Nous ne vous ferons pas l’injure de vous raconter l’histoire du hip hop international, né dans l’underground new-yorkais, avec le graffiti, la danse, et, bien entendu, la musique et des noms comme Grandmaster Flash, Run DMC, Wu-Tang Clan ou Public Enemy. Au Luxembourg, dans les années 1980 et 90, quelques « battles » et autres « open mic » voient bien le jour, mais c’est finalement bien plus tard que deux événements majeurs vont, enfin, installer le hip hop comme courant plus maintream, reconnu par les médias. En 2003, The Gentles, un groupe un peu sorti de nulle part, se trouve projeté sur le devant de la scène avec le titre Firwat ?. Il s’agissait là d’un morceau composé pour une campagne de la Sécurité Routière, mais qu’importe… le Luxembourg découvre un rap en luxembourgeois, évident mais bien écrit et une chanson qui se classe dans le top de l’époque (6 000 singles vendus quand même !) Suivra Alain Tshinza, acteur de la scène locale et plus connu sous le nom de Gospel Emcee, qui sort en 2010 Hamilius : Hip Hop Culture in Luxembourg, un film « hommage » à la culture souterraine de la capitale. C’est là que, pour la première fois, un public plus large découvre des gens comme Godié ou encore Corbi. La reste, comme on le dit généralement, appartient à l’histoire… Avec la multiplication des scènes et des salles, des soirées « open mic » et des labels, les artistes se multiplient aussi : T the Boss, De Läb, Bandana, Maka MC, Dorian & Louvar... Le hip hop existe bel et bien au Luxembourg.
Voilà pour la séance de rattrapage. L’actualité du moment, c’est le projet LX finest Hip Hop lancé par Kultur LX en partenariat avec l’Atelier, Eldoradio, Unison Studios et Konektis Entertainment. L’idée est de mettre en lumière certains des groupes de hip hop luxembourgeois les plus attendus cette année à travers : une web-série et un concert gratuit. Au menu une sélection de haut vol d’artistes locaux : Corbi, Tommek & Turnup Tun, Nicool & De Läb, Culture Kid & 2ni et enfin, MAZ & Magestick.
Giovanni Tronno, responsable du département musique chez Kultur LX, nous explique : « Le choix du hip hop est né de nos discussions avec le secteur qui nous a suggéré que c’est un style musical qui n’est pas encore assez mis en lumière. Pourtant c’est une musique et une culture qui ont le vent en poupe et qui rassemblent. Cette scène mérite pleinement qu’on en parle, qu’on en fasse la promotion et qu’on lui montre une certaine reconnaissance. Il est important de ne pas laisser à l’écart un style musical. » Pour le concert de ce 29 avril, Kultur LX a, selon sa méthode habituelle, invité des professionnels européens du secteur. « C’est une démarche que nous faisons sur beaucoup d’événements. C’est même notre « core business » même si, ici, les invitations sont beaucoup plus ciblées sur la scène hip hop en particulier. »
Mais la partie la plus ambitieuse du projet est la création d’une web-série. Produite avec l’équipe d’Unison Studios et de SKIN, elle offre un aperçu rare de la vie des artistes hip hop au Luxembourg : de l’élaboration des titres à la collaboration avec les producteurs, de leur vision de la scène locale à la place qu’ils y occupent. Giovanni Tronno : « L’idée de cette web-série était de faire connaître la scène hip hop du Luxembourg, d’en décrire ses codes, ses valeurs, son multilinguisme. On voulait montrer comment les musiciens travaillent, quels sont leurs objectifs et ce que la scène veut véhiculer comme message. Pour cela, on donne la parole aux jeunes, mais on apporte aussi un volet plus historique en expliquant un peu d’où vient le hip-hop luxembourgeois. » Deux générations d’artistes et de producteurs se rencontrent et se racontent, offrant ainsi un panorama de la diversité de la scène locale avec des styles différents mais des valeurs communes.
Pour ce qu’on en a vu, le pari est réussi ! Les équipes engagées pour ce projet ont impressionné les artistes par leur professionnalisme. Nicool, par exemple, est emballée : « Je trouve ça chouette de pouvoir, dans dix ans, revoir la version du moi d’aujourd’hui, avec mes idées et convictions actuelles. C’était assez marrant d’être suivi par une caméra et c’était agréable de travailler avec ces équipes. On a passé un très bon moment ensemble ! » Seule représentante féminine de la bande, la chanteuse n’est pas pour autant impressionnée. « Je ne peux pas dire comment je suis perçue. Je fais de la musique et, par hasard, je suis une femme ! Le respect, en hip hop, il s’acquiert en démontrant ce qu’on est capable de faire, peu importe qui on est : femme ou homme, chat ou chien, riche ou pauvre, beau ou moche ! »
Une belle initiative, des artistes doués et impressionnants en live, tout est réuni pour que le hip hop prenne définitivement son envol…