La livraison des commandes fait l’objet de toutes les attentions des distributeurs en ligne. À coup de drones quadrillant les quartiers et de promesses de « same day delivery », en se lançant dans l’expédition de produits frais, Amazon et ses concurrents font en sorte que l’expérience de l’internaute s’apparente de plus en plus à une gratification quasi-immédiate après le clic concluant l’acte d’achat.
La prochaine frontière est désormais l’accès automatisé au domicile du consommateur. La startup August, qui produit des serrures intelligentes, entend lancer ce service sous le nom August Access en s’alliant avec Deliv, un service de livraison dit du « last mile » qui entend faire de la livraison le même jour sa marque de fabrique. Ces deux entreprises sont chacune des acteurs importants de leur secteur. August, qui pouvait déjà se prévaloir d’un partenariat avec Walmart, a été racheté par le géant suédois du secteur, Assa-Abloy, en décembre dernier, en vue de son expansion au-delà du marché américain. Deliv, une startup de la Silicon Valley, n’est opérationnelle pour l’instant qu’aux États-Unis, mais fait état d’une présence dans 1 400 villes où elle sert quelque 4 000 détaillants parmi lesquels de grandes enseignes telles que Macy’s ou Best Buy. Le modèle d’affaire de cette joint-venture est simple : convaincre les internautes de consentir à ce que le livreur de Deliv puisse accéder à leur logement à l’aide d’un code ouvrant la serrure fournie par August. Avec en toile de mire la perspective de bénéficier du plaisir de retrouver ses commandes chez soi, sans avoir à se préoccuper de la taille de sa boîte aux lettres, de l’heure du passage du livreur ou d’autres aléas.
Voici comment fonctionne le service : les utilisateurs de Deliv ayant une serrure intelligente fournie par August ou Yale peuvent opter pour une livraison « in-home ». Une fois cette option autorisée par la plateforme pour une commande, le livreur de Deliv obtient un code unique. Il sonne à l’entrée puis pénètre dans le logement si personne ne lui ouvre et y dépose la commande. Une notification est envoyée au client. August n’exclut pas de livrer lui-même pour Amazon, la concurrence dans ce secteur ne s’opérant pas toujours de manière frontale et pouvant passer par des épisodes de « coopétition ».
De fait, Amazon s’est déjà essayé à cet exercice. Son système repose sur une webcam appelée Cloud Cam qu’il vend lui-même ; ses clients qui en font l’acquisition peuvent ensuite, au moment de passer leur commande, opter pour une livraison à l’intérieur de leur logement. Amazon assure que la procédure est rigoureusement encadrée, le livreur et l’heure de livraison dument identifiés, avec évidemment l’obligation pour le livreur de refermer à clé au moment de repartir.
L’expérience a été marquée par une annonce qui aura sans doute refroidi les consommateurs les plus enthousiastes. En novembre dernier, une firme de cybersécurité a découvert une faille dans ce système baptisé Amazon Key. Selon Rhino Security Labs, cette faille permet à un livreur d’Amazon ou à un passant mal intentionnés de s’introduire dans le logement du client en déconnectant la webcam du réseau Wifi à l’aide d’un programme simple actionné depuis un laptop, qui bloque les images enregistrées par la caméra et leur permet d’entrer incognito dans le logement et d’y agir à leur guise.
Après les fuites catastrophiques qui ont affecté plusieurs bases de données majeures, dont celle d’Equifax l’an dernier à qui des hackers ont dérobé plus de 130 millions de dossiers de crédit, et la récente révélation sur les vulnérabilités des microprocesseurs Intel, est-ce vraiment le moment de s’engouffrer tête baissée dans le « in-home delivery » ? À chacun de mesurer le gain de confort qu’une telle prestation peut représenter pour lui, mais il reste l’impression que les champions du commerce électronique n’ont pas mesuré les risques que leur course à la gratification immédiate fait courir à leurs clients.