Réfugiés du Balkan

Signaux politiques

d'Lëtzebuerger Land vom 05.06.2003

«Ces derniers mois, nous avions un problème énorme avec l'Union de Serbie et de Monténégro, explique Luc Frieden. Nos rapatriements de demandeurs d'asile déboutés durent être interrompus parce que nous ne recevions plus les papiers nécessaires pour le voyage de la part des gouvernements de cette nouvelle union. C'est parce que j'ai vu ce problème que je suis allé sur place pour le résoudre!» Lundi et mardi, le ministre de la Justice luxembourgeois et une délégation de fonctionnaires faisaient donc une visite de 48 heures au pas de course avec un programme extrêmement chargé d'entrevues bilatérales avec les nouveaux gouvernements de Podgorica, Monténégro, et Belgrade, Serbie. Dans leur valises: une promesse et une demande  insistante. 

La promesse: nous vous donnons de l'argent. Beaucoup d'argent. 21 millions d'euros d'investissements sur cinq ans, entre 2000 et 2005, dans des projets d'aide au développement, «une aide conséquente qui y est fortement appréciée,» affirma le ministre lors d'une conférence de presse mercredi. La demande: des papiers pour nos demandeurs d'asile déboutés, pleeeease! Car le gouvernement PCS/PDL a un problème: les réfugiés des Balkans, qui sont majoritairement venus au Luxembourg en 1999/2000, aux alentours de la guerre du Kosovo, ne partent pas.... Et sont soutenus dans leur volonté de reconstruire une vie meilleure ici par une large partie de l'opinion publique. La législature arrive à sa fin, la campagne électorale des législatives de 2004 commence à se préparer, et le gouvernement, malgré toutes les annonces, toutes les décisions politiques, toutes les motions du parlement, toutes les mesures d'intimidation n'a pas réussi à faire repartir les quelque 1300 personnes déboutées en fin de procédure de demande d'asile. 

«Nous voulons sauvegarder la cohésion sociale du pays, scande le ministre, et par là même éviter que des phénomènes comme le racisme et la xénophobie naissent chez nous!» Entre 1999 et aujourd'hui, quelque 5000 ressortissants serbes et monténégrins seraient arrivés au Grand-Duché, durant les quatre premiers mois de 2003, 425 personnes nouvellement arrivées au Luxembourg ont posé une demande d'asile politique, dont la moitié seraient originaires de Serbie et du Monténégro. Les signaux politiques que le gouvernement luxembourgeois veut émettre encore et encore sont donc multiples. D'une part, il veut signifier aux électeurs qu'il contrôle la situation avec une main ferme mais juste, et qu'il gère les flux migratoires de manière «proactive», comme on dit maintenant. Aux demandeurs d'asile déboutés, il veut symboliser cette même détermination pour qu'ils partent volontairement, sans que de nouveaux retours forcés manu militari ne réveillent les ONGs des droits de l'homme (ou celles qui restent). Et à ceux qui voudraient encore venir, il dit ainsi: ce n'est pas la peine, de toute façon, vous allez vous faire expulser! Luc Frieden exclut encore une fois toute nouvelle régularisation, même pour les familles qui sont installées au Luxembourg depuis quatre ans.

«Nous avons mené des négociations intensives, difficiles mais couronnées de succès, résuma le ministre. Nous pouvons parler d'une véritable percée politique». Car dès maintenant, les laissez-passer de chaque demandeur débouté pourront être demandés à la république respective dont il est le ressortissant, sur base de n'importe quelle pièce d'identité. Plus besoin de passeport ni d'accord d'un gouvernement fédéral. Luc Frieden espère ainsi enfin pouvoir accélérer les procédures de retours, qu'ils soient volontaires ou forcés. Car il y a un an déjà, le gouvernement avait annoncé une vague de retours, mais les lenteurs administratives de Belgrade avaient bloqué cette détermination dès décembre.

Un des projets dont Luc Frieden se montra le plus fier, ce sont les 425000 euros investis dans un programme informatique de vente à distance de valeurs mobilières, programme que la Bourse de Luxembourg mettra en place à la Bourse de Belgrade, «parce qu'il y a une réelle volonté de réformes là-bas». C'est probablement cela, la vision d'un monde meilleur d'un gouvernement libéral. Mais que verra la famille qui retourne dans un bled perdu dans les montagnes du Sandjak avec ses deux ou trois enfants sans perspectives d'éducation convenable - et encore moins d'un emploi - d'un programme informatique que manie un yuppy à l'occidentale à la bourse de Belgrade? 

 

 

 

 

 

 

josée hansen
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