Chroniques de l’urgence

Une taxe bien trop timide

d'Lëtzebuerger Land vom 16.08.2019

Le gouvernement français vient d’annoncer la mise en place à partir de l’an prochain d’une « éco-contribution sur le transport aérien », échelonnée de 1,50 euro par billet sur un vol en France ou au sein de l’UE à 18 euros pour un vol hors UE en classe affaires. Seuls les vols partant de France seront concernés ; en seront aussi exclus les vols en correspondance, les vols intérieurs de ou vers la Corse et l’outremer, ainsi que les liaisons dites « d’aménagement du territoire ». Cette contribution doit rapporter 182 millions d’euros par an, qui seront affectés au développement du réseau ferroviaire.

La principale organisation du secteur, l’Iata, a qualifié la nouvelle taxe de « mal conçue » et a estimé qu’elle menaçait les « 100 milliards d’euros que l’aviation génère pour l’économie française ». Air France a prévenu qu’elle pénalisera fortement sa compétitivité, évoquant un surcoût de 60 millions d’euros par an. Pour les industriels de l’aviation, si taxe il y a, elle doit être reversée au secteur pour lui permettre de financer sa transition : Air France a évoqué « la mise en place de filières biocarburants durables ou d’innovations de rupture ».

« Avec un impôt sur les tickets qui coûte moins qu’un café à l’aéroport, je ne vais en aucun cas assumer qu’il aura une quelconque influence sur le comportement des consommateurs », a rétorqué l’experte Lucy Gilliam de l’organisation européenne Transport & Environment. Citée par le site klimareporter.de, Gilliam a recommandé de lever plutôt une taxe sur le kérosène, une approche selon elle bien plus efficace parce qu’elle prend en compte les émissions effectives de carburant. En France, l’association Agir pour l’environnement a trouvé l’éco-contribution « timide » et a regretté que le gouvernement n’ait pas adopté une interdiction des publicités pour le transport aérien.

Si l’intention du gouvernement français était d’adopter une taxe symbolique, c’est réussi. Il pourra l’invoquer à loisir pour montrer son engagement en matière climatique. Mais en pratique, cette taxe est le parfait exemple du « too little too late », propre aux mesures qui semblent à première vue aller dans le bon sens mais qui égratignent à peine la montagne d’émissions de CO2 à laquelle elles sont censées s’attaquer. Après tout, le transport aérien est le moyen de se déplacer qui génère le plus d’émissions, grâce à des exemptions fiscales éhontées qui lui ont permis de se développer au détriment de moyens de déplacement plus sobres. Il continue de croître bien plus qu’eux, sans offrir pour l’instant de perspectives convaincantes pour réduire son empreinte. On estime en général que sa part dans les émissions d’origine humaine passera de deux pour cent aujourd’hui à six pour cent dans le courant de la prochaine décennie, sous l’effet conjugué de sa propre croissance et des émissions relatives réduites des transports terrestres.

Jean Lasar
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