Luc Frieden a le mérite de la constance. Alors qu’une bonne partie des agriculteurs du pays, Centrale paysanne en tête, rejette l’accord avec le Mercosur, le Premier persiste et signe. « Le Luxembourg a besoin de débouchés à l’exportation pour son économie, surtout à un moment où de nouvelles barrières se dressent dans certaines régions du monde. C’est pour cette raison que le Luxembourg donnera son accord au traité commercial avec les pays du Mercosur », a-t-il déclaré dans son discours sur l’État de la Nation.
C’est très clair, mais l’embarras de sa ministre de l’Agriculture, Martine Hansen, était palpable, mardi, lors d’une conférence de presse donnée chez un vigneron mosellan en compagnie de son cousin Christophe, le commissaire européen. En route tous les deux, ils n’avaient pas entendu le discours du CEO.
Entourée du comité des vignerons indépendants, l’ancienne directrice du lycée technique agricole était mal à l’aise pour commenter la situation. « Ce n’est pas mon ressort », a-t-elle répété à plusieurs reprises, donnant l’impression de se décharger du fardeau. C’est que, si l’accord est signé, elle sera en première ligne pour l’expliquer aux agriculteurs. Entre elle et eux, le contact passe bien, mais cette affaire pourrait casser l’ambiance.
Christophe Hansen assurait, lui, que l’Europe prendrait grand soin de mettre en place des clauses miroirs pour protéger ses agriculteurs. Encore faudra-t-il se donner les moyens de contrôler leurs bonnes applications. Ce qui promet beaucoup de papiers à remplir, ceux-là mêmes qu’il souhaite éviter avec son programme de simplification. Sans compter que tout ne se vérifie pas. Certains produits phytosanitaires interdits en Europe peuvent se dégrader complètement après un certain laps de temps et devenir invisibles.
Dans un communiqué de presse, la Centrale paysanne réitérait ses inquiétudes « sur les risques considérables d’un tel accord pour une grande partie de l’agriculture nationale, notamment pour le secteur de la viande bovine. » Elle regrette amèrement que « les préoccupations légitimes de l’agriculture luxembourgeoise vis-à-vis de l’accord dit Mercosur n’aient pas été prises en compte dans le discours. »
Le business étant le business, Luc Frieden ne bronche pas. Il promet que si les importations sud-américaines venaient à déstabiliser le marché jusqu’à faire plier les genoux des producteurs luxembourgeois, « nous viendrons à leur encontre ». Plutôt que de protéger, il préfère indemniser. Il faudra bien l’expliquer, y compris à sa ministre.