1939-1945. Seconde Guerre mondiale. 65 millions de morts dont 42 millions de civils. Camps de travail, de concentration, d’extermination. La Shoah. Six millions de Juifs n’en ont pas réchappé. Peuples décimés. Ravages, destructions, pertes, souffrances. Le dernier cauchemar en date de l’Europe de l’Ouest. En 1940, les Allemands violent la neutralité du grand-duché qui passe ainsi sous occupation ennemie. Répression. Déportations. Enrôlements. Pourquoi ces rappels historiques ? Parce que c’est au Luxembourg et aux Luxembourgeois sous occupation nazie que La liberté meurt chaque jour au bout d’une corde, le deuxième et dernier recueil de poèmes de Nathalie Ronvaux, rend hommage. Entre autres, car le recueil relève d’universalité, tel un manifeste pour le pacifisme.
La liberté meurt chaque jour au bout d’une corde pourrait être de par son contenu un manuel d’histoire. Certes, à part les notes historiques finales, le texte et les illustrations sont subjectifs, mais d’une subjectivité avérée. Alternent citations, paragraphes narratifs et surtout poèmes en prose. Les mots sont parcimonieux, mais percutants. La vaste blancheur des pages sert à l’appréhension des faits, à l’introspection et au recueillement. À la mise en valeur du figuratisme aussi, auquel s’adonne parfois l’auteure, comme son glacial « bras levés » qui prend la forme d’un salut hitlérien. L’opus nous plonge dans le ressenti des non collaborationnistes de l’époque qui aspiraient à retrouver l’indépendance, faisaient actes de bravoure voire de résistance envers l’ennemi, célébraient les symboles patriotiques tels l’hymne national Ons Heemecht, le drapeau rouge-blanc-bleu, la monarchie, le Roude Léiw, la devise « Mir wëlle bleiwe wat mir sinn », la langue maternelle, etc.
Le devoir de ne pas oublier pour ne pas perpétrer les mêmes erreurs est bien ancré dans notre conscience individuelle, alors pourquoi cet hommage dérange-t-il ? Et les deux dernières pages qui se tournent vers l’Histoire récente voire actuelle – la tuerie en Norvège, la révolution égyptienne et la guerre civile en Syrie – n’y changent rien ; elles ne dissipent pas le malaise. Mais de quel malaise s’agit-il ? S’approprier – au même titre que l’auteure, une Belge de 35 ans – une Histoire que l’on n’a pas connue et risquer de ce fait l’empathie facile ou la trahison involontaire ? Ou faire des parallèles – impossibles – entre le passé et le présent ? Car si chaque guerre ou folie meurtrière naît d’une haine aveugle, les mêmes remèdes ne peuvent pas être prescrits. Le nationalisme ne rapproche pas, mais crée des fossés infranchissables. Les frontières ne sont pas des refuges derrière lesquels s’abriter. Le seul symbole qui vaille d’être brandi est l’humanisme.
Florence Thurmes
Kategorien: Luxemburgensia
Ausgabe: 14.12.2012