Les esquintés de la vie sauvage

d'Lëtzebuerger Land vom 20.09.2024

Tailladés par une tondeuse-robot, percutés par un véhicule ou blessés par la rencontre brutale avec une vitre : pour les animaux sauvages, les dangers du monde des humains ne manquent pas. Si vous souhaitez leur venir en aide, ne les emmenez pas chez le vétérinaire du coin mais plutôt au Centre de soins pour la faune sauvage, à Dudelange. Fondé en 1988 par l’asbl natur&ëmwelt, le site prend en charge environ 3 800 animaux par an, essentiellement des oiseaux, martinets, grives, passereaux, rapaces ou oiseaux migrateurs. Leurs cris résonnent au sein des volières leur servant de lieux de convalescence, voire d’hébergement pour les espèces exotiques impossibles à relâcher et en attente d’une adoption. Les mammifères sont aussi les bienvenus... mais attention à bien séparer tout ce petit monde. « Les hérissons ont tendance à se battre » explique Jill Gaasch, directrice du Centre.

De la nursery au bloc opératoire, en passant par les stocks de matériel et de nourriture ou les cages destinées aux plus faibles, mammifères, oiseaux et reptiles sont partout. Les équipes se faufilent au sein d’espaces exigus. Les bureaux, la salle de repos et la cantine occupent une seule et même pièce, à deux mètres de vivariums où barbotent des tortues. « Le maître-mot ici, c’est l’adaptation, lance la directrice. Tout est modulable en fonction des espèces que l’on accueille et de la saison : en hiver, on doit créer des conditions optimales pour l’hibernation, par exemple ». Bien au chaud dans leur couveuse, les petits sont abrités au sein d’un container : une solution provisoire qui perdure depuis quinze ans. À l’extérieur, les nombreuses volières en bois ont connu des jours meilleurs. Mais les choses bougent : un peu plus loin, des ouvriers s’affairent pour bâtir des dizaines de nouvelles volières en métal, grâce à une subvention de la Ville de Dudelange et du ministère de l’Environnement. Plusieurs structures sont déjà en place et ont été immédiatement investies par des perruches colorées aux noms poétiques. L’association attend encore la confirmation d’une seconde subvention afin de créer d’autres volières et un bâtiment convenable pour les soins, l’administration et l’accueil des professionnels et des bénévoles.

Ces derniers sont indispensables au bon fonctionnement des lieux. Présente depuis 2021, Josette a commencé par faire « le taxi » : un job qui consiste à transporter les animaux déposés dans l’un des trois casiers répartis dans le Grand-Duché (à Clervaux, Niederfeulen et Junglister) et à les ramener à Dudelange en quelques heures. Une notification est envoyée au Centre à chaque dépôt, et un groupe Whatsapp sert à mobiliser un bénévole disponible. « Il suffit de retirer une boîte spéciale conçue pour abriter l’animal, et en voiture ! explique Josette. On peut aussi venir le chercher sur le lieu où il a été trouvé ». Ce matin, Marine s’occupe de la nursery des oiseaux, nourrissant une petite hirondelle avec des vers. « Leur bec est très fragile : il faut leur ouvrir délicatement » indique-t-elle. Au bloc, Louis et Nara, soigneurs professionnels, opèrent un hérisson placé sous anesthésie générale après avoir été assailli par des aoûtas. « Nos bénévoles apprennent sur le tas auprès des professionnels ; avec le temps, ils acquièrent presque les mêmes compétences, explique Jill Gaasch. Ils s’occupent du taxi, des soins, des repas... et ne vivent pas que de jolies expériences : tous ont vu des animaux en souffrance, qui ne sont pas toujours sauvés ».

La plupart des pensionnaires du Centre sont là à cause de la présence humaine. Avec l’artificialisation toujours plus grande des espaces naturels, les rencontres avec l’homme sont de plus en plus fréquentes ; et le nombre d’animaux recueillis à Dudelange toujours plus important. « En période de reproduction, nous sommes souvent complets, poursuit la directrice. On a beaucoup de hérissons actuellement, qui trouvent de moins en moins de lieux où dormir, hiberner, se nourrir... ce sera bientôt une espèce en voie de disparition. Il faudrait plus de haies et moins de jardins aseptisés pleins d’herbicides ». Installés au cœur d’une réserve naturelle protégée, les volontaires et les pros mènent un combat invisible pour la sauvegarde de la biodiversité. Au Luxembourg, le Centre de soins pour la faune sauvage est l’unique voie de salut pour les quelque 160 espèces accueillies chaque année.

Benjamin Bottemer
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