Touche de caractère

d'Lëtzebuerger Land vom 25.10.2024

Le double pili de l’enseigne Sopilipili trouve ses origines dans l’enfance africaine de Sophie Holzem, plus spécifiquement aux années heureuses passées au Rwanda où a vécu la famille, emmenée par le père ingénieur des mines quand Sophie avait dix ans. « Ma mère, comédienne polonaise, et mon père se sont rencontrés en Guinée. J’ai vécu des jours intéressants et insouciants sur le continent africain, on s’est fait beaucoup d’amis. J’en garde un goût pour l’authentique ». C’est peut-être aussi de cette expérience-là que vient l’appétit de Sophie pour la recherche de l’extraordinaire et de l’unique qui caractérise sa démarche d’acheteuse. Son nouvel espace, avenue du X septembre, en est une preuve, regorgeant de pièces qu’on ne trouve nulle part ailleurs au Luxembourg. « Uniques mais peu onéreuses, respectant un certain plafond financier », explique Sophie pour qui rester abordable est une règle essentielle. Après des études de mode et de management de mode à l’ISEM Paris et à l’université de Lyon, elle travaille entre autres pour la marque Kookaï. Elle vise toujours à s’inscrire dans le sillon de l’iconique enseigne qui a vécu ses sommets dans les années 1990 : élégante, féminine, ludique.

Quelques années après la fermeture de Kookaï au Luxembourg, Sophie devient indépendante et commence à dessiner et faire coudre des sacs (des énormes tote-bags en tissus colorés) : Sopilipili est née en 2017. Vite, elle étend sa gamme aux bijoux, chapeaux et d’autres accessoires, en prenant soin de dénicher des pièces qui sortent de l’ordinaire. Elle vend ainsi les colliers de l’ancienne styliste accessoires en chef de Kookaï, La Tonkinoise ; les bijoux « slow fashion » de Nadja Carlotti, ou les broches marrantes et féministes de Les nanas ont du chic. Une ligne importante de son répertoire est la marque Imprévu Belgium de la styliste liégeoise Justine God, faite entièrement en Europe à partir de tissus durables et dont le mantra est « La vie est trop courte pour porter des vêtements ennuyeux ». La collection de pièces en édition limitée fonctionne aussi en mini-capsule. Sophie n’arrête jamais de fouiller les réseaux, univers sans limites pour dénicher de nouveaux coups de cœur. Sa boutique expose également les peintures de l’artiste française Sidonie Hollard, qui se fondent parfaitement dans l’univers Pili.

Sophie pointe clairement son viseur sur des créatrices européennes, à quelques exceptions près comme les sacs Shupătto japonais mais fabriqués en Chine (son seul produit fabriqué en Chine), ou les bijoux faits à partir de coquilles de huîtres d’une créatrice américaine de Charleston. Dans tous les cas, Sophie veille à la provenance et connaît en détail les conditions de fabrication de ses objets, y compris pour les écharpes made in India de la styliste Les Belles Vagabondes.

Pendant deux ans Sophie occupait un local au premier étage d’une boutique au centre-ville : Un espace cosy mais pas forcément très visible, ce qui pose des problèmes dans un contexte difficile pour le prêt-à-porter. « Surtout en hiver, on nous désertait… Ici, je veux un lieu de proximité, un endroit où les gens passent pour dire bonjour, pour se raconter des nouvelles », dit Sophie. Un défi dans ce quartier huppé qui jusque-là faisait office de banlieue traversée par une stérile route d’entrée en ville sans charme ni verdure. Le local qu’elle a réussi à louer juste en face de l’arrêt de bus a été vide pendant cinq ans, abandonné par une agence de voyage tombée en faillite. Sa boutique est d’ailleurs fièrement la seule dans cette portion de rue pour l’instant, seulement voisinée par une enseigne immobilière de prestige une centaine de mètres plus loin (le genre commercial qui règne dans le quartier). « Les gens commencent à venir, curieux et souvent reconnaissants de pouvoir admirer une belle vitrine en attendant le bus », constate-t-elle. Sophie aime l’idée de créer des liens avec ses clientes et le voisinage, pour leur parler de l’origine de ses pièces particulières et de ses coups de cœur, aussi afin de mieux connaître leurs goûts. Elle travaille d’ailleurs sur une ligne de deuxième main qu’elle établira progressivement en fonction de ce qui lui plaira. Sa passion pour la mode de caractère est loin d’entrevoir des limites, au bénéfice de l’avenue du X Septembre.

Béatrice Dissi
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