Dire que la ville d’Esch-sur-Alzette a vécu tout le week-end au rythme des Francofolies révèlerait de l’hyperbole. Certes l’artère centrale de la Métropole du fer, la rue de l’Alzette affiche à plusieurs endroits les banderoles de la manifestation, mais il faut bien reconnaître qu’en ce beau week-end de fin de printemps, les nombreuses terrasses semblaient bien plus intéresser les Eschois que les concerts de Camélia Jordana, Philippe Karerine, Yseult, Hervé, Chilla, Terrenoire, Sébastien Tellier ou encore Feu ! Chatterton.
Approchant de la gare pourtant et tout particulièrement de l’ascenseur menant à la passerelle qui la surplombe, affiches, informations et fléchages estampillés Francofolies sont bien présents et invitent le festivalier venu exprès ainsi que le badaud qui se retrouverait là par hasard à prendre de la hauteur, traverser le parc de la ville et prendre la direction de l’air de jeu. C’est juste à côté, dans cet espace goudronné qui recevait autrefois le Festival des Terres Rouges, que se sont installées les Francofolies. Un lieu redécoré pour l’occasion lieux avec des structures boisées, des chandeliers et plusieurs guirlandes lumineuses. « Stylé », lancera une spectatrice en arrivant sur place. « Je suis jaloux quand je vois la beauté des lieux » reconnaît de manière plus pertinente Gérard Pont, le directeur général des Francofolies, venu expressément au Grand-Duché pour l’occasion.
Commencé vendredi par un double événement, une pièce au Escher Theater – Petit frère, la grande histoire Aznavour – et un premier concert à la Kulturfabrik : avec le grand-ducal Klein et les belges de Glass Museum et de Tukan, la manifestation s’est installée dans le parc samedi à 17 h. Meskemer Mees, Nicool, Napoleon Gold, Chilla, Yseult et Camélia Jordana se sont ainsi passés le micros sur scène. Avec leurs morceaux allant du folk au rap en passant par la chanson française à la sauce afro-cubaine ou encore un étonnant duo piano-voix. Face à eux un public parsemé et obligatoirement assis et masqué. Un peu moins de 500 spectateurs qui, malgré les réglementations sanitaires, n’ont pas hésité à plusieurs reprises à se lever et danser devant leurs chaises. Leur petit espace de liberté.
Des spectateurs qui pouvaient commander à boire, et quitter temporairement leur masque pour se désaltérer, mais qui n’avaient rien à se mettre sous la dent. « On avait un protocole selon lequel on pouvait servir à boire et à manger », rappelle Loïc Clairet, le directeur du festival eschois. « Mais il y a une dizaine de jours on a reçu de nouvelles directives selon lesquelles on ne pouvait plus proposer ni l’un ni l’autre. À ce moment-là je me suis battu pour qu’on puisse au moins servir à boire, car il m’a semblé important que les festivaliers ne meurent pas déshydratés, mais je n’ai rien pu faire pour la nourriture », regrette-t-il. Les aller-retours entre le parc et la ville pour aller chercher un casse-croûte ont été nombreux, tout comme les va et vient des livreurs de pizza et autres victuailles jusqu’aux portes du festival. Le tout sous un ciel couvert mais une température dépassant les 20°C.
Bis repetita dimanche avec cette fois-ci Chaild, P.R2B, Terrenoire, Philippe Katerine – qui ne s’est pas privé de jouer à couper et remettre le son comme le veut sa chanson Louxor j’adore –, Hervé et Ryvage, sous le soleil cette fois-ci. Une dernière journée affichant complet, avec ses 512 spectateurs pour être exacte. Une fréquentation dérisoire pour un festival de cette envergure, mais le Covid a ses raisons... Une contrainte, qui a fait de cette première édition un festival très sage, sans excès d’aucune sorte, mais qui ne change en rien l’avis extrêmement positif que porte Loïc Clairet sur cette première édition : « On est plus que satisfaits, hier (samedi, ndlr) on était presque pleins et aujourd’hui (dimanche) on refuse du monde », explique-t-il. « Il ne faut pas oublier qu’on est les premiers ; c’est notre première édition, on est le premier événement musical de cette envergure sans test depuis très longtemps, pour tous les artistes présents c’est leur premier concert en public depuis près de 18 mois… rien que pour ça, c’est génial. » Et il poursuit : « Les gens sont là, le public répond bien, c’est très positif. C’est la preuve que les Francofolies vont fonctionner à Esch. D’ailleurs, je ne peux pas donner de noms, mais hier j’ai signé des énormes productions pour l’année prochaine, car les agents étaient là et ont vu le potentiel de l’événement », avance-t-il.
Le grand-ducal, Chaild, demeuré dans le public après son passage sur scène ne dit pas autre chose,« c’était magnifique, la scène est énorme, la plus grande sur laquelle j’ai jamais joué ; j’ai kiffé chaque instant et les gens étaient réceptifs », se réjouit-il. Et d’ajouter : « Ça fait du bien de retrouver le public ». Une phrase par ailleurs entendu peu ou prou de la bouche de tous les artistes invités par le festival. Parmi eux aussi Sébastien Tellier et Feu! Chatterton accueillis à tour de rôle samedi et dimanche dans le décor plus feutré du Escher Theater plus propice, selon les programmateurs à leur french touch. Les deux concerts de très haut niveau affichaient eux aussi complet. Mais là encore la jauge, limitée à 120 spectateurs, faisait que les applaudissement sonnaient parfois un peu creux.
Quoi qu’il en soit, malgré toutes les contrariétés, cette première édition des Francofolies d’Esch efface le douloureux souvenir de la Warm up édition de 2018. Une édition 2021 « modeste », reconnaît Gérard Pont qui voit pourtant cela d’un bon œil car la manifestation « ne peut désormais que grandir ». Le grand manitou du festival est ravi de cette première édition luxembourgeoise. « Je suis fier en voyant ces Francofolies d’Esch. Je trouve génial que ce nom des Francofolies génère autant d’énergie et d’émotion. Quand je vois tous ces jeunes bénévoles avec ce polo des Francofolies et qui, sans connaître La Rochelle et toute l’histoire des Francofolies, trouvent normal qu’elle se déroulent à Esch, je trouve ça génial. L’événement nous dépasse et c’est formidable; ça veut dire qu’il nous survivra ».