Comment faire fleurir un réseau de clients internationaux et de professionnels du design et de la mode à partir d’un atelier de bijouterie à l’Est du Luxembourg, à Beidweiler ? Les bijoux en or et argent des sœurs et artisanes Laura et Martine Feiereisen, fondatrices de Laôma Atelier, sont exposés dans les prestigieuses Galeries Lafayette Champs Élysées, au Printemps Haussmann (les deux via la marque Reiner, une plateforme de mode « régénérée »), et dans des boutiques qui représentent un design engagé, raffiné et respectueux, à Paris, Londres, Glasgow, Stockholm et aux États-Unis.
« Les fruits de notre créativité, plus qu’un gagne-pain, reflètent un choix de vie que nous avons fait ensemble il y a quelques années », explique Martine. Un choix à la fois professionnel et presque spirituel que les deux sœurs ont fait en suivant un profond désir de s’orienter vers un métier résolument créatif, après des débuts comme photographe et event planner. Elles sont alors retournées, ensemble, à l’université pour étudier le design en bijouterie à Paris et à New York. La pandémie les obligeant à rentrer à Luxembourg plus tôt que prévu, elles s’installent non loin de l’atelier de leur père menuisier et ouvrent Laôma en 2021.
« Nous avons grandi avec le sens du respect pour l’artisanat, la main d’œuvre et le travail bien fait. Très tôt, cela nous a inculqués une curiosité et un intérêt pour les matériaux ». Aujourd’hui, âgées respectivement de 34 et de 31 ans, elles ont progressivement développé un style propre. En parallèle, elles soignent un carnet d’adresses, réseaux sociaux aidant, pour travailler avec des modèles et créateurs de vêtements internationaux et des boutiques qui partagent les mêmes idées, qu’on pourrait résumer avec la maxime « no harm ». Yogi, végétariennes, propriétaires de deux chiens adoptés, elles veillent autant que possible au caractère durable de leurs activités, par exemple en ne travaillant que des matériaux recyclés. Elles utilisent surtout de l’argentium à 93,5 pour cent d’argent, sourcé d’Allemagne et ne font usage, à l’atelier, que les matériaux purs sans additifs chimiques.
« Le processus de création a pour nous un caractère presque méditatif », dit Laura. Tout oublier autour de soi, se laisser absorber par la passion ; « c’est similaire à ce qui se passe au yoga ». C’est peut-être le contraste entre la dureté du métal et cette passion douce et limpide qui crée la marque de leurs objets qui prennent souvent des formes fluides, éthérées, comme des boucles d’oreilles évoquant des gaufres d’abeille, ou des bagues prenant la forme de cire. Mais aussi des œuvres plus allusives comme les chaînes de taille ultra féminines. Objets qu’elles aiment mettre en scène avec des éléments qui évoquent la scène metal, voire gothique avec une préférence pour la couleur noire, accompagnée de maquillages raffinés. « Inspiration qui provient essentiellement de la période de la fin des années 1990, début 2000 ; une époque à laquelle nous aimions découvrir la vie nocturne à Berlin », et proche du monde de stylistes tels Alexandre McQueen, Maison Margiela ou la Néerlandaise Iris van Herpen. Une œuvre qui se développe en permanence. Un de leurs projets est par ailleurs de creuser le potentiel créatif de l’assemblage du verre et du métal.
Laôma Atelier a participé à l’exposition De Mains de maîtres en 2023, ce qui a boosté leur visibilité auprès du public luxembourgeois. À quand un défilé avec d’autres créateurs locaux ? Pour l’instant, tout comme les réseaux et partenariats des sœurs Feiereisen, ce sont les clients français qui dominent, « un public qui continue à montrer beaucoup d’intérêt pour l’artisanat, avec un profond respect pour les œuvres véritables, qui échappent à la production de masse ». Avec des clients en Suède, au Danemark, leur entreprise connaît le succès, mais la concurrence est rude, surtout face aux « marques qui prétendent fabriquer eux-mêmes leurs produits mais s’approvisionnement auprès des mêmes maisons de fast-jewellery que les grandes chaînes, sans que les clients ne s’en doutent ».