… on n’a pas Feydeau-do quand Myriam Müller et Jules Werner ont mis en pièces quatre scènes de cet auteur qui n’est pas par hasard le parfait contemporain de Freud.
Du Paris de Feydeau à la Vienne de Freud, du Boulevard du crime où s’est créé le théâtre de boulevard à la Bergstrasse où s’est donné le spectacle du divan, l’hystérie se la joue théâtrale. La femme, qu’elle s’appelle Anna O ou Léonie T, y cherche un maître… pour le dominer, pour en faire son Monsieur Toudoux en quelque sorte. Et si l’amour consiste à donner ce qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas, quelle meilleur illustration de cet adage lacanien que cette histoire d’un couple, montée, montrée, voire démontrée par notre couple d’acteurs-metteurs en scène, qui commence sur un hénaurme malentendu : le prétendant est supposé être maître d’une petite musique qu’il ne connaît pas et qui se joue sur un bien nommé piano à queue, minuscule et ridicule appendice qui ressemble fort à ce que Lacan a appelé l’objet petit a. Ainsi débute une guerre des sexes qui se déroule devant nous au rythme d’un combat de boxe. Car si l’homme et la femme ne sont pas faits pour s’entendre, ils restent cependant condamnés à vivre ensemble. Et de Freud à Feydeau, et pourquoi pas de Lacan à Guitry, la femme, prétendue victime, devient persécutrice et la soumise finit par ramasser (parfois) la mise.
Mais si la génitalité sied à la femme, l’analité est le propre, si j’ose dire, de l’homme. Que son avarice et son appât du gain relèvent d’une régression au stade anal est devenu une lapalissade, mais voir se promener le héros avec son pot de chambre sur la tête pour ensuite vouloir en tirer sa fortune, montre au moins que pour la métaphore, Freud ne s’est pas fait chier. En ouvrant tout grand et en claquant tout bruyamment les portes de la demeure des Toutdoux, le couple Müller/Werner a mis aux couples Toutlemonde leur nez dans le caca.
Et c’est alors que nous n’avons pas pu nous empêcher de rapprocher la constipation de bébé de la diarrhée de pépé qui a tant excité la colère des cathos intégristes parisiens quand ils ont récemment appelé au boycott du spectacle de Romeo Castellucci Sur le concept du visage du fils de dieu. Cela ne nous a pas empêché de rire de bon cœur et avec la nostalgie d’une époque où les rôles entre l’homme et la femme étaient bien répartis et ou chacun était au moins à sa (mauvaise) place. Si Léonie est donc en avance, Feydeau n’est certainement pas en retard. Courez voir ce spectacle gai et rafraîchissant qui, ultime quiproquos, ne se jouera plus !