…ne s’est-il donc tant battu que pour cette infamie ?son verbe qu’avec crainte tout le prétoire admire,son verbe qui tant de fois a sauvé de justes causestrahit donc sa quenelle, et ne fait rien pour lui !O cruel souvenir de sa gloire passée !Œuvre de tant de jours en une lettre effacée !Nouvelle publicité fatale à son honneur !
Tel Don Diègue, Gaston Vogel mène le combat de trop en ayant rendu publique une nouvelle missive qui se veut une lettre ouverte, mais qui enfonce surtout les portes de la xénophobie, grandes ouvertes depuis le référendum du 7 juin dernier.
« La vieillesse est un naufrage », disait de Gaulle à propos du maréchal Pétain en citant Châteaubriand. Et justement, en cette période creuse de l’été, deux vieillards, en France et au Luxembourg, semblent brailler « Maréchal nous voilà ! » Jean-Marie Le Pen éructe sur sa fille quand Gaston Vogel insulte les mendiants. Des deux côtés de la frontière, les propos se ressemblent, fleurant le racisme populiste et l’appel à la haine de l’autre. Le ton de la lettre ouverte publiée l’autre jour par l’avocat belliqueux sent l’odeur nauséabonde qu’il veut pourtant attribuer aux mendiants. Les pâtissiers savent bien cependant que les mendiants, quand ils accommodent leurs restes, sentent bon le rhum cubain plutôt que le rom roumain. En tapant sur les mendiants, le maître casse le thermomètre, car les mendiants sont le symptôme d’une Europe qui va mal.
Et nous n’aurions pas la cruauté de tirer sur l’ambulance, si ces éructations n’étaient pas symptomatiques aussi d’un climat qui s’est dangereusement gâté depuis que 80 pour cent des Luxembourgeois de souche ont rejeté le droit de vote des étrangers. Racistes et xénophobes de tout poil se sentent désormais pousser des canines de doberman pour aboyer sur la racaille qu’est censée incarner l’autre. Par ces temps qui courent, on ne saurait donc trop applaudir Madame la bourgmestre qui n’a pas sorti le kaercher, mais a rappelé qu’il existe des lois et que ces lois seront appliquées, toutes la lois, rien que les lois. Car comme pour l’impôt, il est bon de rappeler que trop de lois tuent La Loi. Cette Loi, avec majuscule, permet à nos citoyens de vivre dans un État de droit et non pas sous un régime totalitaire que Le Pen et son épigone luxembourgeois semblent appeler de leurs vœux. Les juristes n’ignorent pas que les lois sont imparfaites, qu’elles sont toujours (et c’est heureux) en retard à l’évolution de la société. En permettant malheureusement à quelques profiteurs de se nicher en toute légalité dans leurs interstices, elles autorisent le plus grand nombre de respirer l’air de la liberté. Appliquons donc la loi aux associations de malfaiteurs, mais appliquons-là aussi et surtout aux bandes organisées des incitateurs à la haine raciale. L’article 457-1 en ces temps d’après référendum aura de beaux jours devant lui, n’est-ce pas Madame la nouvelle procureure ?
Et puis, n’oublions pas quand même que Dieu, dans Sa très grande sagesse, a créé les mendiants pour permettre aux croyants de pratiquer la charité et de se racheter ainsi une conduite pour les mener tout droit vers le paradis. Et d’ailleurs le trône, qui reste le meilleur allié de l’autel, ne montre-t-il pas l’exemple avec cette « Heeschefrâ » de Grande-Duchesse Charlotte qui tend la menotte du côté de la Place Clairefontaine ? Quant aux athées, gageons qu’ils sont assez raisonnables pour passer leur chemin sans l’aide de la police, en fredonnant l’air à quatre sous de Polly Peachum, le roi des mendiants. Yvan (avec la complicité stylistique peu nuancée d’un célèbre baryton du barreau)