Kollektiv Spackelter, OPE, ProActif, Caritas
D’un point de vue financier, l’affaire Caritas dépasse très largement tout ce que l’on avait pu voir jusque-là. Or, les scandales qui affectent le tiers secteur ne sont pas nouveaux. Ils ont même été assez nombreux. On peut ainsi évoquer l’affaire du Kollektiv Spackelter (une initiative d’aide aux toxicomanes) à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Ce collectif issu du mouvement des maisons des jeunes « autonomes » (dont les bases sont plutôt « libertaires ») proposait des solutions non-répressives à la question de la toxicomanie. Les initiateurs du projet finançaient de leurs propres deniers la rénovation d’une partie du « Jongenheem » (devenu vacant à l’époque) pour y installer un centre thérapeutique. Ils semblaient avoir considéré ces investissements comme une avance qui serait remboursée plus tard par l’État, en considération des résultats positifs auxquels on s’attendait. Au début des années 1980, les pouvoirs publics ont cependant retiré leur confiance au « collectif » qui s’enlisait dans une idéologisation croissante.
Plus récemment, en 2012, il y a eu les déboires d’Objectif Plein Emploi (OPE), l’initiative créée en 1998 par l’OGBL en faveur de la réinsertion dans le marché du travail. Il s’agissait d’une ardoise de plus de six millions d’euros dont plus de 4,5 millions à reverser à l’État. Cela a conduit à un plan social pour la moitié des 107 salariés. Quelques mois plus tôt, en 2011, avait éclaté l’affaire ProActif, une autre initiative d’insertion sur le marché du travail créée, elle, par le syndicat chrétien LCGB. Le ministre du Travail socialiste demandait à l’époque le remboursement de plus de deux millions d’euros qui auraient été perçus de trop par l’association ; demande qui fut contestée par celle-ci. L’affaire n’aura pas de véritables suites.
En 2024, ProActif fut de nouveau sous le feu des projecteurs, mais cette fois-ci ce sont des tensions au sein des instances dirigeantes qui en ont été la raison. Elles conduisent au licenciement du directeur auquel on reproche des « fautes professionnelles », affaire qui a été portée devant les tribunaux. Finalement, très récemment (fin 2024- début 2025), l’association d’entraide et de soutien aux immigrés portugais Casa a dû licencier des personnes ayant un contrat d’occupation temporaire indemnisée » dont l’indemnisation provenait de l’Adem. Des irrégularités dans la gestion de l’association auraient été constatées.1
Ces affaires ont plusieurs points communs : la question du financement et une gestion du subventionnement par l’État peu rigoureuse à l’époque des faits (notamment dans le cas des initiatives d’insertion à l’emploi) ; des problèmes de gestion internes liés à la croissance des organisations faisant partie du « tiers secteur » ; des ambitions et/ou incompatibilités personnelles entre les représentants de l’État et ceux de certaines associations ; une question de relations de confiance (ou de méfiance) entre personnes qui se superpose aux relations purement contractuelles entre l’État et les associations. Mais, en filigrane, apparaissent aussi les mutations du tiers secteur. Dans les années 1970, le sujet de la marginalisation de certains groupes fait la une (toxicomanie, délinquance, …). À partir des années 1990, ce sont les questions de chômage structurel et de pauvreté qui prennent une importance grandissante.
Dans le cas du Kollektiv Spackelter (créé à la fin des années 1970) il y a un va-et-vient entre la méfiance initiale des pouvoirs publics, puis un rapprochement et enfin une rupture. Ces tensions ont un arrière-plan qui relève d’un antagonisme des approches sur le fond qui se heurtaient parfois violemment. Ainsi, le Kollektiv Spackelter fut très critique à l’égard des solutions que l’État proposait pour aborder les addictions (notamment au Syrdall Schlass ou encore au Centre d’Useldange) et le collectif se targuait de proposer une méthodologie scientifique (plus) efficace. Les tensions concernent donc d’abord le fond, c’est-à-dire le contenu, même si les relations s’enveniment progressivement sur le plan des relations interpersonnelles et des problèmes de gestion.
En filigrane, dans les années 1970-1990, les tensions entre les pouvoirs publics (État) et le mouvement associatif sont le miroir de deux conceptions antinomiques : Celle d’une « société ouverte » – ouverte à des innovations dans le domaine social et sociétal, notamment – et une société dans laquelle les valeurs conservatrices sont encore fortes (une société « fermée »). Et à cette époque, l’État est identifié par beaucoup d’associations à ce conservatisme.
Évidemment, on peut essayer de trouver des antagonismes de substance lors du déroulement de l’affaire Caritas récente. D’après certains observateurs le non-sauvetage de la Fondation Caritas et de Caritas Accueil et Solidarité (les activités étant transférées à une nouvelle association) serait lié aux activités de plaidoyer politique de Caritas qui aurait incommodé les milieux politiques conservateurs et/ou « ultralibéraux » (notamment au sein du CSV). Or, le discours sur la pauvreté et la mendicité et le scandale que celles-ci constituent dans une société aussi riche que le Luxembourg n’est en rien disruptif. Il constitue le volet « compassionnel » de la discussion politique dans une société qui a accepté très largement la vulgate libérale ou néolibérale. Bien évidemment, il y a des nuances dans la gestion concrète de ces questions, mais fondamentalement il y a un consensus conceptuel dans ce domaine. Aujourd’hui les questions de pure gestion semblent être primordiales.
L’État pragmatique
L’histoire du tiers secteur au Luxembourg reste à écrire. Si la sécurité sociale a fait l’objet de synthèses et d’analyses spécifiques, le champ de la société civile reste largement inexploré du moins dans le domaine de l’analyse structurelle et de l’histoire du secteur dans son intégralité. Il y a bien eu des tentatives dans ce domaine. Ainsi le Manuel de l’intervention sociale et éducative au Grand-Duché de Luxembourg édité en 2009 par Helmut Willems (à l’époque professeur à l’Université du Luxembourg) constitue un travail pionnier, même s’il s’agit plutôt d’une juxtaposition des différents champs d’action sociale. L’ouvrage montre d’ailleurs l’étendue et la complexité considérables de ce secteur, tout en faisant un peu l’impasse sur l’analyse du cadre structurel global et de son évolution à long terme.
Sur le terrain, le champ de l’intervention sociale est aujourd’hui largement géré par des associations. L’histoire sociale est donc aussi l’histoire des associations et du « tiers secteur » en général. Il convient cependant de ne pas oublier que c’est l’État qui pose les bases de l’intervention et de l’aide sociales, tout en institutionnalisant la présence de la société civile – ou plutôt d’une partie importante de la société civile que sont au XIXe siècle les congrégations et l’Église – dans le champ social. L’État peut même être qualifié d’innovateur social dans la deuxième moitié du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle.
Une grande partie des mesures de politique sociale de la fin du XIXe siècle et de l’intervention directe de l’État se situe dans l’ère de Paul Eyschen, ministre de la Justice de 1876 à 1888 et Premier Ministre de 1888 à 1915. Eyschen est l’incarnation de la domination dans la deuxième moitié du XIXe siècle dans l’arène politique et institutionnelle de notables plutôt libéraux, mais influencés par les réformes faites à l’étranger et visant à moderniser le pays. L’État, respectivement les institutions étatiques, ne semble cependant pas avoir été très proche de la population à l’époque. La société civile (et notamment l’Église)jouaient un rôle crucial dans la vie des gens. On peut mentionner dans ce contexte, la destination des dons et legs qui font l’objet de publications au Journal officiel (Mémorial). Ce ne sont pas les bureaux de bienfaisance publics communaux qui attirent les dons, mais bien les fabriques d’Église. Au sein de la hiérarchie ecclésiastique, c’est Jean-Théodore Laurent (vicaire apostolique de 1841 à 1856) qui contribue à jeter les bases d’une présence très marquée de l’Église dans la société luxembourgeoise. Ultramontain, le vicaire n’était pas vu d’un bon œil par le pouvoir libéral, mais le fait de soutenir la création des congrégations et leur travail sanitaire et social conférait une sorte de légitimité morale à l’Église.
Les congrégations féminines sont déterminantes dans le développement de l’action sanitaire et sociale à partir du milieu du XIXe siècle. La demande de ressources humaines (notamment dans les nouvelles institutions sociales créées par les pouvoirs publics) et l’offre de main-d’œuvre (d’ailleurs « bon marché ») se rencontrent. Dans une société rurale où les conditions de vie sont encore très précaires, les familles nombreuses sont encore légion (la natalité restant élevée), et elles constituent un vivier pour le recrutement des congrégations. Les Sœurs de Ste Elisabeth, présentes au Luxembourg depuis 1672, ont été impliquées avant comme après l’indépendance en 1839 dans les institutions sociales publiques (comme l’hospice civil, l’hospice Saint Jean, l’hospice central). À côté de l’État, les industriels (notamment les sociétés sidérurgiques) continuent également à faire appel aux congrégations, plus particulièrement dans le domaine des soins et de la santé.
Dans les années 1840, la congrégation de Sœurs Franciscaines est créée. Elle permet de répondre aux demandes en « soins à domicile » dont la nécessité est mise en avant par le Collège médical. Par ailleurs les congrégations, dès qu’elles en avaient la possibilité – notamment grâce à la mise à disposition ou à l’héritage d’infrastructures immobilières – prenaient elles-mêmes des initiatives. Certaines structures créées par les Franciscaines et les Sœurs de Ste Elisabeth ont d’ailleurs des activités multiples. Dans les termes d’aujourd’hui, on dirait qu’elles offrent une panoplie de services sociaux et/ou sanitaires (soins à domicile, soins stationnaires, orphelinat, école, …).
En fait, au XIXe siècle, comme aujourd’hui encore, on assiste à différentes trajectoires : Alors que certains se spécialisent dans un domaine particulier, d’autres élargissent continuellement leurs activités. Une dynamique similaire s’est développée au cours des cinquante dernières années. Certaines associations, comme Caritas, Croix-Rouge, Inter-Actions, sont devenues de véritables conglomérats du champ social. D’autres associations, notamment dans le domaine de l’immigration, de l’environnement, de la lutte contre les discriminations restent focalisées sur leur domaine d’action initial ; peut-être aussi par ce que les pouvoirs publics ont limité, consciemment ou inconsciemment, le financement dans certains domaines.
La création des congrégations, le développement de leurs activités autonomes et leur travail dans les institutions étatiques peuvent certes être interprétés comme un engagement civique et moral, (respectivement éthique). En réalité, l’évolution décrite répond à une rationalité socio-économique sous-jacente. Cette interprétation a évidemment une connotation utilitariste, mais cette qualification semble pertinente. L’État libéral essaie de limiter ses dépenses sociales et les ressources qui doivent y être consacrées. Les congrégations (qui constituent une source de main-d’œuvre bon marché jusque dans les années 1960) et, plus tard, le bénévolat vont permettre de limiter les coûts et de recourir à des personnes motivées (et en principe productives). Autre élément souvent négligé : Dans certains domaines qui ne font pas nécessairement consensus au niveau politique, le recours à la société civile (ou à une partie de celle-ci) permet à l’État de légitimer, de justifier et de financer des activités contestées. Cela reste vrai pour l’époque plus récente.
Philanthropie/ Charité
Les congrégations ne sont pas les seules à s’activer dans le domaine de l’aide sociale. Certaines initiatives laïques se cristallisent à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. On peut ainsi mentionner l’engagement d’Auguste Ulveling, un notable qui s’intéresse à la protection de l’enfance, notamment aux enfants dont les parents sont incarcérés. En 1898, il publie un texte intitulé « Protection de l’enfance : une crèche à Luxembourg ». Et une telle crèche est effectivement créée la même année. En 1905, Ulveling élabore une « proposition de loi sur les enfants moralement abandonnés ». Ce n’est cependant qu’en 1939 que sera votée une loi sur la protection de l’enfance. Celle-ci introduit la fonction du « juge de la jeunesse ». Trois décennies plus tard, en 1971, un « tribunal de jeunesse » est créé.
Au début du XIXe siècle, d’autres associations d’aide sociale et philanthropiques voient le jour. En 1907, le Verein für die Interessen der Frau (dont la fondatrice est Aline Mayrisch) et le Verein für Volks- und Schulhygiene publient une étude, intitulée « Sozial-Enquête 1907 ». Celle-ci pointe les conditions de logement insalubres, notamment dans les faubourgs de la Ville de Luxembourg.2 En 1908 est créée la Ligue de lutte contre la tuberculose (maladie endémique à l’époque et liée aux conditions de vie insalubres) qui deviendra plus tard la Ligue médico-sociale. Des dispensaires voient le jour et la Ligue a recours à des infirmières-visiteuses qui prendront plus tard l’appellation d’« assistant(e)s d’hygiène sociale ».3
Ces actions sociales du début du XXe siècle ne peuvent être dissociées du développement des grandes sociétés sidérurgiques à partir des années 1880. Celles-ci sont bien conscientes que la santé publique n’est pas sans influence sur la marche de l’économie. Ce sont ces sociétés qui financeront largement les activités de la Ligue de lutte contre la tuberculose. C’est également le cas du financement de la Croix-Rouge dont la branche luxembourgeoise voit le jour en 1914. La Cour grand-ducale et les notables locaux (parmi lesquels les industriels) en constituent les soutiens indéfectibles jusqu’à aujourd’hui.
L’encyclique du pape Léon XIII, Rerum Novarum, de 1891 (qui s’intéresse au sort des « classes laborieuses ») pose les bases de l’enseignement social de l’Église et les fondements idéologiques de la création de la Caritas. Sa première implantation est à Fribourg-en-Brisgau en 1897, mais elle s’étendra rapidement à toutes les régions germanophones. En 1922, il y a des Caritas dans tous les diocèses en Allemagne. Au Luxembourg, la Caritas voit officiellement le jour au début des années 1930.4 Elle constituait le deuxième pilier de l’action sociale (caritative) de l’Église, à côté des congrégations. Il semble que l’activité sociale des milieux catholiques peut être caractérisée par l’image de rails parallèles : Les congrégations et la société civile catholique (notamment la Caritas) se dirigent dans la même direction, mais ne se croisent pas (ou pas souvent).
La hiérarchie ecclésiastique a bien évidemment une influence sur l’action sociale catholique, mais elle semble assez indirecte, s’exerçant notamment à travers les aumôniers dans le cas des congrégations. En ce qui concerne la Caritas, l’évêché nomme (a nommé) les membres du conseil d’administration et, jusqu’à récemment, les directeurs ont été des prêtres. Mais si dans le domaine du dogme, l’Église catholique est une organisation centralisatrice et centralisée, tel ne semble pas avoir été le cas dans le domaine de l’action sociale. Cette relative distance de l’évêché peut expliquer que, dans le contexte des déboires récents de la Caritas, les responsables de l’Église ont pu agir comme si cette organisation ne faisait pas partie intégrante des institutions catholiques.
En tout état de cause, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, il y a deux composantes de la société civile qui sont présentes dans le champ social : une composante catholique et une composante laïque. Le combat autour de la laïcité était moins exacerbé au Grand-Duché que dans notre pays voisin, la France. De façon feutrée, les deux courants ont cependant subsisté et cohabité jusqu’à aujourd’hui. Les gouvernements successifs, même s’ils sont le plus souvent dominés par le parti chrétien-social, n’ont pas remis en cause un consensus qui s’exprime dans le financement parallèle des deux courants. En cela aussi, le tiers secteur est un reflet du « modèle social » luxembourgeois. D’un point de vue historique, la société civile n’est et n’a jamais été « unifiée » ; et même au sein du « courant catholique », il y a une concurrence … qui n’est pas nécessairement synonyme de tensions et ne s’oppose pas à des collaborations, comme c’est le cas avec les Hôpitaux Robert Schuman.
Vers des « holdings philanthropiques
et charitables » ?
La philanthropie est généralement définie comme un mouvement humaniste, marqué par l’altruisme, émanant des classes aisées en faveur des classes moins aisées. La charité, souvent liée au sentiment religieux, essaie de combiner l’entraide mutuelle au sein d’un même groupe (ou d’une même classe) avec le principe philanthropique plus « asymétrique ». Au Luxembourg, comme dans la plupart des autres pays européens, les deux formes d’action altruistes ont toujours coexisté, avec au Luxembourg une tendance plus affirmée vers la charité.
Avec le développement des conventions dans les années 1970, ces activités sont intégrées dans des Associations sans but lucratif (Asbl), notamment pour des motifs de sécurité juridique. Depuis une vingtaine d’années, on semble s’orienter vers un mouvement de concentration (comme dans l’économie de marché), où ces activités sont mises sous la houlette de fondations. Celles-ci facilitent la gestion des dons. Mais elles permettent également de regrouper les activités et de prioriser celles-ci. On peut citer la fondation Elisabeth – une structure faîtière créée en 2006 – sous la houlette de laquelle des activités autrefois menées par les Sœurs de Ste Elisabeth sont désormais regroupées. D’après le site Internet d’Elisabeth, « le Conseil d’administration de la fondation Elisabeth Stëftung constitue l’organe suprême de Elisabeth [… et] est responsable de la stratégie globale du groupe Elisabeth. »
En tant que groupe, Elisabeth emploie aujourd’hui plus de 2 000 personnes et gère quelque soixante institutions. Les responsables d’Elisabeth se distancient d’ailleurs de leurs origines religieuses en affirmant sur le site Internet qu’avec le retrait complet des Sœurs de Ste Elisabeth en 2016 s’est ouverte une « nouvelle ère […] en tant qu’entité laïque ». (Tout en sachant que, dans les conseils d’administration de la fondation et des œuvres, on retrouve des anciens politiciens du CSV et des personnes proches de l’évêché).
La création d’Arcus est également le reflet de ce mouvement de concentration. Arcus a été fondé le 28 octobre 2008 par cinq associations (qui fusionneront en 2011). Caritas avait également introduit une organisation regroupant une fondation et des associations. Cette réorganisation n’empêchera pas Caritas Jeunes et Familles (CJF), qui gère essentiellement des crèches et des maisons-relais et qui occupe environ 700 personnes aujourd’hui, de se distancer de la Fondation Caritas et de Caritas Accueil et Solidarité au lendemain de l’éclatement de l’affaire, essayant ainsi de se préserver des retombées.
Les structures administratives et organisationnelles qui commencent à émerger dans le « tiers secteur » sont donc encore fluctuantes. Néanmoins, la tendance va vers une concentration qui, à terme, pourrait conduire à de véritables « holdings de charité ou philanthropiques ». La gestion des grandes structures qui ont émergé va évidemment de pair avec des exigences nouvelles. Il semble que les associations ou fondations ayant une envergure importante essaient de répondre à cette question en mettant l’accent sur les compétences comptables et financières des responsables opérationnels (le cas récent de HUT est exemplaire à ce sujet). Cela constitue un changement. Car jusqu’au début des années 2000, c’étaient souvent des personnes engagées dans le travail de terrain (et dont la formation se situait plutôt dans le domaines social, éducatif et psychologique) qui assumaient le rôle de gestion.
Quel est le rôle des conseils d’administration (CA) d’Asbl travaillant dans le social ? En en analysant la composition, on gagne l’impression qu’il s’agit de contrebalancer les profils gestionnaires des directions par des profils politiques (mais des profils consensuels, notamment des hommes ou des femmes politiques qui se sont retirés de la vie politique active), des profils de fonctionnaires (pensionnés) ou alors des anciens professionnels du social désormais retraités. Il n’est pas certain que les compétences en gestion permettent à ces administrateurs de suivre en détail ce que fait leur direction. Dans beaucoup de CA, on nomme donc également des membres ayant des compétences en gestion et en droit, compétences qui sont censées permettre le contrôle de la gestion financière de la direction.
Beaucoup dépend de la transparence des décisions et des activités. C’est d’autant plus important lorsque la direction gère les activités avec beaucoup d’autonomie. En tout état de cause, les mandats dans des CA d’associations, qui gèrent souvent des millions d’euros et des centaines de bénéficiaires, devraient exiger un engagement sans faille, mais peut-être aussi un esprit critique permettant de déceler les points faibles. Souvent, il s’agit de faire le grand écart entre confiance et bienveillance d’un côté, et contrôle pointilleux avec une dose de méfiance de l’autre. Et ceci tant envers la direction qu’à l’intérieur du CA. Dans le cas de l’affaire Caritas, cet exercice, parfois périlleux, n’a manifestement pas réussi.