Rencontrer Fabienne Dimmer, c’est l’assurance de passer un bon moment même si, elle l’avoue elle-même, la cadence des concerts à gérer cet été est complètement folle. Souriante et énergique, celle que l’on surnomme la « Mother » de l’Atelier démarre sa journée avec un café bien corsé tout en vérifiant si le groupe de la veille n’a pas trop laissé de nourriture dans le backstage. Ce matin, dans sa robe rouge, c’est elle qui se retrouve sur la scène et qui nous répond.
« Ce milieu, je suis tombée dedans très tôt, vers seize ans quand j’ai commencé à travailler pour le Syndicat d’initiative de la Ville de Luxembourg, le LCTO. J’ai rencontré Roby Schuller qui, à l’époque, organisait le Rock um Knuedler. Au début, j’aidais même à monter la scène, littéralement: je montais sur les poteaux pour fixer les banners. Progressivement, il y a eu de plus en plus de concerts. À l’époque, je faisais ça à côté de mon job, parce que, à la base, j’ai un graduat en Tourisme. Puis, autour de 1995-96, je me suis retrouvée au tout nouveau Den Atelier pour aider la personne qui gérait l’accueil des artistes. J’ai été engagé à ce moment-là; d’abord à mi-temps, mais dans ce job, on ne compte pas ses heures ! »
Ce boulot, si particulier et parfois si usant, Fabienne avoue n’avoir jamais eu envie de le quitter. Pas une seule fois. Il faut une somme de qualités, pour, à chaque concert, accueillir une équipe qui, pour de multiples raisons, peut arriver en tirant la gueule. «La qualité principale à avoir dans ce job, c’est l’empathie, assurément ! Il faut aussi savoir laisser de côté son égo et surtout, respecter le fait que l’artiste que tu as en face de toi est une personne privée. Je prends l’exemple de Dave Grohl (Nirvana, Foo Fighters, sur la photo accrochée au mur du backstage dans lequel nous sommes, ndlr). Tout le monde connaît Dave Grohl, mais Dave, lui, ne te connaît pas. Et les artistes, ils arrivent parfois le matin à la salle et ils sont de mauvaise humeur. Ils ont mal dormi, ils sont fatigués, le bus a été dans les embouteillages. Il ne faut jamais prendre leur mauvaise humeur de manière ‘personnelle’. Parce que, très souvent, à la fin de la soirée, ils viennent nous remercier car ils ont passé une super journée. »
Si la vie des artistes fait souvent fantasmer les fans, Fabienne avoue que ce n’est absolument pas son cas. « Mais pour rien au monde je ne voudrais être à leur place ! Je comprends tellement un Jean-Jacques Goldman qui vit à Londres où personne ne le connaît. Même chose pour Robbie Williams qui vit aux États-Unis. Là-bas, on lui fout la paix. » Avec le grand monde d’anecdotes autour de l’organisation des concerts, on a affaire à une femme qui joue la Champions League. « Sincèrement, je crois qu’en termes de demandes, j’ai tout vu, tout entendu, vraiment ! Ça va d’un massage avec happy ending, à une quantité énorme de drogue – que je ne fournis évidemment pas – ou aller avec quelqu’un acheter des petites culottes. Je me souviens aussi du DJ Steve Aioki, qui demande toujours de grandes tartes avec juste de la crème fraîche dessus car, en concert, il les lance dans le public. » Il y a aussi les exigences plus médicales, comme un cocktails de vitamines pour être boosté avant le concert. Ces mélanges se trouvent chez les médecins ou pharmaciens aux États-Unis, mais ici, c’est plus difficile. « Quand tu leur dis : « Désolé, je ne trouve pas ça ici », ils te répondent : « Ben si, tu vas trouver ! ».
Aujourd’hui, les demandes spécifiques se situent au niveau du catering. « Le Luxembourg a bien progressé pour les végans, mais je me souviens de la première fois où Moby est venu jouer ici, il y a 25 ans. Moby, je crois qu’il est né végan. On a dû lui donner des fruits et des crudités... il n’y avait rien d’autre. »
Une question nous taraude : que fait Fabienne Dimmer quand elle ne se trouve pas rue de Hollerich ? Elle évoque alors l’action humanitaire. Fabienne fait partie de ces gens qui aident les personnes en difficulté mais qui, jamais, ne s’en vante. Sauf que, lorsqu’elle en parle, son regard se trouble un peu. Le cirque rock and roll semble soudain bien loin. « Effectivement, dès que j’ai du temps libre, je le consacre à l’humanitaire. Mes enfants sont grands maintenant, donc j’ai une certaine liberté et j’en profite pour voyager, que ce soit en Bosnie, à Dunkerque ou à Paris. J’ai commencé en l’hiver 2015/2016. » En y réfléchissant, elle note que sa vie rencontre deux extrêmes : « D’un côté un job où les demandes d’artistes, qu’elles soient financières ou des produits back-stage, sont affolantes; de l’autre, des gens qui n’ont rien. » Elle justifie son action : « Je crois que, inconsciemment, j’essaie de « redonner » un peu de la chance que j’ai d’être ici, dans ces conditions privilégiées. Et puis, je rencontre un autre monde. Un monde avec des personnes qui t’ouvrent, encore une fois, l’esprit. »
Un mot qui revient souvent lorsqu’on parle avec Fabienne Dimmer et s’accompagne d’un grand sourire malicieux : les voyages. « Mon grand rêve serait d’arrêter de travailler à soixante ans, avoir une camionnette et découvrir le monde, tous les pays dans lesquels je ne suis encore jamais allée. »
L’Atelier, l’humanitaire, la femme déterminée qu’elle est… Vous pensez connaître Fabienne Dimmer ? Faux. Il y a encore des choses que la plupart des gens ne savent pas. Sa réponse fuse : « Ce que beaucoup de monde ignore sur moi ? J’ai fait du parachutisme pendant sept ans et des courses automobile en Belgique. Des « Auto-cross », ce sont des courses de plusieurs heures sur une piste qui est, en fait, dans un champ. J’ai aussi fait de la plongée… Le parachutisme et la plongée, le haut et le bas : c’est encore une fois le principe des extrêmes. »
Play list
Le premier disque acheté ?
Barclay James Harvest: Gone to earth (1977)
La chanson qui te rappelle ton enfance ?
Le générique de Maya l’abeille.
La chanson qui te fait pleurer ?
Je l’aime à mourir de Francis Cabrel. Peut-être pas pleurer aux larmes, mais je trouve que, rarement, une chanson n’aura aussi bien exprimé un sentiment. J’adore Cabrel, en fait.
La chanson qui te donne la pêche ?
Toutes les chansons de Macklemore. J’écoute ça à fond! Mais j’aurais pu dire aussi Kanye West, Eminem ou Rage against the Machine.
La chanson que tu ne peux plus entendre ?
Je ne peux pas répondre car, ces chansons-là, je m’efforce de les oublier. Jusqu’à ce quelqu’un me les fasse réécouter et là, je me souviens que je n’en peux plus de l’entendre.
La chanson que tu as honte d’écouter ?
Globalement, je n’ai absolument honte de rien! Tous ceux qui me connaissent savent que j’adore Robbie Williams ou Tom Odell. Et je me fous de savoir si certains trouvent ça gnangnan. Je pourrais te chanter Feel ou Angel à pleine voix... mais en sonnant complètement faux, on est bien d’accord!
C’est quoi ton problème avec Robbie Williams ?
Je n’ai pas de problème avec Robbie Williams: J’aime tout ce qu’il fait! Attention, seulement à partir du moment où il était en solo. Les boys bands, donc Take That, je trouvais ça horrible. Mais depuis qu’il est en solo, j’ai toujours été le voir au moins une fois sur ses tournées. Pour moi, c’est l’un des meilleurs entertainers au monde! En concert, il est un peu comme la Joconde: il regarde et tu as l’impression qu’il te regarde, toi. Depuis le temps, c’est devenu un running-gag avec mes amis et collègues, mais j’assume absolument.