Cinémasteak

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d'Lëtzebuerger Land vom 08.07.2022

Dans le cadre du cycle « Mafiosi & Mobster Movies » qui se tient actuellement à la Cinémathèque de Luxembourg, on célèbre comme il se doit les cinquante ans de la sortie en salles de The Godfather (1972), le chef-d’œuvre qui relança la carrière de Marlon Brando et imposa Coppola parmi les plus grands cinéastes de la scène internationale. On en oublierait presque les coulisses invraisemblables de ce film, et combien la réalité en a souvent préfiguré l’écriture. À commencer par son tournage rocambolesque supervisé de bout en bout par Joe Colombo, l’un des chefs de la Cosa Nostra new-yorkaise qui en profita pour se faire passer pour un généreux philanthrope en fondant en 1970 la Ligue de défense des droits civiques des italo-Américains. Une médiatisation qui ne fut cependant pas au goût de tout le monde. Le 28 juin 1971, le gangster était abattu d’une balle dans la tête, mais survécut quelques années encore. Comme Vito Corleone (Brando) en réchappa, malgré les trois coups de feu reçus aux abords d’un marché.

Bien d’autres films ont poursuivi et transformé depuis l’héritage du Parrain. Au sein de cette sélection figurent Jean-Pierre Melville (Le Deuxième Souffle, 1966), John Boorman (Point Blank, 1967), Park Hoon-jeong (New World, 2013). Mais aussi de plusieurs auteurs italo-américains, de Scorsese (The Departed, 2006) à Brian De Palma (Scarface, 1983), en passant par l’inévitable Sergio Leone (Once upon a Time in America, 1984). Comme Francis Ford Coppola, Abel Ferrara est issu d’une famille de la Campanie, la région de Naples dans laquelle il s’est rendu en 2009 pour tourner Napoli Napoli Napoli. Le cinéaste, qui a la réputation d’être parano au point de se cloîtrer dans son gratte-ciel new-yorkais, est un drôle d’oiseau, capable du meilleur comme du pire, à l’image de sa filmographie inégale dont le trash et la grâce constituent les deux pôles, sans solution de continuité. D’où l’inquiétude morale qui tenaillent ses personnages, écartelés sans cesse entre le péché et la rédemption, entre la putain et la sainte Mary (Juliette Binoche dans le rôle-titre de 2005). Fait de doutes et de faiblesses, le catholicisme de Ferrara n’a rien de dogmatique. Son œuvre tout entier témoigne au contraire d’un rapport contradictoire à la foi, comme tout humain ayant été confronté aux multiples épreuves de la vie – peut-être plus encore pour un gamin ayant grandi dans le Bronx grouillant de la fin des années cinquante. Il en est de même de Scorsese et des jeunes paumés de Mean Streets (1973) interprétés par De Niro et Harvey Keitel. En arrière-fond lointain, mais ô combien proche à l’esprit des cinéastes issus de l’immigration italienne, la figure tutélaire de Pier Paolo Pasolini (1922-1975), dont on célèbre cette année le centenaire de la naissance avec les restaurations d’Accattone (1961) et de Mamma Roma (1962).

Étrangement l’un des meilleurs films de Ferrara, The Funeral a pleinement sa place auprès des réalisations de ses compatriotes italo-américains. Son catholicisme funèbre, ses éclairages en clair-obscur, son fétichisme domestique (statuettes de sainte, crucifix, bougies, napperons) s’inscrivent entièrement dans l’esprit du genre. Et le jeu de ses jeunes acteurs aussi (Vincent Gallo, Benicio del Toro), tous remarquables auprès du spectral Christopher Walken, l’aîné d’une fratrie maudite.

The Funeral (USA, 1996), vostf, 98’, est présenté lundi 11 juillet à 18h30 à la Cinémathèque de Luxembourg

Loïc Millot
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