Les regards se tournent vers Bakou. La capitale de l’Azerbaïdjan accueille la semaine prochaine les chefs d’États du monde entier pour la conférence des Nations unies sur le changement climatique. Le choix du lieu de la COP 29 suscite le débat. Des organisations alarment. « L’Azerbaïdjan, avec son gouvernement autocratique, son vaste secteur des énergies fossiles et son niveau élevé de corruption du secteur public, illustre clairement plusieurs risques pour l’intégrité des conférences climat de l’ONU », écrit Transparency International dans son rapport (Cop Co-opted) publié pour l’occasion. L’ONG avait aussi alerté en septembre 2017 sur l’état des droits de l’Homme dans cet État du Caucase du Sud après les révélations du « Laundromat ». Le consortium journalistique OCCRP avait pointé les flux financiers permettant la corruption de responsables politiques européens. Des milliards qui ont servi la « diplomatie du caviar » avec pour but principal de convaincre de la légitimité de l’Azerbaïdjan sur la République du Haut-Karabagh. Cette semaine, une enquête menée à l’initiative du média Forbidden Stories, en coopération avec l’OCCRP, France 24, Abzas Media et le Land, lève le voile sur la responsabilité du centre financier luxembourgeois dans la dilapidation des capitaux azerbaidjanais et la déliquescence de l’État de droit dans ladite « République ».
L’histoire commence à Bakou fin 2023. Les élections sont prévues dans quelques mois. Le président Ilham Aliyev brigue un cinquième mandat. Le régime serre la vis. Un journaliste du média indépendant Abzas est arrêté alors qu’il enquête sur une villa achetée en 2008 pour 5,8 millions d’euros par un fonctionnaire de l’administration présidentielle à Villefranche-sur-Mer, sur la Côte d’Azur française. Le journaliste est enfermé dans les geôles du régime avec cinq de ses collègues. Abzas Media enquête régulièrement « sur des affaires qui impliquent la famille du président Aliyev, et son cercle proche, l’élite politique, les ministres », détaille sa rédactrice-en-chef Leyla Mustafayeva. « Des affaires de corruption, avec des comptes en banque à l’étranger, des sociétés cachées, de l’argent volé à l’Azerbaïdjan, dépensé en yachts, en villas, parfois dans les pays du Golfe, parfois en Europe », poursuit-elle.
L’ébauche de l’enquête journalistique sur la villa face à la Méditerranée avait été mise à l’abri par la rédaction dans le « Safebox Network », un outil informatique développé par Forbidden Stories pour les journalistes menacés. C’est grâce au partage de ces informations que l’enquête est poursuivie par l’organisation médiatique créée en 2017 après l’assassinat de la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia. Communiquer avec les journalistes incarcérés les met en danger. « Nous ne savons donc pas exactement pourquoi l’un des journalistes d’Abzas Media s’intéressait en particulier à la villa Santa Monica dans le Sud de la France. Était-ce à cause du profil de son propriétaire, un fonctionnaire capable de s’acheter une villa à plusieurs millions d’euros sur la Côte d’Azur ? Ou bien en raison de la présence dans ce dossier de Khagani Bashirov, un sulfueux homme d’affaires franco-azerbaïdjanais, dont le nom revient régulièrement dans des affaires de détournement de fonds ? », interrogent les journalistes de Forbidden Stories.
Poupées russes à Gasperich
L’enquête mène droit à Luxembourg. Plus précisément chez Experta où était domiciliée la société acquéreuse de la villa Santa Monica, Villefranche Investments, elle-même constituée par trois autres sociétés anonymes luxembourgeoises. Parmi les administrateurs de l’une d’entre-elles figure Jean Bodoni, ancien patron de la fiduciaire de la BIL, alors dans le giron des Franco-Belges de Dexia. Âgé de 75 ans aujourd’hui, Jean Bodoni déclare ne pas se souvenir de clients azerbaïdjanais, encore moins de la « SA » créée pour l’achat de la villa, car des sociétés de ce type, il en a constitué à un niveau industriel : « des milliers », selon ses propres dires. Dans les registres des Panama Papers, l’intéressé et sa boîte Experta occupaient le haut du tableau des intermédiaires pour la création de sociétés offshore via le cabinet Mossack Fonseca.
Le fonctionnaire azerbaïdjanais, Panah Jahangirov, 60 ans aujourd’hui, siégeait au conseil d’administration d’une autre société luxembourgeoise : Consolidated Equipments. Celle-ci a été créée en 2006 devant la notaire Martine Schaeffer et avait notamment pour objet social le commerce de coton. L’homme d’affaires Khagani Bashirov, 63 ans aujourd’hui, figurait aussi au board. Cet Azerbaïdjanais pilotait des investissements à Luxembourg, profitant notamment de l’approfondissement des relations économiques entre les deux pays.
L’Union européenne voyait alors l’Azerbaïdjan comme un allié permettant de contourner la Russie pour son approvisionnement énergétique. Le ministre de l’Économie, Jeannot Krecké (LSAP), envisageait, lui, cette République du Sud-Caucase comme un axe de diversification pour l’industrie luxembourgeoise et la logistique. Cargolux y faisait déjà régulièrement escale pour bénéficier d’un kérosène bon marché. Ce régime autoritaire où les grandes fortunes se font et se défont constituait en outre un débouché pour un centre financier luxembourgeois en quête d’un nouveau souffle avec la lente mort du secret bancaire, qui contraignait les banques locales à refouler les petits (mais nombreux) évadés fiscaux français, belges et allemands.
Le socialiste Krecké s’est arrêté dans la petite autocratie pétrolière en 2006 et 2007 lors de déplacements vers la Russie voisine où le ministre prospectait assidument. « À l’heure où le prix du baril se situe à un niveau historiquement élevé, il semble que l’Azerbaïdjan dispose des moyens nécessaires permettant d’assurer à terme un développement de la situation économique et générale du pays », lit-on dans l’exposé des motifs de la loi actant la signature en juin 2006 de la convention de non double imposition entre les deux pays. Des députés-avocats d’affaires s’intéressaient aux échanges avec Bakou. L’un d’eux, Jacques-Yves Henckes (ADR), a rencontré Khagani Bashirov et ce dernier l’a encouragé à fonder une Chambre de commerce Luxembourg-Azerbaïdjan. Ce que le député a concrétisé en octobre 2006. « C’était un moyen pour lui de rencontrer et inviter des personnalités, des députés ou des ministres », raconte Jacques-Yves Henckes à Forbidden Stories. L’avocat décrit l’Azerbaïdjanais, devenu vice-président de la Chambre de commerce Lux-AZ, comme un homme d’affaires en qui « l’on pouvait faire confiance », qui essayait « surtout de faire du commerce, que cela soit pour le pétrole, le gaz ou le caviar ».
Public Private Partnership
À Bakou, le président de l’International Bank of Azerbaïdjan (IBA), Jahangir Haliyev, lorgnait aussi vers le Grand-Duché alors que son ami Khagani Bashirov s’y implantait. Les deux hommes s’étaient rencontrés en 1994. Le banquier officiait alors au ministère des Relations économiques extérieures. Bashirov, diplômé en langues étrangères avec une spécialisation en français, avait installé les bureaux de son groupe de conseil dans le même immeuble. La bannière du site internet de sa firme de l’époque, VES Consultancy, reprenait l’aphorisme de John Kennedy : « Ask not what your country can do for you. Ask what you can do for your country ».
Les deux amis se sont retrouvés le 21 janvier 2008 à l’hôtel Royal pour l’inauguration du bureau de représentation de la banque publique azerbaïdjanaise à Luxembourg, posant devant les photographes du Wort et du Lëtzebuerger Journal. Le lendemain, le quotidien libéral semblait se féliciter de l’arrivée de l’IBA sur « la place » : « Un signal bienvenu alors que le nombre de banques a considérablement diminué ces dernières années ». Le député Laurent Mosar (CSV) raconte à Forbidden Stories avoir été consulté par Khagani Bashirov, lequel « voulait avoir des informations pour obtenir une autorisation pour cette banque ». « Je l’ai rencontré l’une ou l’autre fois. Il s’est toujours montré gentil, comme tous les hommes d’affaires », relate le député chrétien-social. Le conseiller du ministre Krecké, Jean-Claude Knebeler, explique avoir été présenté au chef de bureau de l’IBA, Khagani Bashirov, lors de l’inauguration officielle de l’établissement. « La demande venait d’un groupe de membres de la Chambre des députés », raconte celui qui est ensuite devenu ambassadeur à Moscou dans un échange par email avec Forbidden Stories. Il dit avoir déjeuné ensuite à quelques reprises avec Bashirov au restaurant de l’hôtel Vauban.
En 2008, Khagani Bashirov a acquis l’hôtel (alors baptisé Gauguin) au 10 place Guillaume. Son restaurant est devenu le Casanova, spécialités libanaises et azerbaïdjanaises « haut de gamme ». En 2009, Bashirov a mis la main sur l’immeuble voisin, le 8 place Guillaume (aujourd’hui le restaurant L’Osteria), repris au fonds Pharos géré par Éric Lux et Romain Bontemps. En 2008, Khagani Bashirov a aussi acheté sa maison, rue de la Montée à Berchem, et des bureaux au 51 rue de Strasbourg, immeuble qui logeait aussi entre autres le Journal. Pour acquérir les biens, les sociétés dont Bashirov se déclarait bénéficiaire effectif, ont souscrit des emprunts à la BIL, autour de six millions d’euros. Y étaient associés des gages sur des placements gérés par l’établissement. Bashirov était devenu un client important.
Connexions politiques
Dans son ancienne vie au DP, Jacques-Yves Henckes avait pour camarade Claude Schmit. Il était devenu patron de la fiduciaire Euro Associates et siégeait lui aussi au conseil d’administration de Consolidated Equipments. Khagani Bashirov lui avait été introduit. L’Azerbaïdjanais a rapidement racheté la fiduciaire, laquelle avait notamment pour administrateur Jean de Nassau, frère du Grand-Duc, au conseil d’administration. La société s’est insallée au 51 rue de Strasbourg avec le bureau de représentation de l’IBA. « Pour mettre de l’ordre dans ses affaires », Bashirov a recruté Jean Riwers, un ancien trader d’ArcelorMittal en Russie reconverti dans la vente de berlines de luxe chez Mercedes. Le Luxembourgeois décrit un Bashirov « extrêmement sympathique ». Mais ses sociétés n’avaient « aucune vie économique » : « Khagani Bashirov recevait de l’Azerbaïdjan chaque année une espèce de budget à dilapider », croit comprendre Riwers, rencontré à son domicile. Mais d’où venaient ces sous ? « Je ne savais pas », poursuit l’ancien directeur financier d’Euro Associates. La relation professionnelle n’a duré qu’une année. En septembre 2010, Bashirov n’est pas revenu de ses congés estivaux. « Farhad (Rahimov, un homme de confiance du patron, ndlr) nous a dit qu’il avait eu un infarctus et se soignait en Turquie. On a appris plus tard que lui et Haliyev étaient en taule », se remémore Riwers.
Le 11 septembre 2010, Bashirov a été arrêté par les autorités de son pays. Le fisc azerbaïdjanais l’accusait d’avoir détourné 200 millions de dollars via des prêts bidons accordés par l’IBA à des sociétés-écrans. Bashirov a été autorisé à regagner la France pour suivre des soins médicaux après quatre mois en prison et huit assigné à résidence. Son activité au Grand-Duché n’a pas tari pour autant. Entre mars 2010 et janvier 2011, l’intéressé et son cercle de confiance ont créé une nouvelle fiduciaire, Fortrust (qui deviendra Vallis and Pontem) dans le même bâtiment que le ministère de l’Économie, au 25C boulevard Royal. Outre les patronymes azerbaïdjanais, figure régulièrement dans les documents officiels celui de Philippe Dauvergne, ancien douanier français et actuel dirigeant du Freeport. Bashirov dit avoir travaillé avec « ce grand ami » sur l’installation de radars à l’aéroport de Bakou alors qu’ils étaient tous deux consultants pour le groupe de défense Thalès. Dauvergne est ensuite devenu vice-président de la Chambre de commerce Luxembourg-Azerbaïdjan
En avril 2011 a été créée l’association culturelle Karabagh, d’abord domiciliée au 8 place Guillaume, adresse du restaurant Casanova. La star de la cuisine nationale, Léa Linster, en a été nommé présidente. Martine Schaeffer, la notaire figurant dans la grande majorité des très nombreux actes officiels liées à Bashirov, a été désignée vice-présidente. Khagani Bashirov est dépeint en mondain, en « fin amateur de vin et de bonne cuisine », selon la cheffe étoilée qui le connait bien. Amateur de cigares, selon Henckes, il avait ses habitudes à la Casa del Habano ou à l’hôtel Royal, où se trouve un fumoir. « Il avait ses entrées dans la vie publique », confirme Laurent Mosar qui a lui-même ses bureaux derrière l’hôtel Royal. L’ancien président de la Chambre des députés se rappelle avoir participé à des événements organisés par la communauté azerbaïdjanaise, notamment un concert à la Philharmonie, où se trouvaient « même des ministres, le tout Luxembourg ».
Le 27 novembre 2014, le centre culturel azerbaïdjanais a inauguré en grande pompe ses locaux à l’allure de galerie, au coin du boulevard Joseph II et de l’avenue Monterey, face à l’ambassade de France. Le 1er décembre, le Wort s’interrogeait sur les raisons de l’ouverture de ce show room en l’honneur de l’Azerbaïdjan, « si l’on considère que seuls cinquante Azerbaïdjanais vivent au Luxembourg ». Sur les clichés de l’événement, l’on voit Laurent Mosar répondre aux questions de la télé azerbaïdjanaise. Les hauts fonctionnaires luxembourgeois posent verre à la main. L’un d’entre eux, Marc Hübsch, a même abandonné ses fonctions de directeur général de la promotion économique, attaché au ministre, pour rejoindre une société de Khagani Bashirov. Pendant une dizaine de mois en 2014, le diplomate est ainsi devenu salarié de Concept.com, société accompagnant les entreprises dans leur développement international notamment dans le génie civil, le transport et les télécommunications. Marc Hübsch est ensuite revenu au ministère des Affaires étrangères pour préparer la présidence luxembourgeoise de l’UE puis accéder au poste d’ambassadeur en Chine puis pour les Balkans. Il est resté président de la Chambre de commerce Luxembourg-Azerbaïdjan jusqu’en 2023. Une « association dormante », se justifie-t-il face au Land. « L’association culturelle Karabagh et la chambre de commerce, ce sont les mêmes gens et les mêmes activités », résume Jacques-Yves Henckes.
Bashirov seul poursuivi
À partir de 2015, le château de cartes s’écroule. Le président de l’IBA, Jahangir Hajiyev, est arrêté. L’année suivante, il est condamné à quinze ans de prison pour détournement. La bad press au sujet de Hajiyev et Bashirov abonde, notamment la publication en septembre 2017 des révélations de l’OCCRP sur la lessiveuse azerbaïdjanaise avec la banque lettone ABLV en son cœur. Sa filiale luxembourgeoise est placée sous administration provisoire en février 2018. Des transactions douteuses sont signalées à la Cellule de renseignement financier, particulièrement l’achat pour cinq millions d’euros des bureaux au 25 boulevard Royal (et des appartements à Esch) par la société Globalbuild avec de l’argent de sociétés offshore en provenance de Russie et probablement, avant cela, d’Azerbaïdjan, décryptent les magistrats dans la condamnation de la notaire Martine Schaeffer. Cette dernière a plaidé coupable de manquements à ses obligations professionnelles de lutte contre le blanchiment de capitaux. Dans le jugement sur accord daté du 4 mai 2024, les juges estiment qu’une simple recherche Google aurait permis à la notaire de constater que Khagani Bashirov (ancien administrateur unique de Globalbuild et directeur exécutif de Vallis & Pontem) était impliqué dans le scandale financier de l’IBA.
Selon un document daté de 2023 de la National Crime Agency (NCA) britannique que nos confrères de l’OCCRP se sont procuré, Khagani Bashirov aurait « facilité le détournement de fonds » via de multiples sociétés, et plus de 470 comptes en banques. Une villa en Sardaigne à 10,7 millions d’euros, un jet à cinquante millions de dollars, un club de golf… voilà un échantillon des biens mal acquis par Jahangir Hajiyev. Khagani Bashirov aurait brouillé les pistes grâce à des montages sophistiqués via le Grand-Duché. En réponse aux enquêteurs britanniques, Bashirov explique qu’il a œuvré, entre 2003 et 2015, en tant que fiduciaire d’IBA et de la famille Hajiyev. Il conseillait aussi, dit-il, les investissements en Europe.
Les relations bancaires avec ABLV Luxembourg et la BIL sont également visées par la NCA. La banque de la route d’Esch a été sanctionnée en 2020 par la CSSF avec une amende de 4,6 millions. Selon Reporter, les manquements au dispositif de lutte antiblanchiment concernaient la clientèle d’Asie centrale, « en particulier d’Azerbaïdjan et du Kazakhstan ». « Aucune activité de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme n’a été identifiée », s’est alors défendue la BIL. Or, pour les enquêteurs britanniques, le compte détenu dans l’établissement au nom de VES Consultancy était « central to the laundering process » des fonds détournés par Jahangir Haliyev, notamment pour acquérir l’immobilier place Guillaume. Face au Land, le spécialiste du Barreau en la matière, Thierry Pouliquen, rappelle « que le blanchiment est un délit avec une prescription de cinq ans. Idem pour le manquement à la loi AML ».
Bashirov fait l’objet d’une instruction au Luxembourg depuis 2019. Il a été entendu pendant quatre jours au mois d’octobre par la juge Martine Kraus qui l’a inculpé de faux, blanchiment et violations d’obligations professionnelles. L’instruction suit son cours et l’intéressé est présumé innocent tant qu’un tribunal n’a pas décidé du contraire. Ni la BIL, ni la BGL ne sont (au moins pour l’instant) visées par les poursuites, nous informe le parquet (ABLV est en liquidation judiciaire). Selon l’avocat Thierry Pouliquen, aucune banque n’a encore été condamnée pour le délit de blanchiment au Luxembourg.
Contacté, Kaghani Bashirov réfute depuis Paris les accusations de la justice luxembourgeoise. Il aurait réglé ses comptes avec celle de son pays dans le cadre d’une transaction. Il dénonce un acharnement contre lui alors que de nombreuses autres personnes, physiques et morales, échappent à la procédure : « Dans l’enquête, on ne parle pas de Luxembourgeois. On parle seulement de monsieur Bashirov. » L’intéressé s’offusque avoir agi « pendant quinze ans » sans être inquiété : « Tous les banquiers l’acceptaient, et tout d’un coup, on me dit, “non, non, non, M. Bashirov”… Écoutez, si un banquier m’avait interdit une transaction, je ne l’aurais pas faite. Si un avocat, un comptable m’avait dit “non”, je ne l’aurais pas faite. »
À Paris, Khagani Bashirov est contraint par son créancier, la Banque de Luxembourg, de vendre son appartement dans le 16e arrondissement, pour quatre millions d’euros. Au Luxembourg, en dehors de sa famille proche restée ici, la galaxie Bashirov s’est évanouie. Les immeubles sur le Knuedler ont été rachetés pour neuf millions d’euros par le patron de la Brasserie nationale en 2015. Georges Lentz se souvient avoir rencontré Bashirov une fois et que ce dernier voulait céder les parts de la société : « Mais quand j’ai vu d’où il venait, j’ai dit : ooooouh les amis, on va faire différemment. » Le ministre de la Sécurité sociale, Romain Schneider, a validé en mai 2016 l’acquisition par la CMCM des bureaux de la fiduciaire de Bashirov rue de Strasbourg pour 2,8 millions d’euros. Vallis and Pontem (anciennement Fortrust) a été radiée en 2020, la chambre de commerce Luxembourg-Azerbaïdjan et l’association culturelle Karabagh en octobre 2023.
Et Panah Jahangirov, ce fonctionnaire qui a acheté la Villa Santa Monica via des sociétés luxembourgeoises ? Avant de travailler pour l’administration présidentielle, ce dernier aurait bel et bien mené des affaires dans le coton pendant 25 ans, et ce pour le compte de Jahangir Hajiyev, l’ancien directeur de l’IBA, aujourd’hui emprisonné, raconte Khagani Bashirov. « Panah Jahangirov a eu des soucis avec monsieur Hajiyev, la banque n’a plus voulu coopérer avec lui, il a tout perdu, il a été obligé de tout vendre », ajoute Khagani Bashirov. La villa Santa Monica donc a été vendue. Elle a été rachetée en 2019 par une société monégasque détenue par Shahin Movsumov, qui n’est autre le frère de l’assistant du président Aliyev. Ce dernier a été (évidemment) réélu et les chefs d’États se précipitent pour lui serrer la pogne. Le ministre de l’Environnement, Serge Wilmes (CSV), représentera le Luxembourg sur place. Six collaborateurs d’Abzas Media croupissent, eux, toujours en prison.