Le label de la Luxembourg School of Commerce recouvre des formations aussi diverses que le cours pour cafetier et le master en entreprenariat et innovation en collaboration avec l’Université

À l’école de l’entrepreneuriat

d'Lëtzebuerger Land vom 28.10.2010

Sous l’emballage de la Luxem­bourg School of Commerce, il y a de tout et pour tout le monde. Cela paraît a priori un peu décalé dans un environnement où les besoins des entreprises en matière de formations relèvent de plus en plus du « sur mesure » et que les offres généralistes un peu fourre-tout, dites de « catalogue » ou soft skills ont du mal à trouver des preneurs. Pourtant, le bilan de la LSC, un an après le lancement de ce label le 1er octobre 2009, et qui a surtout servi à rationaliser l’offre éparse proposée depuis 1924 par la Chambre de Commerce et lui conférer une connotation plus « classieuse » que l’ancienne appellation, satisfait toutefois ses dirigeants, avec ses 8 265 inscriptions aux programmes de formation continue et 1 650 contrats d’apprentissage. « La Luxembourg School of Commerce est devenue l’acteur de référence en matière de formation professionnelle », s’est ainsi félicité son président Fernand Ernster.

Les dirigeants n’ont toutefois pas caché lundi, lors de la présentation à la presse de la première année d’activité, que des ajustements étaient encore nécessaires. L’offre s’est davantage adaptée à la demande des PME, qui sont les principales clientes, mais aussi à celle des particuliers désireux de se lancer dans les affaires, mais qui n’ont pas les diplômes requis : « La demande est plutôt axée sur les milieux de parcours, les clients réclament des formations beaucoup plus construites », précise Fernand Ernster. Dans le commerce, ce sont les formations dédiées à l’« approche clients » qui font le plein (le groupe Cactus est un gros utilisateur), tandis que l’industrie insiste sur des formations de niveau technique. L’une des priorités de 2011 se focalisera sur la formation de reconversion professionnelle. Le projet Fit4Commerce est un exemple des efforts qui sont faits par les acteurs de l’économie pour lutter contre le chômage et augmenter l’employabilité des demandeurs d’emploi dans le secteur de la vente. Tout comme il constitue l’un des volets des ambitieux plans luxembourgeois de devenir un des pôles d’attractivité du commerce dans la grande région.

Il faut sans doute s’attendre, à plus ou moins court terme, à davantage de synergies entre les grands prestataires de formation continue et professionnelle et pourquoi pas des rapprochements entre les acteurs privés et semi-publics pour mieux « coller » aux exigences du marché de l’emploi qui réclame une main d’œuvre techniquement pointue et une plus grande proximité avec les entreprises. Au prix peut-être d’arbitrages dans le catalogue de la Luxembourg School of Commerce, notamment la branche des séminaires où le taux de remplissage s’est dégradé, de 85 pour cent en 2008 à 75 pour cent en 2009. En moyenne, le taux de remplissage des trois « piliers » réunis de la LSC (formation professionnelle initiale, formation continue et formation universitaire) tourne entre 60 et 66 pour cent. « Il y a une réflexion sur la structure de l’offre de la LSC, de l’OLAP et de la Chambre des métiers au niveau des synergies et de la transparence », confirme Paul Emering, le directeur de la LSC.

Dans les matières touchant à la fiscalité et au droit, la question de la poursuite des formations ne se pose pas, bien que des adaptations sont là aussi nécessaires : « Nous y resterons, mais nous devrons les adapter », ont fait savoir les dirigeants de LSC. Un rééquilibrage est d’ailleurs intervenu à la réntrée pour mieux tenir compte des différents niveaux des participants.

Les modules de formation de comptables indépendants, qui ont vocation, une fois leurs diplômes en main, à intégrer les rangs de petites fiduciaires, occupent une bonne place dans le catalogue de la LSC, mais il faut se demander quelle place auront les petites structures à l’avenir face au très haut degré de spécialisation qui est désormais exigé des candidats à un emploi dans le secteur des services, où les CV de jeunes bardés de diplômes universitaires ont la préférence sur les profils autodidactes.

Lorsqu’elles envoient leurs gens sur les bancs de l’école, les entreprises le font souvent sur une base individuelle et avec la volonté bien ancrée qu’une fois revenu à l’usine ou dans les bureaux, le ou les salariés lui apportent un retour sur investissement qui soit « mesurable » en termes de productivité et de valeur ajoutée. Les modules ont d’ailleurs été réorganisés avec des formations qui durent moins longtemps et qui sont mieux réparties dans le temps : la plupart ont lieu désormais les matins, alors que sous l’ancien régime, elles mobilisaient les candidats trois journées d’affilée. Les formations de type « reward », pour récompenser des employés méritants ont par ailleurs disparu du paysage. Les formations de type soft skills sont vouées à un sort identique, mettant ainsi de nombreux formateurs indépendants au chômage technique.

L’un des piliers de la formation professionnelle continue de la Luxem­bourg School of Commerce, le programme LSC Entrepreneurship (plus de 800 inscriptions au 30 septembre dernier) est ainsi appelé à évoluer à l’aune de la réforme du droit d’établissement.

Par soucis d’économie, l’école aura aussi davantage recours à la formation à distance : « La LSC, notent ses dirigeants dans un communiqué de presse, va élaborer une offre aussi complète que possible » reposant principalement « sur une formation de type e-learning, visant à accompagner les participants à l’établissement d’un business plan ». Ce sera notamment le cas de la formation des travailleurs désignés en matière de sécurité et santé en entreprise. La loi rendra leur présence obligatoire dans les PME de moins de seize salariés à partir du mois d’août 2012.

La réforme de l’apprentissage a poussé la LSC à revoir l’efficacité et l’attractivité de ses programmes, alors que l’on connaît des taux d’échec dramatiques chez les jeunes qui manquent souvent de motivation : il faut en moyenne dix candidats apprentis pour en former un seul. Trois formations ont démarré à la rentrée de septembre 2010 : l’une pour les professions de conseiller de vente, l’autre d’approvisionneur et la dernière de mécanicien d’avion (avec l’appui de la compagnie de fret Cargolux). Attirer davantage de jeunes vers l’apprentissage et contrer l’échec scolaire qui jette des centaines de jeunes sans diplôme dans le désœuvrement, sans qu’ils aient envie de se lever le matin pour se rendre sur leur lieu de travail, et qui, malheureusement aussi, les voue à pointer à l’Administration de l’emploi, l’apprentissage est désormais mieux encadré : deux formations ont été lancées cette année, l’une destinée à former les « tuteurs » des jeunes apprentis et les outiller de compétences qui leur permettent de « construire un parcours de formation adapté » et l’autre qui est dédiée à la « culture du service » et s’adresse aux futurs vendeurs qui doivent avoir un minimum de connaissances sur ce qu’ils vendent aux clients.

Administrativement, le label LSC présente un gros avantage de simplification : celui d’avoir créé un « guichet unique » en matière de formation alors que l’offre était « dispatchée » avant le 1er octobre 2009 entre plusieurs interlocuteurs.

L’autre point fort de la LSC est celui de n’être pas seulement un prestataire très diversifié de formation proche des entreprises, mais aussi un lobby qui peut influencer l’environnement des entreprises du fait de ses liens avec la Chambre de commerce qui intervient par exemple dans la rédaction d’avis législatifs.

Les dirigeants de la Luxembourg School of Commerce disent vouloir jouer la carte de la visibilité et de la transparence. Des efforts sont sans doute à faire de ce côté-là. La branche formation de la Chambre de commerce, c’est un quart de ses effectifs. Si le bilan financier de la LSC est connu, il n’est pas « accessible au public », ont fait savoir lundi ses responsables. La plupart des formations de l’offre ont trouvé leur équilibre, en dépit de prix très compétitifs destinés aussi à attirer les particuliers. Toutes ne sont pas rentables, mais elles sont partie intégrante du rôle de la Chambre de commerce au service de tous, et plus particulièrement des PME pour lesquelles souvent la formation est davantage perçue comme une contrainte que comme un axe stratégique au service du développement de leurs affaires. La LSC a donc aussi vocation à sensibiliser les opérateurs économiques de l’intérêt commercial et financier à entretenir les connaissances et le niveau de leurs salariés.

Ce n’est pas une partie facile pour la Chambre de commerce, dont le rôle et la vocation ont été sévèrement mis à l’épreuve ces deux dernières années par une partie de ses bailleurs de fonds, et notamment les grandes sociétés financières de type Soparfi, ses membres « obligés », rechignant de plus en plus à jouer la carte de la solidarité et financer des programmes de formation dont elles voient mal l’utilité pour le développement de leurs activités requérant presque exclusivement des profils universitaires.

Véronique Poujol
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