des interludes arty (d’aucuns diront ennuyeux) tirant sur le jazz, avant de retomber sur des textures ambitieuses, denses et nerveuses, aux structures évolutives, s’étirant tout au long de titres fleuves où l’agilité et les changements de rythme du batteur rivalisent avec la créativité des guitares aux riffs anguleux. On appelle communément ça une claque.
Geese
15 août, on ne sait toujours pas très bien à quoi on a assisté. Un concert inégal, bordélique, par moments réjouissant, pas forcément simple à comprendre. Un peu à l’image de leurs auteurs en fait, une bande d’ados new yorkais méga doués, mais sans réelle expérience de la scène. Tous les styles ou presque y passent, dans un magma sonore beaucoup moins clair et accessible que leur pendant incandescent sur disque. Entre rythmes effrénés, refrains à la Strokes, moments putassiers tirant plus sur les Killers et déluges acéphales de guitares, on ne sait plus trop sur quel pied danser, et c’est peut-être ce qui explique la sagesse d’un public ankylosé à la vue de ces chevelus déversant leur énergie brute, à l’image d’un batteur possédé, vers qui se tournaient tous les regards, y compris ceux de ses condisciples sur scène. On demandera à revoir, en attendant il reste l’album, sorti sur Partisan Records, déjà maison de quelques congénères similaires (Fontaines D.C., Idles, Just Mustard).