Lorsque les États prennent des engagements timides en matière de réduction des émissions des gaz à effet de serre, leurs négociateurs se rabattent, pour donner un semblant de cohérence aux compromis boiteux qui en résultent, sur un tour de passe-passe commode : celui des NETs (negative emissions technologies). Sur le papier, ces techniques qui visent à extraire et à fixer du carbone permettent de respecter les objectifs de l’Accord de Paris. Mais ce recours croissant aux NETs, jamais testées à l’échelle, relève d’une vaste fumisterie, alertent de nombreux scientifiques.
Ainsi, Kevin Anderson, climatologue aux universités d’Uppsala et Manchester, relevait-il récemment que le dernier rapport de la Commission du changement climatique du Royaume-Uni repose, pour environ quarante pour cent de plus que dans son analyse précédente, sur ces techniques pour parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050. Sa conclusion cinglante : « Alors que nous échouons sur la mitigation, nous tournons simplement le bouton des NETs ». Puisque les réductions d’émissions requises exigent des bouleversements politiques et économiques que les gros émetteurs ne sont pas prêts à envisager, prévoyons de séquestrer davantage de carbone, et le tour sera joué.
Or, ces NETs sont loin d’être éprouvées. Certes, il y a la reforestation et l’afforestation, qui ont un rapport coût-bénéfice honorable, à cinq à cinquante dollars la tonne de CO2 séquestrée. Des campagnes massives de plantation d’arbres ont d’ailleurs été annoncées ces derniers mois dans plusieurs pays. Problème : avec un potentiel estimé entre 0,5 et 3,6 milliards de tonnes par an, nous sommes loin du compte. À un prix à la tonne de 100 à 200 dollars, la méthode dite BECCS (bioenergy with carbon capture and storage), qui consiste à combiner la combustion de biomasse pour générer de l’énergie avec la capture et la séquestration du CO2 ainsi émis, est considérablement plus chère et plus hasardeuse, pour un potentiel à peine supérieur (entre 0,5 et 5 milliards de tonnes).
Capturer directement le CO2 dans l’air et le stocker dans le sous-sol présente le même potentiel, mais le prix monte à 200 à 600 dollars la tonne. Trois autres méthodes, la fixation du carbone dans le sol à l’aide de diverses techniques agricoles (jusqu’à cinq milliards de tonnes, entre zéro et cent dollars la tonne), le biochar, un charbon de bois durable fabriqué par pyrolyse à partir de biomasse (un potentiel de 0,5 à 2 milliards de tonnes pour un prix de 90 à 120 dollars la tonne) et la météorisation améliorée, qui consiste à exposer des roches présentant de bons taux d’absorption du CO2 (de deux à quatre milliards de tonnes, de 50 à 200 dollars la tonne), complètent l’analyse effectuée l’an dernier par le GIEC. Or, ce sont vingt milliards de tonnes qu’il faut séquestrer par an pour rester en ligne avec les engagements de Paris. Parier l’avenir de l’humanité sur ces techniques est tout simplement irresponsable.