Ils et elle ont donc tiré sur l’ambulance. Une ambulance qui se prenait pour le Samu et qui n’était qu’un corbillard. Le gouvernement Barnier de l’extrême option recevait l’extrême onction samedi dernier, urbi et orbi, du haut de la chaire de Notre-Dame de Paris, fraîchement et splendidement ressuscitée. Il ne fallait pas plus de cinq ans, le temps d’un quinquennat, pour faire renaître la cathédrale de ses cendres. Il en fallait beaucoup moins encore à Macron pour réduire en cendres le fonctionnement de la Cinquième République. Historiens et psychologues ergoteront longtemps sur le pourquoi et le comment qui ont fait perdre à Macron le savoir-faire et l’habilité politiques dont il a incontestablement fait preuve en se faisant élire en 2017 président de la République, en dehors de tout appareil et parti. Cette force (mais en était-ce une ?) est devenue sa faiblesse, car son ego l’empêche de considérer en égaux ses alliés qu’il n’a pas aidés, bien au contraire, à construire un grand et nouveau parti du centre.
Et c’est ainsi que celui qui se considérait il y a peu encore comme le maître des horloges n’est plus que l’horloger de Notre-Dame, un Quasimodo sonneur de cloches qui est toujours sonné par les conséquences de son inénarrable dissolution de l’Assemblée Nationale. Où est passé son flair qui aurait dû lui faire nommer en été une Premier ministre proposée par la gauche ? Après sa rapide censure par les droites, les progressistes en auraient porté le chapeau, alors qu’après la chute du gouvernement Barnier c’est le président qui est obligé d’avaler le sien. Un couvre-chef comme indigeste repas qui risque de mener son consommateur au trépas, tellement il semble déconnecté aujourd’hui de la vie politique et quotidienne.
En témoigne l’allocution télévisée en prime time la semaine dernière où l’encore président, oubliant qu’il a été par deux fois élu grâce aux voix du front républicain, n’a pas hésité à confondre l’ultra-gauche et l’extrême-droite dans un abracadabrantesque « front anti-républicain ». Il n’est pas sûr d’ailleurs que la chatte du seul véritable front anti-républicain ait gagné au change en croquant par trop vite la souris Barnier avec laquelle elle aimait tellement jouer. Marine Le Pen risque de se retrouver hors-jeu, provisoirement du moins, pour des raisons à la fois politiques et judiciaires.
Il était à la fois touchant et pitoyable de voir le président se tortiller dans l’anaphore des « trente mois » : non, il ne démissionnera pas, oui, il lui reste trente mois, oui, il s’accrochera pendant trente mois et peut-être même qu’il résistera pendant trente mois, ces trente mois qu’il égrenait comme un chapelet, et il fallait être sourd comme le président pour ne pas entendre trente fois moi, trente EGO qu’il finira par écrire en majuscule, à la manière d’un Trump qui faisait le pèlerinage à Paris, contrairement au pape qui préfère la Corse et le Luxembourg. Mais qu’il le veuille ou non, Macron risque fort de subir trente mois d’humiliation, lui qui se faisait fort de balayer le monde d’hier et qui est obligé aujourd’hui de rappeler les chevaux d’antan en emporte le vent qu’ils se nomment Barnier, Bayrou ou tout autre lapin qui sera peut-être sorti du chapeau quand vous lirez ces lignes.