Confraternellement vôtre
Au cours d’une conférence de presse organisée mercredi, au rez-de-chaussée du tribunal de Luxembourg, le bâtonnier Pit Reckinger (photo : Sven Becker) a présenté les « dix points » que le Barreau aimerait retrouver dans le chapitre Justice du programme de coalition 2023-2028. Un exercice inédit, selon le patron de l’ordre qui compte aujourd’hui 3 700 ouailles. Pit Reckinger, confrère et collaborateur de Luc Frieden (le formateur figure toujours sur elvingerhoss.lu en tant que Of Counsel, et non plus associé) ne postule cependant pas à un traitement de faveur et s’attend à ce que les propositions du Barreau soient traitées comme celles des autres associations qui en soumettent. La bâtonnière sortante, Valérie Dupong, souligne en sus que quasiment tous les Premiers ministres du Luxembourg depuis la Seconde Guerre mondiale ont été avocats. Sur la liste où figurent notamment des attentes en matière d’accès à la justice ou des réformes du droit de la famille, émergent des propositions d’ordre économique qui pourraient parler à l’ancien président de la Chambre de commerce. Le barreau souhaite voir créées des chambres spécialisées en matière financière, dans les domaines des fonds d’investissement et de la fiscalité notamment, « mais aussi en matière de criminalité financière ». « L’usage de la langue anglaise comme langue de procédure sera mis à l’étude », écrivent les avocats, habitués à tenir la plume. Le Barreau veille aussi sur la compétitivité du pays et espère une « modernisation constante du cadre législatif », notamment autour du droit des sociétés, des asbl, des fondations, du secteur financier ou de la blockchain. pso
Etienne d’Arabie
L’ancien ministre de l’Économie, Etienne Schneider, a déposé vendredi dernier au registre de commerce les statuts d’une asbl, baptisée Lufta, pour aider les entreprises ou les particuliers « souhaitant développer des opérations aux Émirats arabes unis ou au Luxembourg » ou encore « offrir à ses membres un accès aux décideurs clés du monde des affaires et du gouvernement ». Outre l’ancien ministre socialiste, l’Asbl a pour fondateurs et administrateurs Warrick Cramer (photo : Tomorrow Street) et Omar Mir. Le premier, de nationalité australienne, a dirigé l’incubateur TomorrowStreet cofinancé par l’opérateur téléphonique Vodafone et l’incubateur public Technoport, lequel dépend du ministère de l’Économie. (TomorrowStreet SCA, qui accueille sept start-up, enregistre 73 000 euros de pertes en 2022 et 524 000 en 2021). Omar Mir serait un entrepreneur basé à Londres selon les statuts. L’asbl siège au 146 rue de la Pétrusse où opère déjà la société de conseil d’Etienne Schneider, Beta Aquarii, créée en 2020 juste après son départ du gouvernement. L’entreprise employant trois personnes a réalisé un chiffre d’affaires de six millions d’euros en 2022, pour un bénéfice de 3,4 millions et un impôt sur le résultat estimé dans les comptes à 1,1 million. pso
CSSF : Nee sous X
La Commission de surveillance du secteur financier n’a plus de compte X (ex-Twitter) depuis le 19 octobre, a informé le régulateur lundi. Les services de Claude Marx ont décidé de désactiver le compte X car la firme détenue et dirigée par Elon Musk « ne semble pas vouloir se conformer aux obligations imposées par le Digital Services Act (DSA), notamment en matière de lutte contre la désinformation et la diffusion de contenu illicite ». « La CSSF ne souhaite pas faire partie d’un tel environnement et a décidé de cesser toute forme de communication sur cette plateforme », poursuit le secrétariat général dans son courriel au Land. Pour communiquer vers l’extérieur, le régulateur privilégie son site internet et Linkedin. Une présence sur Instagram est Facebook est assurée pour l’outil d’éducation financière lëtzfin. pso
Shifty Business
« La grande évasion continue » titrent Le Monde et Libération, alors que Le Figaro choisit « Comment l’évasion fiscale offshore a été divisée par trois », et que la Süddeutsche lance un « Geht doch » satisfait. L’Observatoire européen de la fiscalité vient de publier son premier Global Tax Evasion Report, et la presse européenne ne sait trop si le verre est à moitié-vide ou à moitié-plein. Une chose est certaine : L’évasion fiscale de la vieille école a été broyée par l’échange automatique d’informations instauré en 2017. Alors qu’en 2007, plus de 90 pour cent des avoirs parqués dans des juridictions offshore n’étaient pas déclarés, cette part n’est plus que d’un quart aujourd’hui, estime l’Observatoire. La Süddeutsche y voit un signe d’optimisme : « Politik kann höchst komplexe Probleme lösen ». Pendant ce temps-là, l’optimisation fiscale » (a priori légale) des entreprises multinationales continue allègrement. Le rapport évoque « une zone grise juridique entre l’évitement et l’évasion ». Le montant des profits « shiftés » vers des paradis fiscaux est estimé à mille milliards de dollars (soit plus de dix fois le PIB du Luxembourg).
L’Observatoire est dirigé par Gabriel Zucman, la bête noire de la place financière depuis dix ans maintenant. En 2013, l’économiste français avait qualifié le Luxembourg de « plateforme hors sol pour l’industrie financière mondiale », estimant qu’« aucun État n’est allé aussi loin dans la commercialisation de sa souveraineté ». Et d’enfoncer le clou : À défaut d’une coopération « pleine et entière », le pays devrait être exclu de l’UE. En 2020, Zucman (dans un livre coécrit avec Emmanuel Saez) critiquait la règle de l’unanimité en matière fiscale qui conduirait à une situation, où 600 000 Luxembourgeois « peuvent dicter leur volonté à 500 millions d’Européens ». Le Luxembourg n’est pas vraiment sur le devant de la scène dans le Global Tax Evasion Report. À peu près cinquante milliards de dollars de profits ont été transférés au Luxembourg. C’est énorme, mais en-dessous des concurrents néerlandais et irlandais qui en captent plus de 140 milliards chacun.
Le rapport met l’accent sur les « preferential personal income tax regimes », dont il estime le déchet fiscal à 7,5 milliards d’euros. À la page 58 du rapport, on apprend que la prime participative et le « régime impatrié » ont coûté 21 millions d’euros à l’État luxembourgeois en 2021. Par ce mécanisme, 1 084 « talents » ont bénéficié d’un tax break d’environ 20 000 euros. C’est moins que la moyenne européenne (34 300 euros), mais plus que ce qu’accordent la France (14 000) ou la Belgique (5 600) aux cadres impatriés. La Grèce et l’Italie se montrent extrêmement généreuses, avec 157 000 respectivement 128 000 euros par tête.
Au Luxembourg, le nombre de bénéficiaires devrait augmenter en 2023, le seuil d’éligibilité ayant été abaissé de 100 000 à 75 000 euros. Le régime d’impatrié permet de déduire fiscalement les dépenses de logement, de déménagement, d’achat de meubles ou d’appareils électroménagers, ainsi que les frais de scolarité. Un traitement de faveur qui s’arrête à la huitième année. Dans son programme électoral, le DP promet de rendre « encore plus attractifs » les régimes pour expats. Ceux-ci ont pallié l’abolition du régime des stock-options, arme de défiscalisation massive introduite par Jean-Claude Juncker en 2002, élargie en catimini par Luc Frieden en 2012 et abolie par Pierre Gramegna en 2021. Quant aux « talents » faisant tourner les chantiers, les cuisines et les crèches, ça ne s’appelle pas « impatrié » mais « immigré/e », et ça n’a pas droit à un régime fiscal spécial. bt
Conseils bien intentionnés
Après avoir licencié Marc Niederkorn, la SNCI se cherche un nouveau directeur ou une nouvelle directrice. Parue ce samedi dans le Wort, l’annonce d’emploi fait comme un écho à la période tumultueuse que vient de traverser la banque publique. La ou le futur(e) dirigeant(e) doit avoir le « sens du relationnel » ainsi que « l’esprit d’équipe et de coopération » pour diriger les collaborateurs « dans un climat de travail ouvert et serein », y lit-on. La SNCI se décrit elle-même comme « dynamique et stable » ; « géré avec prudence ».
Le 11 octobre, Marc Niederkorn avait accordé une interview à Radio 100,7 pour donner des conseils bien intentionnés à son ancien employeur : « Ech stinn zur Verfügung fir ze ënnerstëtzen ». Parmi les raisons de son « échec », l’ancien de McKinsey pense avoir identifié « la résistance au changement » au sein de la SNCI, ainsi qu’un manque de « culture d’accountability ». Il a également glosé sur la réforme, à ses yeux nécessaire, de la gouvernance de la SNCI, ainsi que sur les conflits d’intérêts de certains hauts fonctionnaires (qui ne furent pas nommés). Niederkorn est resté très générique (mais le message est sans doute passé) : « Mir hunn och – an dat muss adresséiert ginn – Konflikter tëscht der ëffentlecher Missioun an de privaten Interête vun deene Fonctionnairen. » bt