Pour les géologues et les paléontologues, la notion de Permien évoque un épisode d’extinction d’une violence extrême, pire encore que celle qui a vu disparaître les dinosaures. Lors de la crise biologique du Permien-Trias, il y a 252 millions d’années, 96 pour cent des espèces marines et 70 pour cent des vertébrés terrestres ont cessé d’exister. La cause de ce cataclysme, le pire de l’histoire de la biosphère : des épanchements magmatiques dans ce qui serait aujourd’hui la Sibérie et la Chine (qui faisaient alors partie du continent unique Pangée) ayant donné lieu à des émissions massives de CO2 et à son corollaire, un formidable réchauffement atmosphérique.
Le Permien, c’est aussi un gigantesque bassin sédimentaire pétrolier situé à l’ouest du Texas et au sud-est du Nouveau-Mexique. C’est en effet durant la période du Permien, qui s’est terminée à peu près au moment de cette extinction après avoir duré une cinquantaine de millions d’années, que se sont formés, à la faveur des mouvements tectoniques et du foisonnement de récifs caractéristiques de cette période dans cette région, les dépôts de matière organique devenus depuis des gisements pétroliers et gaziers.
Or, que projettent de faire ceux qui forent aujourd’hui à tour de bras dans le Permien ? Instruits par la catastrophe du même nom qui s’est déroulée jadis lorsque la concentration en CO2 dans l’atmosphère a explosé, prennent-ils dûment en compte les risques pour les êtres vivants qui résultent de leur activité et prévoient-ils de la réduire ? Que nenni. Sans surprise, cette question est aujourd’hui purement rhétorique.
Selon une étude de Rystad Energy datant du mois d’août, les compagnies pétrolières présentes dans le bassin permien entendent faire passer leur production de six millions de barils de liquides (pétrole, méthane et éthane) par jour à dix millions, soit une augmentation de plus de cinquante pour cent d’ici 2030 : exactement l’inverse de ce qu’impose l’urgence climatique. Les près de quarante milliards de tonnes de CO2 résultant de l’extraction prévue d’ici 2050 dans le bassin permien représentent environ un dixième du budget carbone restant global si nous voulons rester sous 1,5 degré de réchauffement, précise le site permianclimatebomb.org. C’est plus que ce qu’il a occasionné comme émissions au cours des cent dernières années. Riche en éthane, il a en outre contribué à une multiplication de sites de production de plastique autour du Golfe du Mexique et à un effondrement du prix du plastique vierge.
Enfin, en raison de réglementations beaucoup trop peu contraignantes, il faut ajouter aux émissions occasionnées par la combustion des hydrocarbures extraits les fuites de méthane, estimées par des scientifiques à 3,7 pour cent de la production de ce gaz. Or le méthane présente pendant ses vingt premières années de présence dans l’atmosphère un effet de serre jusqu’à 80 fois supérieur à celui du CO2. Le bassin permien est, à lui seul et à tous points de vue, une grenade dégoupillée.