Dès qu’il en a l’occasion, il tient à souligner qu’il a toujours vécu dans la capitale. François Benoy se présente comme ayant grandi à Belair et habitant Bonnevoie. Face au Land, il ajoute une parenthèse à Gasperich après des études universitaires à Heidelberg et à Lausanne et confirme son attachement à la ville, « dans des quartiers aux profils différents ». Une ancrage qui remonte à plusieurs générations. Son grand-père paternel, Maurice Benoy était artiste-peintre et a fondé la première agence de publicité du Grand-Duché. Il a fait installer les colonnes d’affichage en imitation des colonnes Morris parisiennes, reprises désormais par JC Decaux. La grand-mère de François Benoy était issue de la famille Lassner, propriétaire d’un grand magasin de jouets et d’articles pour la maison, place Guillaume II. « J’allais régulièrement y travailler pour aider au moment de la Braderie », se souvient-il. Ce qui fait resurgir les images d’un jeune Xavier Bettel qui aidait son aime Corinne Cahen dans son magasin de chaussures. Un père à la tête d’une fiduciaire, une mère à celle d’un cabinet de ressources humaines, la famille se situe dans une moyenne bourgeoisie, orientée vers le commerce et l’entreprenariat.
L’autre caractéristique que François Benoy met volontiers en avant est son engagement, associatif d’abord, écologique et politique ensuite. « Je m’intéresse à la politique depuis que je suis enfant, même si ma famille était peu politisée », relate-t-il en se remémorant les discussions avec son grand-père maternel, boucher à Mersch, « nettement plus conservateur ». Déjà à l’école primaire, il collectionnait les dépliants des partis et apprenait les noms des candidats. Les scouts du quartier de Belair sont la première étape de cet engagement. Membre actif du groupe Jang de Blannen (« Jean L’Aveugle, par rapport à mon ambition, ça me plait », rigole-t-il). Il est toujours le président de l’Amicale des guides et scouts du Belair. Engagement qui se confirme au lycée où il s’investit dans le comité des élèves. Il sera d’ailleurs élu en faisant campagne pour l’amélioration du transport public pour les lycéens. Pendant ses études – de sciences politiques et sociales –, il s’implique auprès de l’Unel (Union nationale des étudiant-e-s du Luxembourg). Période pendant laquelle, il commence à travailler comme journaliste (d’abord correspondant) pour RTL Radio. Le journalisme n’était pas la voie rêvée par François Benoy, mais « un job qui me permettait de mieux comprendre le Luxembourg et ses rouages politiques ». Non sans ironie, il se rappelle avoir couvert une séance du Conseil communal de la Ville de Luxembourg où un Plan d’aménagement particulier de la Place de l’Étoile était voté. Il en profite pour glisser dans la conversation : « Ça n’a pas vraiment bougé depuis. La Ville aurait pu faire beaucoup plus. »
Au cours de ses années lycéennes et universitaires, François Benoy développe sa pensée écologiste : « Pour moi, c’est une question de justice générationnelle, environnementale et sociale ». La protection de l’environnement et du climat prennent de plus en plus de place dans sa réflexion. Il considère que « la politique environnementale doit être une priorité absolue et doit orienter les politiques fiscale et budgétaire. » Après la radio, il travaillera comme coordinateur auprès de l’asbl Natur&Ëmwelt. « À l’époque, je ne pensais pas à la politique comme métier, je n’allais vers aucun parti ». Mais lors des élections communales de 2011, il est approché par Carlo Back, conseiller communal. « Son fils Nicolas était aux scouts avec moi. C’est lui qui a pensé que je pourrais être intéressé. Aujourd’hui, il est sur notre liste ». Carlo Back lui propose de rejoindre la liste Déi Gréng. « Je n’ai pas hésité une seconde ». Il prend la campagne à bras le corps et arrive en septième position sur la liste, avec 4 135 suffrages nominatifs. Quand, en 2013, François Bausch entre au gouvernement, une place se libère au Conseil communal. Élu sixième, Carlo de Toffoli aurait dû siéger, mais « il a eu ce très beau geste de me céder sa place, estimant qu’il fallait me donner une chance ».
C’était il y a dix ans. Depuis, François Benoy s’est fait un nom dans le paysage politique de la capitale. Déi Gréng étant au pouvoir, avec le DP, il exerce comme président de la commission de l’urbanisme à l’époque des discussions et du vote de Plan d’aménagement général « qui pose des choix importants pour la Ville ». En 2017, Lydie Polfer rompt avec Déi Gréng au profit d’une coalition avec le CSV. Deuxième élu des Verts avec 7 053 voix, François Benoy prendra la tête de l’opposition quand Sam Tanson, qui le devançait, devient ministre. Parallèlement, il siège à la Chambre des députés depuis 2018. Avec 9 830 voix, il est arrivé en troisième position sur la liste des Verts au Centre, loin derrière les ténors que sont François Bausch (19 889 voix) et Sam Tanson (17 290 voix). Pendant ces années, il jongle parfaitement avec l’idée de représenter la majorité au Marché-aux-herbes et l’opposition au Knuedler. D’un côté, c’est un député actif qui ne veut pas seulement jouer la chambre d’enregistrement. « J’ai pu contribuer à faire bouger les choses comme je l’avais prévu, par exemple en tant que président de la commission parlementaire de l’environnement ou comme rapporteur du budget. » D’un autre, il joue la partition de l’opposition avec la même ferveur. Il pose un grand nombre de questions au Collège échevinal, non seulement sur ses sujets de prédilection, l’urbanisme (risque d’inondations, aménagement des espaces publics, transformation de certains bâtiments, habitat participatif, arbres dans l’espace public) ou la mobilité (déneigement, parkings, zones 30, plans de bus, pistes cyclables, carsharing), mais aussi sur des aspects liés à la vie en société (feux d’artifice, fête des voisins, vidéosurveillance, toilettes publiques, marchés, lieu de célébration des mariages). Aujourd’hui en campagne, il fustige « le manque de courage politique pour faire avancer les dossiers urgents ».
Les prochaines élections communales sont bien la ligne de mire de celui qui s’est positionné comme « candidat bourgmestre ». Une stratégie mûrement réfléchie et discutée depuis l’été 2021 où il s’est déclaré au sein du parti qui l’a soutenu. Une terminologie qui ne doit rien au hasard. « Ce n’est pas seulement un choix de mot, c’est l’aboutissement de mon parcours, de mon engagement et la preuve de mon ambition. Déi Gréng sont l’alternative à une coalition qui n’est pas à la hauteur. C’est pourquoi nous visons le poste le plus élevé. » Dès juillet, les écologistes de la capitale ont lancé leur campagne et leur slogan « Frësche Wand fir ons Stad ». À la braderie, en septembre, ils ont symboliquement distribué des moulins à vent en carton. Depuis, ils énoncent les sujets prioritaires à travers des conférences dans les quartiers, des dépliants et diverses interventions dans la presse : vie dans les quartiers, mobilité, durabilité, logement et jeunesse. La campagne s’attèle à la fois à lancer des critiques contre « l’immobilisme et le laisser faire » de l’actuelle majorité et à faire valoir « des propositions claires et concrètes ».
La semaine dernière, la présentation de la liste a été l’occasion de marteler à nouveau ce crédo « Nous sommes prêts à assumer la responsabilité à la tête de notre commune ». Aux côtés de François Benoy, et de Claudie Reyland qui complète le duo de tête, les 25 candidates et candidats doivent représenter ce « vent nouveau ». Une bonne moitié se présente pour la première fois à des élections communales. Si la liste est bien paritaire, avec treize femmes et quatorze hommes, relativement multiculturelle, avec sept nationalités différentes, les profils sociaux restent très middle class (on dira volontiers « bobo »). Les courtes notices biographiques laissent voir des médecins, juristes, architectes, fonctionnaires (nationaux et européens) ou cadres du secteur financier. « Il y a aussi des personnes qui viennent du monde associatif et qui sont engagées socialement », tempère le candidat. « On entend que d’autres partis vont faire appel à des candidats classiques, les mêmes anciennes figures. Ce n’est pas ce que nous faisons. »
Quand il détaille les axes prioritaires de la politique qu’il entend mener, « ambition » et « courage politique » sont les termes qui reviennent. François Benoy considère que « les gens sont prêts, ils veulent une politique climatique plus ambitieuse, ils veulent participer à la transition écologique, ils attendent plus de pistes cyclables, plus de qualité de vie dans leurs quartiers ». Il n’oublie pas que cela entraînera des changements d’habitudes, notamment de l’usage de la voiture et cite plusieurs exemple européens « courageux » : Elke van den Brandt qui, en tant que ministre de la Mobilité à Bruxelles, a aidé le vélo à percer et a « changé le visage de la ville », ou la maire de Strasbourg, Jeanne Bargeshian, qui y a porté la participation citoyenne à un niveau supérieur et fait avancer la végétalisation de sa ville. Tout en considérant que les citoyens (sous-entendus luxembourgeois) sont prêts pour un changement, François Benoy n’entend pas faire l’impasse sur le vote des étrangers « qui peuvent être un game-changer ». Tous les dépliants et les informations de campagne sont publiés en quatre langues, « ce que personne n’avait jamais fait ». Priorité est donnée pendant les prochaines semaines à cette mobilisation dans les quartiers, « à la rencontre des gens » et sur les réseaux sociaux, en liant les messages politiques à l’inscription.
Sur toutes les questions liées à la mobilité, l’environnement, les espaces verts, comme sur celles du logement, du commerce, de l’école, du vivre ensemble, le candidat bourgmestre étrille la coalition au pouvoir qui « n’utilise pas ses possibilités d’intervention ou d’action et préfère laisser-faire ». Il ponctue ainsi ses réponses de « la Ville doit se donner davantage de moyens », « la Ville peut agir », « la Ville a des moyens qu’elle n’utilise pas », « la loi donne la possibilité aux communes de faire plus ». En septembre dernier, Serge Wilmes, probable tête de liste du CSV ne disait pas autre chose vis-à-vis du Land (09.09.2022) : « Il ne suffit pas de laisser-faire. La politique doit donner des impulsions, initier des projets et s’impliquer à tous les niveaux pour transformer Luxembourg en une métropole où il fait bon vivre ». L’actuel Premier échevin insiste aussi beaucoup sur la vie des quartiers et la gestion de l’espace public. Un partenaire de coalition potentiel pour les Verts ? « Il nous importe d’avoir les meilleurs résultats possibles. Ensuite, nous verrons quelles coalitions peuvent être menées. Nous pouvons envisager de travailler avec tous les partis qui sont actuellement au Conseil communal, sauf l’ADR », botte-t-il en touche.
Il espère une campagne sereine, sans coups bas et sans attaques personnelles. Il veut s’y montrer exemplaire. À tout juste 38 ans, François Benoy est un écologiste modèle : il se déplace à vélo et il est végétarien depuis de nombreuses années. « Ce n’est pas une posture pour les réseaux sociaux ou les affiches de campagne, c’était son mode de vie quotidien dès avant de faire de la politique », notent plusieurs de ses proches. Tout le monde le dit souriant, entier, volontiers jovial et n’hésitant pas à faire la fête. « J’aurais bien du mal à dire quelque chose de négatif sur lui », avance sa collègue de parti Sam Tanson avec laquelle il pourrait faire tandem en tête de liste pour la circonscription Centre aux législatives d’octobre (« Si le parti me le demande, je serai prêt à assumer cette responsabilité », avance-t-il prudemment). Elle le décrit comme « travailleur, organisé et qui se donne à fond. Un vrai scout, en somme ». La page Facebook de François Benoy est le reflet de son activité politique : à la Chambre de députés, lors des sorties officielles du Conseil communal ou du parti Déi Gréng. Sur Instagram, il poste des messages un peu plus personnels, faisant l’article pour son vélo-cargo, souriant face à une vache lors de la Foire agricole ou amenant ses deux enfants à l’école lors de la rentrée des classes. En tant que père, il tient à « prendre ses responsabilités à la maison et partager les tâches ». Il s’organise pour être chez lui les vendredis à l’heure où ses enfants quittent l’école, ainsi que les soirs et les week-ends : « C’est très important pour moi que ma femme puisse continuer à avoir un poste de responsable (elle est directrice du Scap qui vient en aide aux enfant ayant des troubles de l’attention (ndlr). » Même si la campagne va certainement bouleverser ce rythme, François Benoy se fixe des règles pour faciliter son engagement : Les vendredis à la maison, aller courir le midi et chez le coiffeur toutes les six semaines.