Récréation

Dieu ennuyé et ennuyeux

d'Lëtzebuerger Land vom 26.01.2006

Le point faible s'offrant à la critique est évident, facile. Claude Frisoni se met en scène en famille pour incarner …dieu. Facile en effet pour les frisonisceptiques de ne voir là que la preuve de ce qu'ils savent de longue date : cet homme est plus qu'imbu de sa personne, il s'adore, auto-adoration qui le pousse désormais à se voir en dieu, une légèreté de l'âme et de l'esprit qui en a poussé plus d'un au bord du gouffre intellectuel avant lui. Mais c'est en effet trop facile, pas vraiment avéré et puis il faut bien remplir la page. Donc oui, pour cet ultime one man show, le premier après dix ans, le big boss du Centre culturel de rencontres de l'abbaye de Neimünster a fait le choix - douteux - évitant de la sorte la confrontation sans fard avec le public pour se livrer à ses commentaires sur l'actualité - française - d'encadrer le tout par une soi-disant histoire. Le spectateur du Théâtre ouvert Luxembourg (TOL) doit donc subir, avant de passer aux choses sérieuses, les gamineries  d'un dieu créateur, ennuyé, muni d'un ordinateur dernier cri qui lui sert à créer/détruire la planète terre avec toutes les tares qu'on lui connaît. Pendant vingt longues minutes, il fait joujou avec la lumière - «que la lumière soit» -, se balance dans son fauteuil entouré d'ouate (on est au ciel voyons!) et crée les hommes et ce qui les entoure, comme on va au supermarché. Le tout est d'un ennui absolu, genre sketch d'étudiant bourré, le drôle version ridicule en moins, pas original pour deux sous et fait craindre que ça continue encore une heure de la sorte. Mais, heureusement dieu n'a passé que six jours à sa création, dans la version de Frisoni il passe le septième à ronfler, l'occasion, encore de produire un running gag fastidieux. Donc, après la création, vue sur ce qui a été crée, avec, toujours Frisoni en conteur écervelé. Rien que le fait d'être débarrassé des laborieuses allégories divines, rend la suite légèrement plus supportable. Tout ça pour ça: introduire l'essence même du one man show à la française, un zeste de critique de la société pimenté à l'actualité version Paris Match. Et là, tout y passe et notamment les religions, avec un sketch qui aurait pu prêter à sourire, dans lequel Frisoni s'adonne aux trois religions majeures (judaïsme, catholicisme et islamisme) en piochant dans les trois pour être sûr d'avoir tout bon. Mais malheureusement, piège dans lequel il tombe par ailleurs tout au long du spectacle, il répète sa saynète à outrance, jusqu'à lui enlever le moindre détail comique. S'ensuivent, Sarkozy, George Bush ou encore le fameux Biglotoron rendu célèbre par Pierre Dax, duquel il récite par ailleurs un compliqué extrait des Essais, maximes et conférences. Et c'est là un des points forts de l'acteur et auteur Frisoni, il mémorise sans sourciller les phrases les plus complexes et absurdes et il manie formidablement bien la langue française, passant aisément d'un jeu de mots au suivant, à la qualité certes discutable, du genre «ver-sol-et-terre» ou encore «c'est le jugement premier donc on pourra faire appel». Mais, même si c'est louable ou du moins impressionnant, ce one man show ne livre de la matière que pour un sketch, un seul, d'une dizaine de minutes grand maximum et présentant un intérêt pour le moins limité.

Récréation de et avec Claude Frisoni; mise en scène Fabienne Zimmer ; décor, son, images et lumières : Tim Marozzi. Prochaines représentations ce soir, le 28 janvier, les 1er, 2, 3, 4, 8, 9, 10 et 11 février à 21 heures. Réservations au 49 31 66 ou par email tol@tol.lu

 

 

Sam Tanson
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