Chroniques de l’urgence

Et la grêle fut

d'Lëtzebuerger Land vom 13.09.2019

Guadalajara, capitale de l’État de Jalisco au Mexique, a essuyé le 30 juin dernier un orage de grêle dont les images ont fait le tour du monde. Heureusement, personne n’a été blessé. Reste qu’en vingt minutes, la ville a été submergée par des quantités impressionnantes de billes de glace qui se sont entassées par endroits sur 1,5 mètre et ont enseveli des camions jusqu’au pare-brise.

« Nous n’avons jamais vu un tel orage », a déclaré le gouverneur du Jalisco, Enrique Alfaro Ramirez, concluant : « Et après, on se demande si le changement climatique existe ».

La grêle se forme dans les cumulonimbus, quand de puissants courants ascendants soulèvent rapidement de l’air très humide au sein duquel les gouttelettes d’eau se condensent puis gèlent. Les billes de glace redescendent ensuite vers le bas du nuage, d’où, suivant les turbulences, elles peuvent remonter à nouveau et s’enrober d’une couche de glace additionnelle (et même se couvrir d’épines !) ou échapper aux vents ascendants et tomber à terre sans fondre.

Le site Severe Weather Europe (severe-weather.eu) a publié ces derniers mois quantité d’alertes sur les risques de « very large hail » et d’images de poignées de grêlons photographiés dans la paume d’une main, pour donner une échelle. Mais peut-on affirmer, comme le fait le gouverneur du Jalisco, que le dérèglement du climat favorise les orages de grêle ? Et surtout, doit-on s’attendre à des grêlons tendanciellement plus gros et donc plus destructeurs ?

Samuel Childs, un étudiant en sciences atmosphériques de l’université de Colorado, rapporte que le 6 août 2018, des grêlons de la taille de baseballs se sont subitement abattus sur l’enclos des ours au zoo de Colorado Springs, blessant huit personnes, tuant cinq animaux et endommageant des centaines de voitures garées. Selon les rapports recensés par le Centre de prévisions de tempêtes (SPC) du service météorologique des États-Unis, on a bel et bien recensé cette année-là une hausse du nombre des grêlons de plus de deux pouces, indique-t-il.

Mais comment s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un effet grossissant lié à l’ubiquité des smartphones et des réseaux sociaux, ou à l’urbanisation ? Peu de recherches ont encore été consacrées à la question. Childs précise qu’il travaille lui-même sur des modèles destinés à neutraliser ces effets dans les analyses statistiques.

En 2010, dans le Dakota du Sud, le grêlon le plus gros jamais mesuré avait 20,3 centimètres de diamètre. On a déploré 246 morts après l’orage de grêle qui s’est abattu le 22 avril 1888 sur les districts de Moradabad et Beheri en Inde. Des records éloquents quant au potentiel meurtrier du phénomène. Pour évaluer le risque qu’il s’aggrave du fait de la crise climatique, il importe de suivre la recommandation de Samuel Childs et de l’étudier davantage.

Jean Lasar
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