Gageons que Gershwin se serait fait un malin plaisir à tirer une comédie musicale du conclave qui vient de se terminer. Imaginez 133 danseurs, tous mâles et plutôt âgés (mais pas trop), portant robes et calottes, se toisant et se dandinant sur un rythme endiablé de gospel. A l’issue de la séquence, cependant, aucune fumée blanche pour un pape noir. Après le pape argentin, un élu africain aurait pourtant eu de la gueule, et aurait, accessoirement, réconcilié les progressistes, qui auraient vu dans un pape du Sud global une ouverture au monde des pauvres, avec les conservateurs, qui auraient applaudi l’orientation réactionnaire d’un cardinal africain. L’ex-abbé Robert Francis Prevost, le désormais Pape Léon XIV, serait plutôt porté sur l’opéra, si l’on se réfère à son homonyme du XVIIe siècle qui a inspiré Manon Lescaut, un de ses premiers opéras, à Puccini.
Il n’y a pas de fumée sans feu le pape, et, conclave ou pas, depuis deux millénaires, les dealers de l’opium du peuple enfument le monde. Contrairement aux autres religions monothéistes, le catholicisme a eu le coup de génie de se faire guider et représenter par une seule et unique tête, figure d’identification idéale pour les fidèles, figure de projection de tous leurs phantasmes anticléricaux pour les mécréants. Faut-il préciser que parmi ces derniers figurent bon nombre de baptisés que l’Église compte sans vergogne parmi ses 1,4 milliards de followers que le pape est censé représenter ?
Dont moi et moi et moi, aurait pu chanter Jacques Dutronc. Il est vrai que le jour de la mort de François, j’ai vieilli d’un an. N’y voyez aucune causalité, plutôt la loi de la contingence, cette contingence que l’Église ne cesse de combattre. Chez les catholiques, la contingence, le hasard pour les intimes, est usurpée par le Saint-Esprit, celui-là même qui est censé guider le choix des cardinaux réunis en conclave. Selon la plupart des observateurs et des observatrices (car les femmes, dans l’Église, ont au moins le droit d’observer, voire de commenter), le Saint-Esprit se serait plutôt bien tiré d’affaire. N’en déplaise à nos compatriotes, Il a préféré l’Américain au Luxembourgeois, Lance Armstrong à Charlie Gaul.
Après le jésuite, l’augustin ! Sera-t-il un pape de gauche ? Autant demander au vin de se faire eau bénite ! Mais n’est pas Jésus qui veut ! Si ça ne mange pas d’hostie de faire des discours (bienvenus et nécessaires) appelant les guerriers à la paix, les riches à la charité, les pollueurs à respecter le climat, il en va tout autrement quand il s’agit de prêcher des réformes sociétales. Les exégètes discutent toujours de l’attitude de François face aux homosexuels : homophilie ou homophobie ? Qui suis-je pour les juger, confiait-il un jour aux journalistes, tout en continuant à voir dans leur pratique un péché. Mais attention : Un péché comme n’importe quel autre, l’adultère par exemple. Et comme l’Église continue d’interdire le mariage pour tous, le raisonnement est jésuite et sans appel. CQFD. Car le pape est le perroquet de l’Évangile. Il scotomise tout ce que la confrérie des apôtres et autres disciples suggère d’homosexualité latente et non dite, se bornant à pointer l’absence de femmes dans ces cénacles, et donc à justifier leur non ordination. CQFD bis. Dans le monde de la calotte, la femme ne porte pas la culotte.