Étude du Credit Suisse sur les rendements des placements de 1900 à 2017

Les actions, encore et toujours

d'Lëtzebuerger Land du 16.03.2018

Contrairement à une idée répandue dans le public et défendue par certains experts, l’immobilier n’est pas l’investissement le plus rentable sur une longue période. La palme revient, encore et toujours, aux actions ! C’est ce que montre la dernière édition du « Global Investment Returns Yearbook » publié par Credit Suisse, en association avec la London Business School. Les travaux ont porté sur les placements effectués dans 23 pays développés entre 1900 et 2017, soit 118 années.

On imagine la difficulté à réunir des données fiables sur autant de pays et sur une période aussi longue, marquée par deux guerres mondiales, deux grandes révolutions (en Chine et en Russie) et plusieurs crises économiques de grande ampleur. Mais le résultat est remarquable, d’autant que le document, publié le 20 février dernier et riche de 252 pages de données, évoque aussi l’immobilier et s’ouvre pour la première fois à d’autres placements non financiers : métaux précieux et objets d’art et de collection.

En matière de placements financiers, il n’y a guère de surprise. Le rendement moyen annuel des actions, après déduction de l’inflation, s’établit à 5,2 pour cent par an entre 1900 et 2017, loin devant celui des obligations qui n’est que de deux pour cent. À noter qu’il s’agit d’une moyenne géométrique, plus précise en pareil cas que la moyenne arithmétique : cette dernière, plus familière, donnerait des résultats supérieurs (respectivement 6,6 et 2,5 pour cent). Sur une aussi longue période, la différence entre le rendement des actions et celui des obligations aboutit à des écarts énormes : le même placement aurait vu sa valeur multipliée par 387 dans le premier cas et par 9,8 dans le second, soit un rapport de un à quarante !

Pour le rendement des liquidités, les auteurs du rapport ont choisi, pour des raisons de disponibilité des données, celui des bons du Trésor américains (treasury bills) qui a été de 0,8 pour cent par an sur la période. Pour les mêmes raisons, ils ont retenu pour déflater les données nominales le taux d’inflation américain, soit 2,9 pour cent par an. Enfin les données locales ont été converties en dollars US. Des choix méthodologiques que l’on peut contester à plusieurs titres, mais qui ont au moins le mérite de faciliter les comparaisons, ce qui est bien l’objectif recherché.

Les chiffres mondiaux (en réalité sur 23 pays) sont tirés vers le haut par les résultats des États-Unis, qualifiés de « superpuissance financière ». En se focalisant sur les autres 22 pays, les rendements sont nettement moins élevés, surtout pour les actions (4,5 pour cent) alors que les obligations tirent mieux leur épingle du jeu (1,7 pour cent). Les données relatives aux seize pays d’Europe étudiés sont encore moins favorables : les actions ont rapporté 4,3 et les obligations 1,3 pour cent par an.

En raisonnant par pays, les rendements actions ont dépassé six pour cent par an en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis et même sept pour cent en Afrique du sud. Ils ont été très faibles en Italie (2,1) et en Autriche (1). Pour ce qui est des obligations, les meilleurs rendements ont été observés en Suisse, en Suède et au Danemark (entre 2,3 et 3,2 pour cent) tandis que cinq pays, dont l’Allemagne, l’Italie et le Japon, trois vaincus du second conflit mondial, affichent des rendements moyens négatifs.

Dans tous les cas néanmoins, il apparaît que les détenteurs d’actions ont bénéficié d’une « prime de risque » supérieure à trois points par rapport aux obligations et à quatre points sur les liquidités. Dans cinq pays (Australie, Finlande, Allemagne, Portugal, Afrique du sud) la prime des actions sur les obligations a été comprise entre cinq et six points, mais s’est avérée plus faible en Suisse, en Belgique ou en Espagne (entre 1,8 et 2,2 points).

Pour les auteurs, la forte volatilité des actions, éprouvante pour les investisseurs, reste difficile à prévoir et les « coups de torchon » boursiers sont eux-mêmes peu prédictifs des rendements futurs. Mais même les corrections les plus sévères font figure d’accidents de parcours dans la valorisation séculaire des actions.

On doit s’attendre à l’avenir à des rendements moins intéressants que ceux qui ressortent sur la longue période. Ainsi au niveau mondial la prime des actions sur les liquidités ne serait que 3,5 points par an sur les vingt prochaines années au lieu des 4,3 points calculés sur les 118 années passées. Sur cette durée une telle prime signifie tout de même qu’à la fin les capitaux placés en actions auront acquis une valeur double de ceux placés en liquidités (T-bills).

Déjà en 2012 le « Yearbook » avait présenté un aperçu des rendements immobiliers sur longue période, en se limitant à un échantillon de six pays. Cette fois, les calculs ont pu porter sur onze pays développés, dont neuf situés en Europe, avec en plus les États-Unis et l’Australie.

Sur la même période de référence, les prix de l’immobilier résidentiel ont crû en moyenne de 1,3 pour cent par an, déduction faite de l’inflation. Ce rendement modeste situe l’immobilier à mi-chemin entre les obligations et les liquidités. Un résultat à relativiser, car les achats de logements correspondent le plus souvent à un besoin d’usage et ne sont majoritairement pas réalisés dans un objectif de placement.

Les auteurs du rapport observent que les prix réels sont restés stables pendant la première moitié du vingtième siècle et qu’ils ont commencé à augmenter progressivement à partir des années 1950. Néanmoins la période de hausse la plus nette est récente : sur environ quinze ans, entre 1992 et 2007, les prix réels ont crû de 6,2 pour cent par an. Les cas de pays comme les États-Unis, l’Espagne, le Royaume-Uni et l’Irlande à partir de 2007 montrent que la volatilité peut être forte dans cette classe d’actifs, avec des baisses de trente à quarante pour cent du prix des logements. Une évolution qui a écorné la réputation de faible risque attachée à l’immobilier.

Parmi les autres actifs, les plus décevants sont les métaux précieux et le diamant. Le plus performant, le platine, s’est valorisé de 1,4 pour cent par an, à peu près comme l’immobilier. L’argent n’a strictement rien rapporté et l’or a fait moins bien que les bons du Trésor américain (0,7 pour cent par an) ! Le métal jaune est étrillé par les rédacteurs du « Yearbook » pour son faible rendement et sa forte volatilité. Le diamant quant à lui a fait perdre de l’argent.

Concernant les objets d’art et de collection, le rapport en a examiné sept catégories. Pour l’ensemble, la valorisation annuelle s’établit à 2,93 pour cent par an, ce qui signifie une multiplication par trente en plus d’un siècle. La surprise vient des voitures anciennes qui ont gagné 4,76 pour cent par an, un chiffre pas très éloigné du rendement séculaire des actions et largement supérieur à celui des obligations. Le vin affiche également une bonne performance (3,6 pour cent) tandis que trois autres catégories (les instruments de musique anciens, les timbres et les bijoux) font également mieux que les obligations. Les livres et les objets d’art, des tableaux principalement, sont plus décevants. Pour plusieurs actifs non-financiers la valorisation est surtout la résultante de l’engouement qu’ils connaissent depuis une vingtaine d’années.

Et sur vingt ou cinquante ans ?

Une étude réalisée sur une période de 118 années présente un indéniable intérêt historique mais ses résultats ne disent pas grand chose à des investisseurs qui raisonnent habituellement sur des horizons beaucoup plus courts. Entre 1968 et 2017les actions arrivent toujours en tête au niveau mondial mais la différence avec les obligations est beaucoup plus faible : leur rendement annuel réel est de 53 pour cent contre 44 pour cent soit une prime de 09 point seulement. Par rapport aux liquidités la prime est de 46 pointsconforme à la tendance séculaire. Le plus intéressant sur cette période est de constater que l’Europe a surperformé la moyenne mondialeplombée par les médiocres résultats américains. Sur le Vieux Continent les actions ont en effet rapporté 63 pour cent par an et les obligations 51 pour cent.

Sur la période la plus récente (2000-2017)les liquidités n’ont rien rapporté et ont même entamé le capital des investisseurs avec un rendement annuel de -05 pour cent. La période de taux d’intérêt très faibles voire négatifs intervenue après la crise financière de 2008 ont causé ce résultat. La crise explique aussi que le rendement des actions n’ait pas dépassé 29 pour cent par an contre 49 pour cent aux obligationsà rebours complet de l’évolution historique. L’argent n’a strictement rien rapporté et l’or a fait moins bien que les bons du Trésor américain (07 pour cent par an) ! Le métal jaune est étrillé par les rédacteurs du « Yearbook » pour son faible rendement et sa forte volatilité. Le diamant quant à lui a fait perdre de l’argent. gc

Rendement réel de plusieurs classes d’actif de 1900 à 2017

 

Indice en 2017
(base 100 en 1900)

Taux de rendement annuel

hors inflation (en pour cent)

Actions

38 700

52

Obligations

980

2

Liquidités (US Treasury bills)

260

08

Immobilier résidentiel (11 pays)

460

13

Platine

540

14

Or

220

07

Argent

100

0

Diamant

50

- 05

Voitures de collection

24 200

476

Vin

6 500

36

Bijoux

3 000

293

Timbres

2 000

26

Instruments de musique

1 600

24

Objets d’art

900

19

Livres anciens

700

165

Moyenne des 7 catégories

3 000

293

Source : Credit Suisse

Georges Canto
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