De l’art, couche sur couche

d'Lëtzebuerger Land du 21.01.2022

Impossible de ne pas contempler avec une pointe de curiosité les créations originales d’Äerd Lab, visibles depuis quelques semaines au sein du nouveau pop-up store installé dans la capitale à la rue des Capucins. Dans ce lieu que la créatrice de la marque, Angelika Bocian-Jaworska, partage aux côtés de la designer Julie Conrad pour quelques mois, vases, coupelles et autres tasses aux formes intrigantes attirent l’œil. Matière, procédé, formes… on s’interroge. Comment ce vase en céramique, baptisés Snowflake et reprenant, vu du haut, la forme d’un flocon de neige, a-t-il pu être réalisé ? Même chose pour ceux en faïence rouge que, de loin, on croirait tissés en osier. Le secret ? L’impression 3D, autrement dit un procédé de fabrication de pièces en volume par ajout de matière en couches successives à partir d’une modélisation 3D.

Avant l’impression, il y a l’imagination d’Angelika, née en 1992 en Pologne et installée depuis peu au Luxembourg, après que son mari y ait trouvé un emploi. « Je suis diplômée en architecture de l’Université du Liechtenstein. Entre-temps, j’ai passé un semestre d’échange à l’Université de Tongji à Shanghai et j’ai obtenu un diplôme de troisième cycle en architecture et impression 3D en argile à l’Institut d’Architecture Avancée de Catalogne (IAAC)». Fondée en décembre 2020, Äerd Lab, sa marque, est une combinaison de deux mots – Äerd, qui signifie Terre en luxembourgeois – son matériau de prédilection à travers l’argile – et Lab, car beaucoup de projets sont encore en phase d’expérimentation. « L’objectif de Äerd Lab est de trouver des solutions utilisables partout sur Terre. Tout en rêvant d’architecture en grand, j’ai commencé à petite échelle avec l’impression 3D de céramiques. Mon intention pour le futur est d’agrandir mes impressions 3D et de réaliser des choses en dehors des murs de mon labo, comme par exemple dans les espaces publics de la ville de Luxembourg », confie Angelika, totalement passionnée par l’architecture et ancrée dans son environnement. « Pour la comprendre et l’expérimenter, j’ai besoin d’explorer et donc de voyager à travers le monde. Voyager est ainsi devenu mon deuxième passe-temps ; j’ai visité 25 pays rien qu’en 2019 », avoue celle capture ses impressions et souvenirs à travers l’aquarelle.

Dans son « lab », Angelika s’implique à chaque étape du processus de fabrication de ses créations. La jeune femme commence par concevoir son modèle avec un logiciel 3D. « Cela génère un Gcode qui contient des informations sur chaque couche du modèle , traduites dans un langage intelligible pour l’imprimante 3D ». S’en suit la préparation des matériaux, comme la porcelaine, le grès ou la faïence, qui constitue une étape clé. « Il doit être fluide, pas trop liquide et exempt de bulles d’air. Après cela, c’est plus fun : le vase, le bol ou la tasse conçu par impression 3D voient le jour. Selon la taille et la complexité du modèle, le processus d’impression peut prendre jusqu’à plusieurs heures. Reste ensuite le vernissage et la cuisson ». Résultats ? Des objets minimalistes, tout en courbes et douceur, directement inspirés de la nature. « Si je devais définir le style dans lequel je me trouve, j’aimerais qu’il aspire au biomorphisme. À mon avis, les plus belles formes et motifs ont été créés non par les humains, mais par la nature ».

Ces derniers mois, l’architecte a travaillé d’arrache-pied aux côtés de Julie Conrad, pour laquelle elle a réalisé plus de 100 lanternes en forme de gouttes, imprimées en 3D avec de l’argile de Nospelt. Un travail exposé dans le cadre d’Artefacts, le projet proposé par la designer et exposé au sein du pavillon luxembourgeois à Dubaï. « Nous avons proposé une nouvelle typologie, une forme impossible à obtenir sans Gcode, mais perpétuant la tradition ancestrale de l’argile extraite localement au Luxembourg. Je crois fermement au pouvoir de fusionner des matériaux traditionnels avec des technologies de pointe, comme cette fabrication additive qu’est l’impression 3D. Ce projet démontre et renforce cet énorme potentiel ». Récemment, en plus du pop-up store de la rue des Capucins, Äerd Lab a également proposé une série limitée de créations réalisées pour des marques luxembourgeoises comme Kaempff Kohler ou J’adore bio.

Salomé Jeko
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