Ce week-end, le Clae invite à la 41e édition du Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté. Événement culturel et familial, c’est aussi un moment politique inauguré par le ministre de la Famille.
Un débat, proposé par l’asbl Passerell, pointera la crise de l’accueil. Depuis fin octobre et l’annonce de Jean Asselborn, en tant que ministre de l’Asile, de la suspension temporaire de l’accueil des hommes seuls, les associations qui œuvrent avec et pour les réfugiés sont alarmées par le nombre important de personnes refusées ou expulsées par les structures d’hébergement de l’Office national de l’accueil (ONA).
Répondant à une question parlementaire de Joëlle Welfring et Meris Sehovic (Déi Gréng), le ministre Max Hahn (DP) note que 280 hommes voyageant seuls ont été mis sur la liste d’attente depuis la mise en place de la liste jusqu’au 18 janvier. À cette date, soixante hommes voyageant seuls ayant présenté une demande de protection internationale étaient encore sur la liste d’attente. Le ministre de la Famille précise aussi qu’une moyenne de 31 demandeurs de protection internationale (DPI) par nuit, sont accueillis à la Wanteraktioun, avec un pic de 59 DPI en date du 30 décembre 2023. La plus forte fréquentation du foyer de nuit a été atteinte le 27 décembre, avec 252 personnes accueillies, dépassant le pic de l’année dernière de 219 personnes.
Marion Dubois, directrice de Passerell, estime que jusqu’à la mise en place de la liste d’attente, les conditions d’accueil étaient « plutôt correctes ». Elle constate qu’aujourd’hui, plusieurs catégories de population sont directement visées. Les hommes seuls (« qu’ils soient Dublin ou pas ») sont les premiers concernés. Dans la salle d’attente de la Direction de l’Immigration une affiche barrée d’une grande croix prévient « No place available for single men ». L’association note aussi que de plus en plus de bénéficiaires de protection internationale (BPI) se font sortir des foyers. Ces personnes, parfois des familles, « se retrouvent à la rue sans plan B ». Les BPI payent à l’ONA « une contribution à charge », mais n’ont pas de contrat de bail, et donc aucune protection juridique, précise aussi Marion Dubois. Au fil des années, 69 pour cent des demandeurs d’asile ont obtenu une réponse positive. Une grande partie des gens qui arrivent ont donc vocation à rester. « Il serait donc bon de commencer leur intégration dès leur arrivée avec screening de compétences, possibilité de travailler ou d’étudier, un réel suivi pour l’apprentissage des langues. Une meilleure intégration permettrait aux BPI de quitter plus facilement les foyers. »
Autres cas visés qui ne sont plus accueillis dans les foyers, les personnes déboutées mais qu’il est impossible de renvoyer dans leur pays. On observe par exemple beaucoup de Soudanais qui sont déboutés alors qu’il y a une reprise des conflits, que d’autres pays comme la France considèrent qu’ils doivent être protégés. « Ils ne peuvent pas être renvoyés : il n’y a aucune coopération parce qu’il n’y a pas vraiment d’État ! », souligne Marion Dubois.
Passerell est encore plus inquiète pour des femmes seules, parfois avec des enfants, qui arrivent au Luxembourg fuyant des violences, souvent conjugales, dans le pays où elles ont été accueillies et où elles ont un statut. « Nous avons eu trois cas les trois dernières semaines. Elles sont dirigées vers le primo-accueil mais ne peuvent pas introduire une demande ici et donc ne peuvent pas aller vers les structures d’hébergement, y compris les foyers pour femmes », détaille la directrice. Une Soudanaise qui vivait en Bretagne avec le statut de réfugiée a ainsi passé deux semaines à la Wanteraktioun avec ses quatre enfants avant de trouver une solution pour retourner en France. « On peut les aider à reconstruire un chemin de vie, mais c’est un long travail pour leur faire comprendre les règles de l’asile, prendre des contacts avec des associations ou des points d’accroche dans la région où elles vivaient pour qu’elles puissent y retourner en toute sécurité. » L’association demande d’héberger temporairement ces femmes et leurs enfants le temps de démêler la situation et proposer une issue pour rentrer dans leur premier pays d’accueil.
Spécialisée dans l’accompagnement juridique, Passerell se mobilise pour le droit des DPI, en particulier, celui à un hébergement, droit inscrit dans la loi. « Nous avons mis en place une dizaine d’actions devant le Tribunal administratif et le Tribunal d’arrondissement, mais elles ne trouvent pas d’issues. Les juridictions se renvoient la balle et prennent du retard. Il y a clairement une volonté de ne pas statuer pour ne pas créer de jurisprudence », dénonce Marion Dubois. Elle compare avec la Belgique, qui a mis en place les listes d’attentes pour les hommes seuls, avant le Luxembourg. L’État belge et Fedasil (l’agence fédérale pour l’accueil) ont déjà été sanctionnés près de 9 000 fois par différents tribunaux pour ne pas avoir logé des demandeurs d’asile, avec des astreintes journalières. « Les associations ont ensuite saisi les juridictions pour obtenir le paiement des astreintes et ont eu gain de cause. Presque trois millions d’euros devraient être saisis, bien que des recours de l’État belge sont en cours », jubile la directrice. Un exemple pour le Luxembourg ?