Le Royaume-Uni quitte l’Union européenne, mais le Luxembourg devient son premier centre financier, la douzième à l’international. Explications

Luxembourg en pole position

d'Lëtzebuerger Land vom 09.10.2020

Luxembourg, première place financière de l’Union européenne selon la 28e édition du Global Financial Centres Index (GFCI) ! Le centre financier national ne doit pas seulement son classement au Brexit, car Londres ne faisait déjà plus partie de l’UE lors du palmarès précédent paru le 26 mars. Depuis cette date, la capitale du Grand-Duché, qui était alors troisième dans l’Union, a doublé Francfort et Paris. Même si Luxembourg n’est encore qu’au douzième rang mondial et au troisième rang en Europe (derrière Londres et Zürich), les autorités et les professionnels auraient tort de bouder leur plaisir, et Luxembourg for Finance, l’agence de développement de la place financière, ne s’en est pas privée.

Plus que son rang actuel, c’est la rapide progression de Luxembourg dans les classements successifs du GFCI qui impressionne. La place a en effet gagné douze places en un an, et six places en six mois puisqu’elle figurait au trentième rang en septembre 2019 et au 18e en mars 2020. Sur les six derniers mois c’est la plus forte progression des grandes places avec Madrid, Séoul et Boston. Luxembourg récupère ainsi un rang mondial qu’elle occupait déjà en septembre 2016 avant de chuter dans le palmarès. Comment est-elle parvenue à ce résultat ? Pour le comprendre il faut s’intéresser aux résultats par segments d’activité et par domaines de performance.

Leader en assurance Le document du GFCI identifie quatre grands métiers : la banque, l’assurance, la gestion d’actifs, les services professionnels et évalue leur environnement réglementaire. Le Luxembourg est absent du Top 15 des places financières pour l’activité bancaire et les services professionnels. Mais il est treizième en gestion d’actifs, troisième en Government & Regulatory Sectors et surtout numéro un mondial en assurance devant New-York et Londres ! La performance n’est pas mince car l’assurance est le seul domaine où New-York arrive en deuxième position. Par ailleurs le GFCI agrège les indices de cinq domaines-clés : environnement des affaires, facteurs d’infrastructure, réputation et facteurs généraux, capital humain et développement du secteur financier. À nouveau, le rapport présente le Top 15 des centres financiers sur chaque critère. Pour les trois premiers cités, Luxembourg est totalement absente de la liste.

En revanche elle occupe un flatteur quatrième rang mondial pour le capital humain, derrière New-York, Londres et Hong-Kong, devançant Paris (huitième) et Francfort (quatorzième). Selon le document, « les facteurs du capital humain résument la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée, la flexibilité du marché du travail, la qualité de la formation commerciale et les compétences de la main-d’œuvre et la qualité de vie ». De quoi combler d’aise, mais aussi peut-être un peu surprendre les professionnels et les autorités ! De plus Luxembourg figure à une très honorable quatorzième place pour le développement du secteur financier, qui mesure « le volume et la valeur des échanges sur les marchés financiers et autres marchés, l’effet de cluster du nombre de sociétés de services financiers différentes sur le site et les indicateurs de l’emploi et de la production économique ».

Course aux talents Finalement la position remarquable de Luxembourg est due à la fois à l’importance qu’y tiennent les services financiers, notamment l’assurance, et à la qualité des personnes qui y travaillent. Conserver ce rang enviable dans un classement marqué par une forte volatilité (lire encadré) implique de poursuivre l’effort local d’éducation et de formation, mais aussi de pouvoir attirer et fixer des salariés de haut niveau venus d’autres horizons. Précisément, une autre étude sortie quelques semaines plus tôt établissait le potentiel luxembourgeois dans « la course mondiale aux talents ». Fin juin le cabinet Airinc, qui se présente comme le « spécialiste de la mobilité internationale des ressources humaines » a publié l’édition 2020 de son Global 150 Cities Index (GCI), un indice composite qui détermine les villes les plus agréables à vivre pour les expatriés. Plus de 400 villes à travers le monde ont été évaluées sur la base d’indicateurs financiers (niveau des salaires, coût de la vie, impôts, cotisations et allocations sociales, etc… pour 60 pour cent de la note finale) et de critères de qualité de vie (niveau de la criminalité, santé, climat, disponibilité de logements, loisirs, éducation, etc… à hauteur de 40 pour cent).

Luxembourg monte sur le podium mondial derrière Zürich et Genève et juste devant Munich. Parmi les autres villes européennes Vienne est neuvième, Berlin quinzième, Dublin 26e, Amsterdam trentième, Bruxelles 33e, Paris 38e et Londres 39e. Le gouvernement luxembourgeois n’a naturellement pas manqué de s’en féliciter. Cela dit, tous les classements d’attractivité, qui marquent une nette tendance à la prolifération avec des méthodologies très variables, ne donnent pas d’aussi bons résultats. Ainsi la société allemande de déménagement Movinga, dans le cadre d’une série sur les Cities of opportunities, a publié en 2019 un classement des « Meilleures villes pour les familles » à partir de treize critères. Loin derrière Helsinki qui obtient la note maximale de cent sur cent, suivie de Québec et d’Oslo, Luxembourg fait ici pâle figure en apparaissant seulement au 64e rang sur 150 avec une note de 77,95. La capitale du Grand-Duché est loin derrière Anvers (33e) ou Lyon (51e), mais se console en faisant mieux que Paris (79e) et Bruxelles (119e).

The place to be Nul doute que les Luxembourgeois préfèreront le classement annuel de la qualité de vie du cabinet américain Mercer, qui fait référence en la matière par son ancienneté (plus de vingt ans). Dans la version du Quality of Life Index publiée au printemps 2020, 245 villes du monde ont été classées sur dix critères tels que le climat, la sécurité, la santé ou le coût de la vie. Ce classement présente l’originalité de prendre en compte des villes moyennes qui n’apparaissent pas dans la plupart des autres palmarès d’attractivité. Cette année Vienne perd la première place qu’elle occupait depuis dix ans et tombe au 19e rang au profit du duo australien formé de Canberra et Adelaïde. Déjà honorablement classée en 2019 (18e), Luxembourg gagne une place et pointe au cinquième rang européen derrière Zürich (cinquième dans le monde), La Haye (huitième), Eindhoven (onzième) et Copenhague (quinzième) tandis que Bruxelles et Paris sont respectivement 124e et 174e !

Des classements plutôt convergents dont les résultats ne doivent rien au hasard : de quoi réjouir les autorités et donner du grain à moudre à l’agence de promotion de la place. Mais pour revenir au tout récent palmarès du GFCI, il comporte tout de même un élément quelque peu rabat-joie. Les 111 centres financiers étudiés ont été répartis en douze groupes, en croisant deux dimensions : l’aire d’influence géographique (globale, internationale, locale) et la palette des services financiers (large et profonde, relativement large, relativement profonde, émergente). Dans cette « matrice de profils », Paris et Bruxelles appartiennent à la catégorie « Global diversified » en compagnie de Zürich, Amsterdam, Francfort, Dublin, Chicago et Los Angeles, car ce sont des centres mondiaux avec une gamme relativement large de services. En revanche, Luxembourg figure parmi les « International specialists » (envergure internationale avec palette profonde en raison du poids de l’assurance), aux côtés de Buenos-Aires, Chypre, Mumbai, Casablanca, Vilnius, Riga, l’île Maurice, Nankin, Taipei et Almaty mais aussi de Panama, des Îles Vierges britanniques et des Bermudes. Pas sûr que cet encombrant voisinage soit du goût de Luxembourg for Finance. ●

Un classement volatil

Dans le 28e classement GFCI, la place financière de Luxembourg figure au douzième rang mondial et au troisième en Europe, où elle est devancée par Londres et Zürich. Par rapport au classement précédent, en mars 2020, elle gagne six places dans le monde. En Europe, elle passe devant Genève, Francfort, Paris et Edimbourg. L’indice des centres financiers mondiaux (GFCI) est publié deux fois par an, depuis 2007, par Z/Yen Group à Londres et le China Development Institute à Shenzhen. En septembre 2020 environ 8 500 professionnels ont évalué la compétitivité des centres financiers sur près de 140 critères à partir d’un questionnaire en ligne. Le classement qui porte sur 111 places financières dans le monde est dominé par New-York avec 770 points, Wuhan clôturant la liste avec 420 points. Luxembourg obtient 719 points. Il existe une forte concentration dans la zone des 710 à 720 points, soit entre le 21e et le onzième rang avec pas moins de onze centres financiers au coude à coude. D’un semestre à l’autre les positions varient donc beaucoup, encore plus si on se situe sur une période d’un ou deux ans. Le classement est donc réputé pour sa grande volatilité, surtout quand on sort du Top 10. Entre mars et septembre 2020, 23 centres ont gagné dix places ou plus, et vingt en ont perdu dix ou plus. Exemple avec Genève, passée du 26e rang en septembre 2019 au neuvième en mars 2020 avant de retomber à la quatorizème place en septembre 2020. • gc

Georges Canto
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