Le TNL, ce sont les lunettes noires de Frank Hoffmann, c'est le prix Goncourt, Shakespeare, Camus et Genêt, c'est des mises en scène très contemporaines, c'est un théâtre difficile d'accès. Autant pour les stéréotypes, mais également pour la réputation d'une institution qui mène son directeur à la tête du festival de Recklinghausen, mais qui en même temps en éloigne parfois un public moins rodé.
Voilà pour les premières motivations de faire ce School Boulevard, mélange entre "Talentshow", comédie musicale et théâtre scolaire. Camille Kerger, notre compositeur national, pour qui musique contemporaine rime avec pédagogie, s'est alloué les services d'un autre énergumène de ce genre, Emmanuel Séjourné, compositeur et professeur entre autre au Conservatoire de Strasbourg pour mettre sur pied une expérience plutôt unique sur nos planches. À la fin de l'année 2004, via affichettes accrochées dans les écoles du pays et non seulement les conservatoires, l'équipe a fait un appel aux candidats de venir au casting, bien à la mode ces jours-ci. Une cinquantaine d'apprentis-artistes s'est présentée, des danseurs, des comédiens, des chanteurs ou simplement ce garçon qui traînait par hasard devant la porte du théâtre le jour des auditions, curieux de ce qui se tramait à l'intérieur. À l'autre extrême, une jeune fille craint de voir sa carrière gâchée en cas de refus par l'équipe du TNL. Au final tous les deux se retrouvent parmi la douzaine de candidats sélectionnés, l'un pour ses connaissances en moonwalking, l'autre parce qu'elle est effectivement dotée de quelques talents de chanteuse.
Tout ça pour le cadre, qui est d'un point de vue artistique, probablement le plus important dans le projet School Boulevard. Il n'y a effectivement au Luxembourg pas de structure qui permette à un jeune d'apprendre en même temps la danse, le chant et la comédie.
Et voilà pour la deuxième motivation de Camille Kerger, qui ne semble pas vouloir s'arrêter à cette production unique. Et il n'est pas le seul. Le groupe de jeunes a déjà d'autres idées en tête pour les mois à venir et cette fois il s'agirait de tout créer eux-mêmes dès le début. Car même si en l'occurrence, ils avaient déjà une influence sur la chorégraphie notamment - signée Gianfranco Celestino -, ce sont quand même les adultes qui ont posé le cadre. Un cadre plutôt conventionnel dont l'ambiance ne manque pas de rappeler un film pour enfants passant le dimanche après-midi sur une chaîne publique allemande.
Le point de départ de l'histoire est une armoire qui explose. Le professeur (Dan Tanson, le seul adulte parmi les acteurs) exige que le coupable se dénonce. S'ensuivent scènes de cabales et bastonnades, amourettes et, légèrement plus subversif, solo du petit "drogué" de la bande. Le tout, comme le veut le genre, dansé et chanté. En ce qui concerne la pratique de ces disciplines et leur mise en scène, il n'y a pas grand-chose à dire. Vu les moyens du bord, vu l'âge et l'expérience des acteurs, tout le monde se débrouille plutôt bien et certains vont même légitimement tenter d'accéder à une carrière professionnelle dans un proche futur.
Au-delà de la chorégraphie, la mise en scène est spartiate, quelques accessoires doivent faire l'affaire, le gros se passe de toute façon dans les chansons (compositions d'Emmanuel Séjourné, paroles de Clémentine Duguet) qui passent bien sans néanmoins rester dans les esprits plus longtemps. Quelques bonnes idées, comme le groupe de musique live sur scène, ou le jeu de briquets du même groupe dans le noir, relèvent un peu le tout. Rien de révolutionnaire donc d'un point de vue global, mais d'un point de vue national, oui, pour l'initiative et l'engagement en tout cas. School Boulevard, assez bon enfant, vous l'aurez compris, plaît néanmoins au public exceptionnellement jeune ce soir-là au TNL et plus habitué aux gros moyens mis en oeuvre par l'industrie cinématographique hollywoodienne qu'aux badaboums bricolés du théâtre. Mais n'empêche, ça avait l'air d'être la sortie scolaire au théâtre version acceptée par tous. On se met à l'aise, jambes dessus, jambes dessous, le GSM à portée de main et très réactif à ce qui se passe sur scène. Le tout plus ambiance Utopolis que Comédie française, mais pourquoi pas. Le pari de Camille Kerger et co semble réussit. Ce n'est pas du grand théâtre, déjà qu'il faut aimer le genre "comédie musicale", mais ça montre qu'avec un peu de volonté on peut mettre en exergue les talents de nos jeunes.
School Boulevard, sur une idée originale de Christiane Schmit et Emmanuel Séjourné ; scénario et dialogues : Emmanuel Séjourné et Clémentine Duguet ; mise en scène : Gianfranco Celestino ; musique : Emmanuel Séjourné ; chorégraphie : Gianfranco Celestino en collaboration avec les danseurs ; décor : Romain Stammet ; lumières : Zeljko Sestak ; avec : Veronika Alves, Sarah Bidoli, Eliane Correa, Bettina Egly, Noémie François, Fabio Godinho, Ben Nilles, Dan Tanson ; direction musicale, synthés, piano : Emmanuel Séjourné; guitare : Quentin Moll ; basse : Franck Bedez ; batterie : Yannick Giuliani ; danseurs : Andrew Christine, Kodji (Thierry) Dossou, Marc Folschette, Kendra Horsburgh, Sven Soares, Vanessa Tavan. Prochaines représentations : ce soir vendredi 13 mai, samedi 14 mai, mardi 14 juin, mercredi 15 juin et jeudi 16 juin à 20 heures dans les ateliers du TNL 166, avenue du X Septembre. Luxembourg-Belair. Contact par téléphone : 26 44 12 70 ; tickets : www.luxembourgticket.lu.