CD More Songs for Life

Music for life

d'Lëtzebuerger Land vom 09.12.2004

Oublions un instant les bons sentiments. Bien sûr qu'il est essentiel de mobiliser contre le sida, qu'il est même vital de le crier par toutes les voies possibles et imaginables: protégez-vous! Les 54 nouvelles infections de cette année sont plus qu'alarmantes, probablement dues à un manque de précautions des jeunes notamment suite à la découverte de traitements qui rendent la survie avec la maladie possible. Les associations de lutte contre le Sida et les milieux médicaux annoncent qu'ils redoublent désormais d'efforts. Jean-Claude Schlim, producteur exécutif de films, profondément marqué par l'explosion du sida dans les années 1980 et la mort de son propre ami des suites du virus en 1995, est en train de monter son premier film en tant que réalisateur sur le sujet, House of boys, qu'il tournera l'année prochaine. Son scripte - une histoire d'amour tragique d'un jeune qui vient de faire son coming-out dans les années 1980 - a servi de base à More songs for life, la deuxième compilation de musique en faveur de la lutte contre le sida. Le premier disque, Songs 4 Life, avait été initié par Tom Leick l'année dernière. Tous les intervenants l'ont fait bénévolement, tous les bénéfices iront aux associations actives dans le domaine. Voilà pour le côté coeur. Mais les bonnes intentions ne suffisent pas forcément pour faire du grand art. Souvent c'est même le contraire. Donc oublions les bons sentiments et essayons de ne juger que la qualité artistique du disque produit par Delux et Ed Sauer (Nylon Records, Disc-o-take). Un disque qui, parmi sa vingtaine de titres, regorge en fait de bonnes surprises - dans tous les sens du terme. Car les musiciens, invités à s'inspirer du scripte du film, se sont donc forcément laissés emporter par les musiques pop glamour des années 1980. Ce qui nous vaut des réinterpétations absolument délirantes. Comme ce magnifiquement décalé Yes Sir, I can Boogie (Baccara) par Norma Minor qui ne semble jamais s'arrêter, toujours trouver de nouvelles déclinaisons du thème. Le duo constitué de Nora Schlesser et Marion Thill est une des grandes révélations du disque. Ou la belle et très vigoureuse version du mythique Boys don't cry des Cure par les Last Millenium Suckers. Et qui se souvient encore de Visage, un des ces nombreux groupes plein de strass tombés dans l'oubli depuis lors, alors que leur grand hit Fade to grey, est resté un pas important dans l'histoire de la pop? Low Density Corporation en font une belle lecture, modernisant discrètement ces incomparables passages électroniques qui meublent entre le refrain. Ou Video killed the radio star - qui pourra jamais oublier cet hymne des Buggles à la culture des clips vidéos avant l'heure? La version de Jérôme vs. Taste T manque un peu d'originalité, le deejay s'étant borné à la remixer à des rythmes house. Parmi les révélations de More songs for life, on citera aussi 6 Volt 9, le trio qui a donné un gig très remarqué au festival Sonic Faces cette année. La version acoustique de Love is a shield de Camouflage chantée ici par Eva de sa voix frêle, avec beaucoup de retenue, simplement accompagnée à la guitare sèche est véritablement touchante. Côté réussites, il y a encore l'interprétation par Sascha Ley de Für mich soll's rote Rosen regnen de Hildegard Knef ou Thorunn qui se surpasse en chantant Send me an Angel de Real Life - elles gagnent toutes les deux pour n'avoir pas copié mais réinterprété les originaux. Le Pretty in Pink des Mack Murphy and the Inmates n'est en fait qu'une maquette, le groupe n'ayant pas eu le temps de produire une version définitive de la chanson - mais rien que cette «maquette» prouve tout le talent du groupe dont on attend déjà avec impatience le deuxième disque. Le jouissif Sex Junkies de DJ Shanu contraste autant avec l'ambiance un rien nostalgique de l'ensemble que le très convaincant Dystrophy de Principal Trade Centre. More songs for life est comme un voyage dans la jeunesse des trentenaires et des quadras, qui gardent des années 1980 aussi le souvenir d'une décennie où tout semblait possible musicalement, où la musique disco fun et son arsenal de sons et d'images kitsch évoluaient à pas de géant grâce aux petits boutons qu'il suffisait de tourner sur toutes ces grosses boîtes bourrées d'électronique. Mais la grande qualité du disque est qu'il réussit assez bien, à deux ou trois exceptions près, ce délicat exercice d'équilibriste de ne tomber ni dans le ridicule, ni dans la nostalgie tout aussi déplacée. C'est probablement grâce à l'humour avec lequel les meilleurs des musiciens se sont mis à la tâche. À la fin de l'écoute, on a une pêche d'enfer, comme un grand cri d'espoir. Et on le réécoute par envie, pas par pitié ou pour avoir sa bonne conscience de saison. 

Le CD More songs for life est en vente au prix de 15,50 euros chez tous les disquaires et dans les grands supermarchés ou peut être commandé en-ligne soit sous www.ptd.lu, www.nylon-records.com ou www.fortuna.lu.

 

josée hansen
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