Le titre semblait intéressant. Les quelques lignes d'extrait de texte sur le site internet des théâtres de la ville, peuvent donner envie: «J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne. Je regardais le ciel comme je le fais toujours, comme je l'ai toujours fait (…) Je songeais encore aux années que nous avions vécues là, toutes ces années ainsi/ Toutes ces années que nous avions vécues et que nous avions perdues, car nous les avons perdues/ Toutes ces années que nous avions passées à l'attendre, celui-là, le jeune frère, depuis qu'il était parti, s'était enfui, nous avait abandonnées, depuis que son père l'avait chassé.» On se dit qu'il s'agit là d'un beau texte, rythmé à force de répétitions, comme un long poème. On pense à la génération d'auteurs créatifs dans la souffrance, avec la mort, l'attente et l'attente de la mort au centre de leurs préoccupations, de leurs écrits douloureux. Jean-Luc Lagarce est décédé plutôt jeune, à 38 ans, mort du Sida, en 1995. C'était un théâtreux dans l'âme, auteur, acteur, metteur en scène et éditeur, il avait fondé, très jeune, sa propre compagnie à Besançon. Depuis sa mort, la fréquence avec laquelle ses pièces sont montées a explosé. L'art en particulier adore les morts prématurés de génies en devenir. Je ne mets pas en doute que cela soit dans de nombreux cas justifié, néanmoins, en ce qui conerne Lagarce et plus particulièrement son J'étais dans la maison et j'attendais que la pluie vienne, je n'en sais rien. Je n'en sais rien, parce qu'au final, tout ce que je connais du texte, ce sont ces quelques lignes, lues sur le site et qui m'ont mis en appétit. Je suis allée voir la production du théâtre des Capucins, dans l'espoir de découvrir en live, un très beau texte, mais il n'en était rien, tellement la mise en scène m'a fait passer à côté des mots de Lagarce. Du débit des actrices, à la qualité de jeu, en passant par le décor et les quelques trouvailles inutiles et incohérentes de mise en scène, tout était entrave à la présumée poésie lagarcienne - et à la compréhension du texte. Cinq femmes, tous âges confondus, tel les Monologues du vagin – sauf que ce texte-ci est écrit par un homme et ça se sent – se trouvent en permanence sur scène, dans ladite maison, et monologuent sur le retour de leur frère, rentré pour mourir, endormi paisiblement ou mourant. Mais dont on ignore au final s'il est véritablement revenu. L'occasion pour cinq femmes, qui l'attendent dans la maison de leur enfance, de remémorer leurs vies, les drames, joies et souvenirs : une vie à attendre, puisque seul le fait de choyer quelqu'un peut satisfaire ces dames. Très rapidement néanmoins, on perd le fil de ce qui se dit sur scène, trop perturbé par tout d'abord la diction staccato imposée aux actrices, qui semblent par moments réciter un cours de biologie moléculaire, si elles ne sont pas en train de hurler. Et ensuite par les gimmicks dans la mise en scène, en commençant par le rôle agaçant de Caty Baccega, qui toute adulte qu'elle est, est censée interpréter une gamine, avec poupées, bulles de savon et sauteries à l'appui, toutes ses sorties se terminant agenouillée sous la table avec un sourire béat sur la figure. S'ensuivent des tapages de tête contre le mur, des enlèvements de vêtements et l'habillage de toute la petite troupe avec une robe rouge. Un ensemble qui fait qu'on sort de là lessivé, mais surtout frustré, car la mise en scène de Sagert constitue un bel exemple du massacre scénique d'un texte pouvant prétendre à bien autre chose.
J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne de Jean-Luc Lagarce; mise en scène: Dietrich Sagert ; avec: Valérie Bodson, Catherine Marquès, Caty Baccega, Claudine Pelletier, Jacqueline Scalabrini; décor : Alexander Wolf; prochaines représentations au Théâtre des Capucins ce soir et les 14 et 22 février à 20 heures ; téléphone pour réservations: 47 08 95-1 ; e-mail : ticketlu@pt.lu ; informations: www.theater-vdl.lu.