La nouvelle équipe dirigeante de l’Entreprise des postes et télécommunications, pardon Post Group, est désormais en place et les cartes ont été redistribuées, avec l’arrivée le 1er juillet dernier de deux nouveaux directeurs, dont Hjordis Stahl, qui traduit sans doute le mieux la volonté de changement tant managérial que culturel recherchée par le directeur général Claude Strasser, arrivé il y a un peu plus d’un an aux commandes d’un paquebot de 3 923 personnes. Le recrutement de l’ancienne directrice de Luxair Cargo a été annoncé le 22 mai dernier sous la pression de Luxair, alors que si ça n’avait tenu qu’à Post Group, ce débauchage n’aurait probablement pas fait l’objet d’un communiqué de presse. D’ailleurs, la nomination de Hjoerdis Stahl, qui a repris en main le métier postal, est intervenue le même jour que celle, nettement plus discrète, de Gaston Bohnenberger, ex-chef du département des infrastructures fixes de l’EPT, 22 ans de maison et accessoirement aussi vice-président de la circonscription Est du CSV, appelé, lui, à diriger la branche Post Technologies. Mais ni Stahl ni Bohnenberger n’auront encore droit à une place dans le comité de direction de l’entreprise publique. C’est techniquement impossible en raison des contraintes de la loi de 1992 sur l’Entreprise des postes et télécommunications qui a fixé à cinq le nombre de membres du comité de direction. Or, il faut désormais de la place pour sept personnes, surtout parce que Claude Strasser ne voulait pas trancher dans le vif et qu’il a choisi la méthode douce pour réorganiser l’entreprise publique, « réajuster son modèle économique » et aller au bout de la stratégie de repositionnement pour les dix prochaines années, selon l’Agenda 2020 qui a été approuvé par le Conseil d’administration au printemps dernier. Avec des bémols toutefois posés par le syndicat de l’EPT, qui veille à la conservation du statut d’établissement public de l’EPT et de ses trois piliers que sont la poste, les télécom et les services financiers postaux. La recomposition de l’équipe dirigeante a été, elle, approuvée à l’unanimité par le conseil d’administration le 17 avril dernier.
Ainsi, les quatre hommes, qui avaient été placés par son prédécesseur Marcel Gross, restent-ils en place dans le comité de direction. Mais leurs responsabilités respectives ont changé. Paul Peckels, qui porte sur ses épaules, et même si les décisions furent prises à un niveau collégial, l’échec cuisant de la réorganisation de la poste, bascule vers la branche CCP pour diriger Post Finance, laissant ainsi la voie libre à Hjoerdis Stahl dans le métier postal. Marc Rosenfeld, ayant eu la double casquette de membre du comité de direction et de patron de la filiale mobile LuxGSM, conserve la main sur les commandes de la branche télécommunications (soit trois-quarts du chiffre d’affaires du groupe), mais il la partage maintenant avec Jean-Marie Spaus. Il y a donc trois directeurs affectés au secteur des télécommunications, en comptant Bohnenberger à la tête de l’infrastructure, à la place de Jean-Marie Spaus. Bohnenberger serait d’ailleurs un second choix. Officiellement numéro deux, Joseph Glod, celui qui aurait dû être à la place de Claude Strasser si l’histoire de l’EPT, 171 ans d’existence, avait été linéaire, a été positionné comme le stratège de l’entreprise, après Claude Strasser et le conseil d’administration bien sûr. Glod a laissé à Peckels la direction des finances pour conduire désormais la stratégie de développement à l’international et des acquisitions de l’entreprise publique, car, avec un certain retard à l’allumage, c’est la voie qui a été prise pour assurer la pérennité du groupe. « Je l’ai sorti du quotidien pour utiliser au mieux ses compétences énormes afin de positionner le groupe dans le futur », explique Claude Strasser dans un entretien au Land.
L’élargissement du cercle des directeurs de cinq à sept va donc demander un nouvel ajustement de la loi de 1992 sur l’EPT, déjà modifiée à deux reprises, dont la dernière remonte à un an, lorsqu’il a fallu régler le sort des fonctionnaires affectés à la société anonyme LuxGSM/EPT, et regrouper le métier des télécommunications sous une seule entité commerciale. Ce ne fut pas une mince affaire et il fallut plus d’un an et demi pour boucler le projet de loi. Pour Claude Strasser, il s’agit de « sortir de cette contrainte stricte d’un comité de cinq personnes, nous avons besoin d’un cercle plus large pour une entreprise de 4 000 personnes. ». Le jeune patron de Post Group souhaite aussi avoir les mains plus libres et rafraîchir la gouvernance de l’entreprise, en abandonnant, entre autres, le principe de la collégialité pour passer à une responsabilité individuelle des futurs sept directeurs. « Cette collégialité, dit-il, fait obstacle à une gestion efficace ». Le syndicat des P&T regarde ces plans de transformations avec une certaine méfiance. Ses représentants en ont pris acte et, dans une résolution adoptée le 11 mars dernier, « insistent pour une mise en œuvre rigoureuse et transparente du principe de responsabilisation des membres du Comité de direction, notamment dans le cas de graves défaillances ». Dans son dernier bulletin Postfax, le syndicat des P&T assure veiller au grain pour que le projet de loi à venir « se limite aux modifications nécessaires pour le bon fonctionnement du Groupe EP&T, sans porter atteinte aux droits acquis du personnel en place ».
Le ministère de l’Économie, qui a Post Group sous sa tutelle, est en train d’élaborer un avant-projet de loi pour adapter la gouvernance de l’entreprise, sans qu’un calendrier précis ait encore été défini. Reste à savoir si la perspectives d’élections anticipées et une possible redistribution des cartes sur l’échiquier politique – avec l’hypothèse que les socialistes ne reviennent pas au gouvernement – ne risque pas de compromettre ces plans, à tout le moins le calendrier. En attendant, Claude Strasser a le soutien inconditionnel du ministre LSAP de l’Économie, Étienne Schneider. Son prédécesseur Jeannot Krecké, davantage vieille garde, était, lui, plus réservé sur la suppression du principe de la collégialité.
Claude Strasser a donc mis ses sept hommes et femme en place pour conduire à son terme l’Agenda 2020. Ce sont de « vrais directeurs » de branche, même s’ils ne font pas encore partie du comité de direction. À cette équipe de sept personnes du premier cercle, il convient d’ajouter une sous-couche de trois autres dirigeants « transversaux » : Luc Welter, ancien directeur marketing et innovation chez LuxGSM, prend du galon pour diriger l’ensemble du département marketing du groupe ; Daniela Binda, 46 ans, ex-Deloitte, recrutée en février 2012, prend, elle, les rênes de la gestion des ressources humaines et le Français Gabriel de la Bourdonnaye, associé de la firme d’avocats Allen & Overy, recruté en même temps que Hjoerdis Stahl, prend la direction du département juridique.
À l’agenda déjà chargé des dirigeants de Post Group figure également la gestion et le devenir de son parc immobilier. C’est une affaire sensible, car à terme, il faudra trancher, entre autres, sur le sort du siège historique de l’entreprise, l’Hôtel des Postes situé place Aldringen, au cœur de la ville. Le bâtiment n’est plus adapté et coûte cher, comme l’était aussi pour Arcelor Mittal son siège de l’avenue de la Liberté. Le géant mondial de l’acier n’a pas hésité à délaisser pour un immeuble voisin plus fonctionnel. C’est plus compliqué pour une société à cent pour cent dans les mains de l’État. Pas question pour l’heure pour Claude Strasser de prendre une décision qui pourrait blesser la sensibilité des Luxembourgeois. Il dément donc toute intention de vendre le vieux bâtiment. Du moins dans l’immédiat : « Nous prendrons la décision dans six ans », assure-t-il. Le temps pour le groupe de se construire deux ensembles plus modernes et plus adaptés, l’un à la Gare, où « la situation est devenue intenable, compte tenu de la vétusté des bâtiments existants », l’autre à la Cloche d’or. Le Conseil d’administration de Post Group aura mardi prochain à l’ordre du jour des arbitrages financiers à faire pour autoriser l’entreprise publique à lancer un ambitieux programme immobilier portant sur 150 millions d’euros. Il s’agit de trouver 35 000 mètres carrés pour reloger la plus importante centrale téléphonique du pays, un centre de données et le centre de distribution postale de Luxembourg-Ville, le tout actuellement logé à la Gare. Le chantier de démolition des anciens bâtiments et leur reconstruction se fera par étape, sans brusquer personne. Il est prévu en tout cas de faire migrer à la Cloche d’Or, dont les surfaces restent sous-exploitées, le centre de distribution postale régional. Un chantier qui durera six ans. Après quoi, on pourra s’occuper du sort du vieil Hôtel des Postes, où se tiennent encore les réunions du conseil d’administration de l’EPT.