La galerie Nosbaum Reding offre leur première exposition solo à Melanie Loureiro et à Max Coulon

Renouveau

d'Lëtzebuerger Land vom 24.11.2023

Wing Hearts mesure 180 x 220 cm. Le grand tableau que l’on voit de loin par la vitre de la galerie Nosbaum Reding attire le regard, comme les fleurs les papillons. C’est le thème de l’exposition monographique consacrée à la jeune artiste Melanie Loureiro dont la taille de ses grandes œuvres, téméraires pour un premier travail, lui valent d’être exposée dans l’espace habituellement réservé aux artistes confirmés.

Le papillon du tableau Wing Hearts est emblématique du thème choisi par Melanie Loureiro. Il a les ailes déployées sur un arrière-fond de fleurs aux couleurs pastel. Il est bleu nuit. Cette teinte illustre l’« heure bleue » de la tombée du jour, où certaines fleurs exhalent « une molécule de parfum dans un mètre cube d’air », traduction en français de One Molecule of Scent in a Cubic Yard of Air, le titre de l’exposition en anglais.

L’artiste est née à Cologne en 1994, a fait ses études à la Hochschule der bildenden Künste de Dresde de 2014 à 2017, puis à la Kunstakademie de Dusseldorf de 2018 à 2022. On ne peut pas faire abstraction de la formation exceptionnelle en peinture de l’école de Dusseldorf quand on parcourt l’exposition. Mais toute l’ambiguïté du sens du travail de Melanie Loureiro repose sur la représentation figurative, hyper-réaliste, voire mimant un phénomène de la nature : la vie du papillon, de la chrysalide, en passant par la chenille, au papillon de jour ou de nuit, attirés par le parfum qu’exhalent des fleurs diurnes et nocturnes dont ils se nourrissent du nectar et qu’ils pollinisent.

Malgré l’appui de Melanie Loureiro sur un phénomène naturel, qui d’ailleurs ne peut pas faire oublier que les papillons sont en voie d’extinction et les fleurs non pollinisées en danger de disparition, il s’agit d’un leurre et de pure peinture XXL, à tel point que l’on voit les soies, nom scientifique des poils de la tête et du thorax, les écailles pigmentées des ailes. Cette précision hallucinante alterne avec des parties floutées du tableau (souvent l’arrière-plan de fleurs, sauf le calice), de sorte que l’on croit voir des collages. C’est aussi artificiel que l’atmosphère dans laquelle baigne l’espace : moquette et murs recouverts de dégradés de peinture rose.

C’est un tout autre univers que celui de Max Coulon au Projects Room. Max Coulon est né à Strasbourg en 1994 et il vit à Aubervilliers. Il a été diplômé de École Nationale Supérieure des Beaux-Arts (ENSBA) en 2021. Son travail de diplôme, sur bois sculpté ayant la forme de personnages, a été couronné par un prix. Il peut être rapproché de celui de Stephan Balkenhol, artiste fétiche de la galerie Nosbaum Reding, dont il a été l’assistant.

Mais très vite, Max Coulon s’en est éloigné et deux personnages en béton, ont fait partie cet été, du parcours pédestre du Vent des Forêts dans la Meuse. Ces deux totems comme les œuvres de l’actuelle exposition Snoozed (Endormis), sont en béton, un matériau qui semble trouver la faveur actuellement d’artistes comme le Danois Esben Klemann que l’on a pu voir tout récemment à l’Art Week. Mais si celui-ci réalise une recherche abstraite sur les limites plastiques du matériau, Max Coulon est plus proche du Suisse Ugo Rondino, cité dans le texte de l’exposition. Les Seven Magic Mountains, (2016-2018, Nevada, USA) sont en effet des stèles composites jouant sur l’équilibre de la superposition d’éléments non jointifs. Pour Max Coulon, l’exercice consiste aussi à faire tenir en équilibre les éléments constitutifs mais séparés de l’oeuvre, tête, collerette, tronc.

Mais faut-il toujours chercher une référence ou une filiation ? On préfère aussi, plutôt de dire que ses œuvres sont des animaux qui tiennent des contes, qu’il s’agit d’anti-nains de jardin. Si la technique de Coulon repose sur l’utilisation de vêtements pour enfants et de peluches évidées, le rapport nous semble se situer dans la taille de 50 à 75 cm en moyenne des œuvres. Coulon leur donne forme et vie en coulant du béton qu’il moule dans les enveloppes de tissus ou de feutre. Cette « peau » ainsi imprégnée révèle un sculpteur exceptionnel dans la pliure d’une botte d’Automn Mouse, le ventre rebondi de l’oiseau TSEFREP, les rondeurs du mouton Animal (blue) par exemple.

On ajoutera que les œuvres de Coulon n’ont aucune connotation sexuée. Le matériau est certes teinté dans la masse dans des associations pastel qui font penser à des jouets, mais les personnages de Snoozed ne sont pas des poupées gentilles qui rassurent  : ils portent des masques de carnaval (bouc, bouledogue, oiseau, loup) derrière lesquels, traditionnellement, on change de personnalité, on se lâche, on peut faire peur.

Si certains socles ont la forme de chaussures et de chaussons, on salue, encore une fois, comme le monument The Equestrian, Mother with Child, Old Man d’Atelier Van Lieshout, Place de Metz (voir d’Land du 10.11.2023), le retour de la sculpture sur socle. On salue chez Max Coulon son usage novateur, ne servant pas à mettre l’oeuvre dressée en valeur, mais comme un élément inhérente à l’ensemble. Ici, dans le cas du bouledogue en équilibre sur un muret Strange Effect on Me ou l’ours assis au pied de la stèle Rock Bottom. C’est explicite et drôle.

One Molecule of Scent in a Cubic Yard of Air de Melanie Loureiro et Snoozed de Max Coulon, sont à voir jusqu’au 13 janvier
à la galerie Nosbaum Reding

Marianne Brausch
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