Parmi les sorties luxembourgeoises qui s'égrènent cet automne, notons celle du quatrième album des Chief Mart's, le bien nommé Peter Erdnuss. Qu'attendre d'une formation qui existe depuis plus d'une demi-douzaine d'années (un record diront les mauvaises langues!) et qui propose une musique principalement instrumentale (beurk, c'est chiant sans les voix, diront ces mêmes mauvaises langues) et fortement psychédélique, dont les influences sont à chercher aux confins du dub et du space rock? Et bien, osons les superlatifs et disons qu'avec les « Chief », nous avons sous la main des compositeurs de musiques amplifiées parmi les plus versatiles et doués de ce petit pays et qu'ils peuvent, dans le domaine qui est le leur, tenir la dragée haute à des formations plus reconnues. Pour ce nouvel opus, Chief Mart's a fait appel au doigté de Philippe « Flappi » Matge et Dirk Mechtel, qui, du fond de leur studio d'enregistrement basé à la Kulturfabrik d'Esch-sur-Alzette, ont su capter un groupe au sommet de son art et lui donner un son chaud et rond, élément qui manquait cruellement sur leurs premières plaques, entièrement enregistrées par le groupe. Un véritable confort d'écoute est ainsi atteint et permet d'apprécier au mieux leurs compositions lysergiques. En effet, la musique de Chief Mart's nous invite à un voyage intérieur coloré, prétexte évoquant à la fois rêverie et cinéma mental. Chaque morceau présente donc une facette différente de ce grand voyage introspectif. C'est là qu'intervient la maîtrise musicale du groupe qui arrive d'album en album à élargir sa palette musicale tout en continuant à faire du Chief Mart's. Le changement dans la continuité, en somme. La fluidité avec laquelle le tout est présenté, est d'ailleurs assez remarquable, démontrant par la même occasion l'évolution accomplie par un groupe de plus en plus mature. À ce sujet, le morceau Mr le berquot illustre assez bien cette tendance, en ce qu'il présente le groupe sortant de leurs manches une introduction loungy et cuivrée avant d'évoluer vers un patchwork latino easy-listening, y glissant même, non sans humour, un solo de guitare que le vieux Carlos Santana n'aurait point renié. Quant aux autres destinations du périple sonore, notons du dub psychédélique hyper-efficace (Niz Niz); une marche ascensionnelle funeste (Gnac), un morceau électronique bien barré, paranoïa post-moderniste de l'ère atomique (Catte-e-nom); une ballade contemplative et épique (Blue Black Green Boulanger) ; quelques grooves floydiens bien sentis (Jean-Pierre 1000, Seaint, le coda d'Opulod 04), une des grandes marottes des membres du groupe qui, ici, dépassent l'hommage trop respectueux et en grands iconoclastes qu'ils sont, dynamitent les règles du genre afin de donner leur vision d'un idéal floydien. Outre un plaisir de jouer qui transpire à chaque note et une connexion cosmique entre les différents membres du quintet, les errements et les effets gratuits sont ici soigneusement évités, ce qui constitue un écueil pas toujours évident à surmonter dans ce genre d'entreprise. Âmes curieuses, fureteuses et rêveuses, procurez-vous ce doublon et surtout allez écouter les Chief Mart's en concert, car c'est leur terrain de jeu favori où ils parviennent à donner une dimension et un souffle supplémentaires à ces morceaux déjà bien vivants.
Le CD Peter Erdnuss des Chief Marts comprend huit chansons et est en vente chez les bons disquaires ou par le site Internet www.chiefmarts.tk.