Neiwalen

Change now ?

d'Lëtzebuerger Land vom 12.07.2013

Ça commentait sec, mercredi après-midi dans la twittosphère : jeunes verts, jeunes socialistes, jeunes pirates, jeunes tout court, attendaient avec impatience, puis réagissaient en direct live sur la question de la responsabilité politique (objective ou subjective, peu importe) du Premier ministre dans l’affaire des dysfonctionnements au Service de renseignement. Durant les sept longues heures du débat sur le rapport de la Commisson d’enquête, ils collaient aux lèvres des acteurs de la tragédie avec une concentration qui dépassait parfois celle de bon nombre de députés dans la salle plénière. Après 21 heures, après que Jean-Claude Juncker eut enfin annoncé ces élections anticipées tant attentues, voilà qu’affluaient des photos de la bière ou du ballon de rouge qu’ils s’offraient pour fêter ce moment historique. Ce moment que ceux qui n’ont guère de souvenir d’avoir connu un autre Premier ministre que Jean-Claude Juncker avaient appelé de leurs vœux, prêts pour cette grande rupture politique qui ferait basculer le pays dans le XXIe siècle. Ce sont à peu près les mêmes qui avaient participé à la manifestation Neiwalen elo ! le jour de la fête nationale, qui nourrissent des blogs personnels, des comptes Facebook et les fils de réactions sur les sites Internet des médias. Leur credo est toujours le même, celui d’un ras-le-bol généralisé de ce qu’ils considèrent être la pourriture de « l’État CSV », qui n’aurait comme seul but que sa propre survie. Ceux qui s’offusquent ainsi ont suivi, bouche bée, les quatre premiers mois du procès Bommeléeër et ses révélations quasi quotidiennes, procès qui allait surtout s’avérer être un procès CSV, dont les acteurs – du procureur général d’État Roby Biever jusqu’à l’ancien ministre de la Justice Luc Frieden, en passant par les fonctionnaires du même ministère – sont tous officiellement membres du même CSV. Ils purent constater, dépités, comment la majorité fit bloc, le 13 juin, pour sauver le ministre Luc Frieden, mis en cause pour tentatives d’immixtion dans la Justice. Comment le CSV, pourtant avec ses 26 députés largement le plus grand parti du parlement, de plus en plus isolé dans un mutisme consternant, ferma les rangs et faisait aboyer ses chiens de garde, le président du groupe parlementaire Gilles Roth et le président du parti Michel Wolter, paternalistes vers l’intérieur et agressifs vers l’extérieur, sur l’éternelle rengaine d’une victimisation excessive. Or, la mise à jour des dysfonctionnements dans les plus hautes sphères de l’État a surtout prouvé à quel point de grands principes de l’État de droit, comme la séparation des pouvoirs, la responsabilité ministérielle, l’abus de pouvoir, une possible limitation du nombre de mandats politiques ou l’entrave à la Justice ne sont que peu ou prou consignés dans les textes. Et encore moins dans les mœurs, où, après presque 70 ans de règne CSV (avec juste une pause en 1974-79), tout semble permis. C’est ce qui choqua le plus les jeunes juristes ou politologues dans les partis. Conscient de la fronde qui grognait en interne dans le parti, le président du groupe parlementaire socialiste Lucien Lux avait annoncé, dès vendredi dernier, que « nous avons besoin d’un nouveau départ ». « C’est nous qui avons fait sauter le couvercle, » rajoutait fièrement le vice-premier ministre Jean Asselborn (LSAP) devant les caméras de RTL Télé Lëtzebuerg mercredi soir. Or, entre-temps, la bête politique Jean-Claude Juncker avait repris les choses en main, évité le vote de défiance sur les deux motions des socialistes respectivement des Verts, et déclaré lui-même remettre sa démission au grand-duc. Usé, fatigué, il a pu se positionner au-dessus de la mêlée – immédiatement, on le plaignit, lui qui semble « le plus capable » de nos politiciens. Celui qui fut le premier chef de gouvernement né après la deuxième guerre mondiale s’est ainsi donné les moyens de gagner sur les jeunes loups de la génération X. Or, « Juncker la victime » pourrait être la fin du « printemps luxembourgeois ». Car à une époque où toutes les idéologies se rejoignent au centre politique, ces élections vont se jouer sur la popularité de personnes, faisant craindre un plébiscite de Jean-Claude Juncker, qui ne laissa aucun doute à sa volonté de se représenter.

josée hansen
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