Les coulisses de la musique (2)

La musique pour tous selon Pascal Sticklies

d'Lëtzebuerger Land vom 29.07.2022

Il arrive, très relax, sans costume ni cravate et avec un grand sourire aux lèvres. Si on ne le connaît pas, on pourrait le prendre pour un instituteur ou un comptable qui traînerait dans les parages. Mais non, Pascal Sticklies dirige, depuis 2013, le département éducatif de la Philharmonie Luxembourg et de l’Orchestre Philharmonique de Luxembourg. Il propose encore, avant de discuter, de nous montrer la grande salle, en rénovation pour la rentrée de septembre. On a beau la voir et la revoir, cette salle reste impressionnante et même à moitié-nue, on ne peut que s’incliner devant sa beauté.

Enthousiasme et compétences

On comprend très vite pourquoi Pascal Sticklies s’occupe de la programmation jeune public. Il dégage un calme et une gentillesse que même un ado qui ne jurerait que par Tupac ou Marilyn Manson ne pourrait que respecter. « Moi, je suis convaincu que la musique classique est faite pour tout le monde et pas seulement pour les adultes. C’est un langage universel qui parle aussi bien aux bébés qu’aux enfants, aux teenagers ou aux jeunes adultes ! »

Avec 170 spectacles estampillés « Jeune public » sur la saison, Pascal Sticklies ne chôme pas et remplit, avec son équipe, une grande partie du programme de l’année. Mais ce n’est pas tout : avec 15 000 élèves accueillis chaque année, la Philharmonie pousse également le curseur du côté des écoles. Un troisième axe, intitulé « Workshops et ateliers », vient encore compléter la palette de ce passionné de la musique. Un passionné au sens le plus noble du terme et qui se souvient : « Enfant, je n’avais pas vraiment d’idée sur ce que je voulais être plus tard, mais ensuite, après avoir commencé la guitare, j’ai su, dès quinze ans, que je voulais devenir guitariste professionnel. Ensuite, après avoir passé un diplôme de guitariste au Conservatoire Supérieur de Musique, ça a changé et j’ai voulu passer derrière la scène et aider à réaliser des projets artistiques ». Mais pour faire ce job, encore faut-il quelques qualités, n’est-ce pas, Pascal ? « Oui, déjà, avoir de l’enthousiasme, de l’intérêt et des compétences dans la musique, ça aide, bien sûr ! Après, il faut aussi s’intéresser au monde des jeunes… mais de manière vraiment authentique ; savoir ce qu’ils aiment, comment ils fonctionnent, … Enfin, il faut toujours avoir une exigence sur le plan artistique, proposer la qualité. Et, bien sûr, savoir dialoguer avec les artistes. »

Changer par la musique

On lui demande alors s’il pense que la musique peut, encore aujourd’hui, faire changer les choses. Sur ce point, il n’a aucun doute : « Oui, absolument ! Pour moi, c’est évident parce que tu mets des personnes qui ne se connaissent pas ou peu et qui doivent créer un univers musical, et bien ils vont apprendre à collaborer, à s’écouter, à fonctionner comme une équipe ; ils apprennent le respect et la créativité et donc, forcément, il y a un impact sur eux. Donc oui, je fais partie de ces gens qui croient que la musique peut, encore aujourd’hui, faire bouger les choses et les gens. » Et il ajoute : « Franchement, ici, le job est fascinant ! Et on vit avec l’idée constante qu’on peut toujours et encore faire plus et mieux… tout simplement car la demande est là et les retours que l’on a sont excellents. »

Homme de conviction et musicien artiste par le passé, il sait ce que cela fait de se retrouver sur le devant de la scène, comme les artistes qu’il reçoit tout au long de la saison. Pascal Stiecklies précise : « Oui, je suis content d’avoir finalement eu cette expérience, car ça m’aide à mieux comprendre les artistes que l’on accueille ici. » Des artistes qui vont, qui viennent et qui, parfois, le font bien rigoler. Surtout un en particulier : « Je me souviens d’un artiste de Berlin qui était arrivé pour une nouvelle production… mais une semaine trop tôt ! Ce qui n’est pas forcément très drôle, mais plutôt incroyable quand on pense que, pour ce genre d’activité, il y a un planning super détaillé et très précis que tout le monde doit respecter; les dates sont spécifiées dans chaque communication et il n’y a certainement pas loin de 300 emails qui sont échangés avant la venue des gens. C’est quasiment impossible qu’une erreur comme celle-là se produise ! Mais je me souviens, par contre, qu’il était le premier à en rire ! »

Douceur et révolte

Si on demande ce que peut bien faire Pascal quand il n’est pas à la Philharmonie, il répond : « J’aime beaucoup jouer au tennis. J’en faisais enfant, puis j’ai arrêté, car ce n’était plus compatible avec mon job de guitariste. Et quand j’ai pris le poste ici à la Philharmonie, alors j’ai recommencé. Et surtout, j’ai deux enfants de quatre ans et bientôt sept ans donc j’ai aussi une vie familiale assez riche. » (rires)

D’une douceur extrême, il avoue néanmoins que ces derniers temps, il n’a pu s’empêcher de se sentir attristé, voire révolté par certaines choses : « Évidemment, on ne peut pas passer à côté du problème du Covid, lequel, heureusement, semble se calmer. Et aussi tous les problèmes liés au climat ; on le sait, mais on ne fait pas assez. Mais encore, au-dessus de ça, je mettrais, bien entendu, la guerre en Ukraine et toute la souffrance humaine que cela entraîne. En fait, c’est surtout le fait qu’une seule personne ou un petit groupe de personnes puissent, à ce point, déstabiliser le monde. C’est très frustrant ! » Un chic type, Pascal Sticklies.

En vrac 

La chanson qui te rappelle ton enfance ?

Toutes les chansons que l’on a chantées quand j’étais scout. Elles m’ont vraiment touchées et elles sont toujours là, quelque part en moi.

La chanson qui te fait pleurer ?

Plutôt qu’une chanson en particulier, je vais alors plutôt choisir un requiem allemand de Brahms pour solistes, chœur et orchestre. Une véritable expérience spirituelle.

La chanson qui te donne la pêche ?

We are young du groupe Fun.

La chanson que tu ne peux plus entendre ?

Il n’y en a pas ! En fait, je pense avoir un filtre naturel qui me fait automatiquement couper la radio si c’est le cas ! (rires)

La chanson que tu as honte d’écouter ?

J’ai beau réfléchir, je n’en trouve pas. Non, en fait, j’ai trop de respect pour la musique et je trouve que tout artiste a le droit de s’exprimer. Je sais aussi que, parfois, certains pensent qu’il y a un peu d’arrogance ou un certain élitisme dans le milieu de la musique classique par rapport aux autres styles musicaux. J’ai vraiment le plus grand respect pour toutes les musiques et il ne faut jamais oublier qu’avant toute chose, la musique, c’est de l’art, point !

Romuald Collard
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