Chroniques de l’urgence

Tergiversons, tergiversons…

d'Lëtzebuerger Land du 18.11.2022

La deuxième semaine de négociations de la COP27 à Charm-el-Sheikh offre un spectacle désolant de tractations d’arrière-garde et de grenouillages douteux. Fallait-il être naïf pour s’attendre à autre chose ?

Loin de saisir la chance de donner un nouvel élan aux efforts de coordonner l’action climatique au plan international, les délégués ont consacré leurs dernières journées à tenter d’éviter une dilution des timides avancées enregistrées l’an dernier à Glasgow. Des pays cancres essaient de retirer de la déclaration finale la référence à l’objectif de contenir le réchauffement global à 1,5 degré et de se contenter de celui de 2 degrés. C’est le cas notamment de l’Inde et de la Chine. Un certain nombre de scientifiques ont admis ces derniers temps que cet objectif est désormais hors de portée. Ont-ils, sans le vouloir, tendu la perche à ceux qui jouent la montre ?

Certes, le processus de négociation est loin d’être achevé et il subsiste le vague espoir que ces manœuvres dilatoires soient reconnues pour ce qu’elles sont. Mais elles mobilisent l’énergie des négociateurs. L’Inde, qui dépend en grande partie du charbon pour sa production d’énergie, avait concédé à Glasgow à ce que la conférence retienne la nécessité d’en finir avec le recours à cette énergie hyper-émettrice en CO2 – non sans obtenir en retour un affaiblissement du texte final. En Égypte, elle a proposé de cesser de désigner spécifiquement le charbon et de nommer désormais l’ensemble des énergies fossiles comme devant être abandonnées. Tentative de diversion ou amorce d’une avancée ? Les pays exportateurs de pétrole et de gaz, qui ont réussi jusqu’à présent à empêcher que les hydrocarbures soient mis à l’index, feront tout pour empêcher l’adoption d’un tel langage. Un ministre saoudien, Adel al-Jubeir, a écarté non seulement l’instauration d’un lien entre le changement climatique et les combustibles fossiles, mais l’idée-même de la nécessité de réduire leur consommation. Qu’on en soit là est un triste rappel de l’écart entre les connaissances scientifiques et la réalité politique. 

Les pourparlers ne sont pas plus encourageants sur la question des promesses financières des pays riches. Les brouillons de déclaration finale qui ont fuité suggèrent qu’il n’y aura guère d’engagements concrets sur ce point. Alors que les pays industrialisés devraient mettre de l’argent sur la table au titre des pertes et dommages pour que la communauté internationale se mette d’accord sur les mécanismes de distribution, les négociateurs se perdent en arguties sur l’opportunité de créer un nouveau fonds, ce qui éloigne la perspective que ces flux commencent en 2023. Il semble exister un risque que l’engagement pris à Glasgow de doubler le montant annuel dédié à l’adaptation, en le portant à 200 milliards de dollars, soit opportunément « oublié » sur les rives de la Mer Rouge. Ne cédons pas au défaitisme, mais reconnaissons que les nouvelles en provenance du Sinaï ne sont pas bonnes.

Jean Lasar
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