Le Mudam propose sur son site internet le podcast d’Éden, Éden, Éden de Pierre Guyotat interprété par le comédien luxembourgeois Fábio Godinho. Marquant le cinquantième anniversaire de la parution du texte en 1970 par l’écrivain sulfureux Pierre Guyotat, ce podcast fait partie d’une série de conférences organisées par le Musée d’Orsay en collaboration avec des institutions, des centres d’art contemporain et des galeries d’art du monde entier.
Ce podcast retrace d’abord l’histoire d’une censure. Dès sa parution le 9 septembre 1970, le roman, provocateur, suscite à la fois le scandale et la fascination. Les éminents philosophes français Michel Leiris, Roland Barthes et Philippe Sollers composent la préface de cet ouvrage d’un jeune auteur dont Michel Foucault célèbre aussi l’audace du ton, espèce de symptôme dérangeant d’une époque singulièrement marquée par la guerre d’Algérie. Guyotat, qui fait partie du contingent envoyé en Algérie par la France défendant là son protectorat et en revient bouleversé. Il se saisit de la violence de ce conflit colonial dans Tombeau pour cinq cent mille soldats (1967). Il y invente une langue. Il va se charger de la donner à entendre dans Éden, Éden, Éden, fin d’une époque coloniale, fin des Empires. Censuré dès sa publication, il reçut le soutien, à l’échelle internationale, d’un nombre croissant de personnalités de la scène culturelle telles que Pier Paolo Pasolini et Joseph Beuys.
Car c’est bien cette langue qui dérange, cette langue extrêmement sexuelle mêlant le désert, un bordel de femmes, un bordel de garçons, des morts et des vivants violés, des incestes. Cette langue peut aujourd’hui être entendue et écoutée. Cinquante ans plus tard, le podcast proposé par le Mudam replonge dans l’œuvre et Éden, Éden, Éden de se révéler visionnaire d’un monde au bord de la transformation, à travers la violence, la sexualité, la décolonisation et la cosmologie. Les textes annoncent le point final d’une histoire coloniale et le basculement vers une nouvelle histoire, un point de décentrement par rapport à une manière de raconter les histoires jusqu’ici étrangement occidentale. L’autre y est cet ‘éden’, choséifié, exclu, contraint dans sa représentation. À l’occasion de l’anniversaire de cette publication, le Mudam a invité Fábio Godinho à lire le texte de Pierre Guyotat pour un podcast d’une durée de trente minutes. Cette collaboration a vu de nombreux partenaires parmi lesquels, entre autres, le Musée d’Orsay parisien, le Festival d’Avignon, le Centre Pompidou-Metz ou encore l’Artists’ Space à New York. Le Mudam, qui dispose d’autres podcasts et les présentera lors de prochaines expositions, entend développer cette nouvelle manière de faire émerger de nouveaux possibles du texte. Pour notre plus grand plaisir. Florence Lhote