Lancement du label WPR

Big fish?

d'Lëtzebuerger Land vom 20.01.2005

«On parle beaucoup de Gast. C'est un caractère qui polarise,» pense Jeff Herr, artiste fraîchement signé chez WPR. Gast Waltzing, père fondateur de ce nouveau label est en effet un caractère doté d'une motivation et d'un franc parler qui ne lui font pas que des amis au Grand-Duché. Mais essayons de laisser tout a priori de côté afin de nous consacrer au mieux à ce nouvel acteur sur la scène musicale du Luxembourg. WPR est donc la maison de disque créée par Gast Waltzing, il y a un peu plus de huit mois. Cette structure, dont le siège est implanté sur les friches de Dommeldange et qui emploie six personnes, compte déjà trois artistes luxembourgeois dans son répertoire. Vendredi dernier s'est déroulé le concert de lancement à l'Atelier, présentant les trois artistes ainsi que leurs trois nouveaux albums au public luxembourgeois. Le premier de ces artistes est le guitariste David Laborier. De parents musiciens et professeur au conservatoire, ayant fait ses preuves au Berklee College of Music à Boston, David est un personnage très sympathique qui sort sous WPR l'album Tease, une oeuvre de jazz moderne, de fusion très personnelle. «Gast m'a encouragé et dirigé dans la création. Il m'a demandé de créer quelque chose de nouveau, d'original», commente l'artiste qui est visiblement très satisfait de sa dernière création. Michel Reis est le deuxième artiste signé chez WPR. Lui aussi, après s'être vu décerner plusieurs distinctions de piano classique et jazz, est passé par le Berklee College of Music à Boston. Sa dernière création, A Young Mind, consiste selon le jeune pianiste compositions et arrangements organiques et naturels. Il y a enfin la Jeff Herr Corporation qui livre Modern Times. Le batteur Jeff Herr est entouré de musiciens qu'il a rencontrés à Maastricht où il est sur le point de boucler ses études supérieures de percussions. C'est l'album le plus funk des trois. Voilà donc les artistes de cette maison de disque, dont la mission est de «faire travailler les musiciens ensemble». Vision peut-être un peu utopique, mais Gast Waltzing veut aussi créer des conditions idéales pour les musiciens : du bon système d'amplification à la distribution internationale des disques, en passant par le studio d'enregistrement adéquat. Gast Waltzing, lui-même trompettiste signé chez Warner Music Group, espère pouvoir faire profiter ses nouveaux protégés de son expérience et contacts qu'il a pu accumuler lors de sa carrière. Il espère de même que les musiciens pourront se faire un peu d'argent grâce à cette aventure et vivre de leur passion. La création du label n'a pas été facile. Les structures-cadres n'existent pas et se soumettre aux démarches afin de bénéficier de subventions étatiques semble revenir plus cher que cela ne pourrait rapporter. Gast Waltzing est donc seul maître à bord, chose qui semble l'arranger, car il n'a ainsi de compte à rendre qu'à lui même. Le Luxembourg a cependant été choisi comme base de la maison de disque, car Gast Waltzing a pu, à travers les ans, s'établir au Grand Duché et mettre sur pied un réseau de connaissances et contacts. «Au Luxembourg, les chemins sont plus courts». La stratégie adoptée par son entreprise est relativement claire. WPR comporte trois sous-labels : WPR Music, qui abrite tout ce qui a rapport avec la musique pop en général, WPR Jazz et WPR Outrageous. Ce dernier servira à placer des artistes inclassables. Selon Waltzing, les gens ont toujours tendance à penser en catégories, d'où ces trois structures qui devront aider à établir les artistes dans des niches bien précises. Il ne s'agit donc pas de produire des standards de jazz ou encore de musique pop traditionnelle, mais bien des projets plus osés. Des genres dont une maison de disque traditionnelle s'éloignerait. Une illustration est sans doute Tease de David Laborier. Cet album est tout à fait aux antipodes de l'album précédent du David Laborier Trio. Gast Waltzing a encouragé le guitariste dans une nouvelle voie plus risquée commercialement, à l'opposé d'une approche classique du jazz que David Laborier avait avec son trio précédent. À côté de cette stratégie de niche, WPR fait des efforts de communication non négligeables et bien réfléchis. Gast Waltzing sait très bien qua sa maison de disque doit d'abord se créer une image et une reconnaissance aussi bien auprès du public qu'auprès des professionnels. Les albums des trois artistes, dont la sortie simultanée n'est pas un hasard, ont ainsi la même ligne graphique. Le même aspect de la couverture du CD sert non seulement à être plus visible dans les bacs des disquaires, mais aussi à assimiler les artistes avec ce nouveau label. Autre stratégie de communication appliquée : le teasing. Ainsi, des extraits de musique numérisés de trente secondes, sont envoyés par e-mail à des centaines de personnes et acteurs clés. Ces fragments doivent éveiller un intérêt, laisser une impression telle que la personne concernée ait envie d'en découvrir l'entièreté. Un concept marketing judicieux mis au service du jazz. Le consommateur n'aura justement pas de problème s'il veut se procurer un des albums publiés par WPR. Gast Waltzing s'est assuré une diffusion à grande échelle : ainsi, la distribution des enregistrements WPR est sous-traitée et on retrouve par exemple Bertus pour les territoires Benelux ou encore Alive pour l'Allemagne. Mais la numérisation touche également ce secteur et Gast Waltzing a décroché des licences de distribution à iTunes et Napster. Mais mettre un album en vente en le plaçant dans les bacs ou encore sur un site Internet ne suffit pas. Une des meilleures façons de se faire un nom en tant que musicien est, bien entendu le concert. Et de nouveau, Gast Waltzing prouve être un business man averti : il a ainsi réussi a placer ses protégés sous contrat d'un booking agent étranger. WPR semble donc apporter une structure professionnelle et bien étudiée. L'expérience en tant qu'artiste et manager de Gast Waltzing ne peut être qu'un avantage pour ces artistes qui font leurs débuts en tant que musiciens professionnels. Une réelle relation de confiance s'est installée entre les trois artistes et Gast Waltzing. Reste à voir si les stratagèmes mis en oeuvre réussiront à attirer l'attention du public non seulement au Luxembourg, mais surtout à l'étranger. Être un acteur sur la scène luxembourgeoise n'est pas aussi ardu que de se créer un nom sur les marchés voisins. Toujours est-il que Gast Waltzing a le mérite de s'être lancé dans cette aventure et qu'il en porte les risques financiers. «C'est un homme des décisions et des actions,» pense, à juste titre, Jeff Herr.

Pour plus d'informations: Internet: www.waltzingparke.com ; e-mail: wpr@pt.lu

 

Michel Welter
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