On a arpenté Luxembourg pendant trois jours, pour dresser un tableau – nécessairement subjectif et incomplet étant au début de la manifestation – du cru 2018 de Design City LX Festival et le lecteur est bien sûr invité à consulter le calendrier des événements jusqu’au 18 novembre prochain pour se faire son propre parcours et son idée.
Le sous-titre de l’édition de cette année annonce Me craft, you industry, we design. Un plaidoyer pour établir (et aussi réétablir) le rapport artisanat-création-industrie. On a donc commencé à un bout du parcours, au Parc du Klosegrënnchen au Kirchberg. Où on devra retourner pour voir plus qu’une table de pique-nique à bancs intégrés en bois local, première étape du travail participatif, à la demande du Fonds Kirchberg, avec l’artiste Tadashi Kawamata.
À l’autre bout du Plateau de Kirchberg, on s’est arrêté devant les containers empilés (oui, le Kirchberg est un éternel chantier) portant un écran géant du social designer Giacomo Piovan en collaboration avec Sensity, qui permet de visualiser en temps réel grâce à un dispositif de capteurs, l’impact spatial de tout ce qui se déplace en passant devant : piétons, vélos, bus, tram et voitures. La réponse pro domo, doit satisfaire le commanditaire, le ministère du Développement durable et des Infrastructures, puisque c’est la voiture qui a l’impact (négatif) le plus important.
On a raté l’installation du Park Draï Eechelen, le paysage lumineux et interactif du hollandais Daan Roosegaarde dans un souterrain du Musée de la forteresse, notre horaire de présence sur site ne correspondant pas aux heures d’ouverture du Musée Draï Eechelen… et on s’est rendue au sous-sol du Mudam pour visiter une des manifestations phares de cette édition 2018 de Design City. Avec Beyond the new, de Hella Jongerius & Louise Schouwenberg, on est rentrée au cœur du sujet.
On s’est effectivement sentie interpellée par les grandes tapisseries proclamant « design is cultural knowledge – confront us with ideas other than the treachery of the image – are we living in excess ? -, etc. » et les épidiascopes aussi ingénieux que ludiques, projetant, parmi la masse des productions du design devenu une industrie (presque) comme les autres, des icônes. On a reconnu la Plia Castelli des années 1970 la One_Chair de Konstantin Grcic et une planche à repasser, anonyme et universelle depuis qu’elle a été inventée.
On a aussi beaucoup aimé le film The Door dans ce même espace situé au sous-sol du Mudam, d’une chambre et de son mobilier minimaliste de l’architecte Alvar Aalto pour le sanatorium de Paimio en Finlande. Une projection par l’artiste invité de cette manifestation Alexandre Humbert. Mais ambiance tamisée oblige, ce film et les installations de Hella Jongerius & Louise Schouwenberg, n’ont pas trouvé à se loger dans un espace moins confidentiel qu’au sous-sol du musée…
Arrivée au centre-ville, Place du Théâtre, on a eu un choc. Que dire des cinq bancs alignés sur la place du Théâtre, créés par Max Steffen ? Suffit-il de reprendre la structure des bancs de parcs classiques et de leur donner une assise et un dossier en Corian, certes réputé inusable, pour illustrer les propos vantés au Mudam ? D’après Anna Loporcaro, organisatrice de la manifestation, la Ville de Luxembourg, partenaire de Design City, les intègrera au nouvel aménagement prévu pour la place. On espère que le dialogue s’établira avec ces bancs qui en l’état, ne nous ont pas donné envie de nous asseoir…
Plus la manifestation s’institutionnalise, moins elle devient accessible au grand public
Trois jours de suite, on a cherché à croiser dans les rues de la ville Boijeot.Renauld & 2m26, qui depuis 2012 traversent Venise, New York, Tokyo, etc., ainsi que plus près de chez nous Nancy, avec leur « unité de vie ». D’autres auront peut-être la chance de voir ces lit, table et chaises dont le but est de démontrer que la qualité de l’espace public, transformé le moment de cette performance en espace privé, est collectif. Le parcours à Luxembourg se poursuit jusqu’au 28 octobre, date d’arrivée à son point final de voyage : la gare centrale.
Mais où est donc passé le bel entrain, parfois bricolé certes, ludique et joyeux, de Design City à et depuis ses débuts, dans cette cinquième édition que nous avons trouvée très insider – entendre abritée dans des lieux d’exposition institutionnels : au Raatskeller Minute papillon ! (cf d’Land 41/18), au Mudam Me craft, you industry.
On a donc aussi été à l’Institut Camoès, à Merl. L’institut culturel portugais, partenaire de Design City, accueille des travaux de verrerie contemporaine (Handle with care) qui montrent à merveille le lien entre la pièce unique (art) et la fabrication (industrie), Les pièces exposées sont issues du travail des artistes à la Caldas de Rainha, un centre de production verrier réputé au Portugal, de surcroît dans un très bel équilibre avec les éléments de la nature, eau et minéraux, ou les moules métalliques de cuisson dont certaines créations semblent s’extraire comme d’une gangue.
En face, il y a le grand vide de la place Victor Thorn… Fera-t-il l’objet de l’analyse sous la houlette d’Anelys de Vet (spécialiste de design graphique et de design culturel), de la Cartographie subjective du Luxembourg ? Les réflexions sont en cours au Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain. Ou s’agira-t-il de la nième mouture d’un cahier des doléances sans suites ?