Médicaments

Pharmacovigilance : le Parlement soutient le compromis

d'Lëtzebuerger Land vom 21.09.2012

L’Union européenne veut instaurer de nouvelles dispositions pour remédier aux lacunes identifiées dans le système de surveillance des médicaments en Europe et éviter la commercialisation de médicaments nocifs. À la suite de l’ «affaire du Médiator» en 2011, la Commission a proposé en février dernier un paquet législatif pour renforcer le contrôle des médicaments à usage humain jusqu’alors régie par une directive et un règlement de 2010. Le Parlement a adopté à une large majorité, le 11 septembre, le rapport de la Britannique socialiste Linda McAvan, qui réclame davantage de garde-fous et prévoit un mécanisme de financement de cette surveillance supplémentaire
La pharmacovigilance, cette surveillance de tous les médicaments soumis à une demande de commercialisation dans l’UE, se compose de tests qui évaluent leur qualité, leur efficacité et leur sureté avant toute autorisation et ce même après la mise sur le marché du produit. Établie en 2001, elle a fait en 2010 l’objet d’un corpus législatif européen.
Les scandales et les décès liés au Médiator, autorisé pour traiter le diabète, mais largement prescrit comme coupe-faim, ont conduit la Commission à réévaluer cette législation. En effet, des rapports signalaient depuis dix ans les dangers de l’utilisation de ce médicament qui a été retiré du marché, en Espagne dès 2003 et en Italie en 2004 et aucune alerte n’a interrompu sa commercialisation dans d’autres États membres. Il est resté sur le marché français, le plus important en terme de prescriptions, jusqu’en 2009.
L’objectif de cette révision est de pallier les insuffisances constatées lors de tests de résistance déclenchés lors de cette découverte quant à la prévention du risque d’effets indésirables résultant de l’utilisation de certains médicaments. La nouvelle proposition en discussion entre le Conseil et le Parlement modifie substantiellement le cadre en vigueur, pourtant récent, sur trois points principaux : a) l’introduction d’une procédure d'urgence à caractère automatique cette fois ; b) la création d’un nouveau mécanisme déclencheur de la procédure d’urgence et c) la clarification des obligations de transparence des entreprises.

Procédure d’urgence
L’automaticité de la procédure d’urgence vise à renforcer l’information par une alerte rapide à l’échelle européenne dès lors qu’un problème est détecté sur un médicament dans un État membre. Le retrait sera immédiat dans tous les États si un des Vingt sept opte pour cette option.
Ce mécanisme sera enclenché aussi si une entreprise choisit de rétirer ou de ne pas renouveler, soit à titre temporaire ou permanent, la procédure d’autorisation de mise sur le marché sur le territoire européen ou d’un pays tiers en raison d’inquiétudes concernant la sécurité. Les laboratoires ou les entreprises commercialisant le médicament en question ont l’obligation d’informer l’Agence européenne des médicaments (AEM) de tout doute en ce sens et de motiver les raisons de leur action, en indiquant explicitement si ce retrait est sollicité pour des raisons de sécurité. L’objectif est de vérifier si des « motifs commerciaux » invoqués par les laboratoires ne masquent pas des raisons de sécurité.
Les nouvelles règles renforcent également la communication au public. Elles prévoient que l’Agence européenne des médicaments établira une « liste noire » des médicaments soumis à une étude de sécurité post-autorisation et qu’ils soient l’objet d’une surveillance supplémentaire. De plus, pour ceux-ci, une mention particulière devra figurer sur la notice et le résumé des caractéristiques précisant que ces produits font l’objet d’un suivi. Un symbole noir, qui reste à définir d’ici au 2 juillet 2013, accompagnera cette mention afin que les patients et les professionnels de la santé puissent les identifier.

Plus d’ambition
Les députés, lors du débat précédant le vote, ont enjoint la Commission à être encore plus ambitieuse, en proposant que soit ajoutée sur la notice une fiche d’identité du médicament et que l’industrie pharmaceutique participe à cet effort accru de pharmacovigilance.
Les parlementaires souhaitent davantage d’informations sur la notice accompagnant les remèdes. Devrait être ajoutée, selon eux, une « brève description des faits et renseignements essentiels/nécessaires relatifs au médicament, dont le patient a besoin pour en comprendre l’utilité ainsi que les risques éventuels et pour l’utiliser de façon sûre et correcte ». Le commissaire en charge de la santé et des consommateurs, John Dalli, leur a annoncé qu’il publierait des conclusions à la mi-2013 sur la faisabilité et la valeur ajoutée d’une fiche d’identité du médicament.
En outre, les tâches supplémentaires qui incombent à l’AEM du fait de cette pharmacovigilance devraient selon le Parlement faire l’objet de redevances perçues auprès des entreprises titulaires d’autorisation de commercialiser ces médicaments. Ce qui changerait la donne car jusqu’alors cette surveillance était financée uniquement par l’argent public. Le niveau de ces redevances serait décidé en accord avec la Commission et le groupe de coordination de l’AEM chargé de l’exécution de ces tâches. L’introduction d’un tel prélèvement est à l’étude, a souligné le commissaire, qui a précisé qu’une consultation publique sur l’introduction d’une redevance était en cours jusqu’au 15 septembre et qu’elle donnerait lieu à une analyse d’impact. Puis à des propositions de ses services « le plus rapidement possible». Il semblerait, au regard du document soumis à la consultation des parties prenantes, que la Commission penche aussi pour un financement à cent pour cent par les laboratoires.

Critiques
Cette nouveauté n’est pas pour plaire aux ONG telles que Health Action International, Medicines in Europe Forum et International Society of Drug Bulletin. Elles craignent que pour l’indépendance de l’AEM, qui pourrait devenir un « simple prestataire de service de l’industrie pharmaceutique ». Dans un communiqué, elles ont souligné que ce mode financement par redevance « pourrait présenter des effets pervers, puisque l’agence de régulation devient dépendante de l’industrie même qu’elle est censée réglementer ». « À défaut de volonté politique suffisante pour dédier des finances publiques aux activités de pharmacovigilance », elles proposent d’élargir la base des contributeurs au système de surveillance. Par exemple, que tous les acteurs de la chaîne de distribution paient une taxe pour chaque boîte de médicaments.

Sophie Mosca
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