À défaut d’unanimité, il existe un consensus large au sein de l’Union européenne sur la nécessité d’accélérer la décarbonation des infrastructures énergétiques. Il est admis que l’avenir appartient au solaire et à l’éolien tandis que le charbon et le pétrole sont voués à disparaître. Les choses sont moins claires lorsqu’on aborde le rôle du gaz et du nucléaire dans cette transformation, et la foire d’empoigne sur la définition des types d’énergie éligibles, la « taxonomie », se poursuit dans les institutions.
En phase avec Emmanuel Macron, Pascal Canfin, président de la Commission environnement du Parlement européen, défend bec et ongles, dans un entretien aux Échos, la place du nucléaire dans la transition énergétique. Ce n’est pas surprenant compte tenu du tournant nettement pro-nucléaire pris ces derniers temps par le président français, qui prône désormais un maintien du parc de centrales existantes dans le mix énergétique hexagonal. Bien plus déterminé que ne l’était son prédécesseur, il entend s’engager sur la voie des petits réacteurs modulables. Ce qui était moins attendu de sa part était son plaidoyer pour que le gaz soit reconnu lui aussi comme étant « utile à la transition », sachant que celui-ci ne faisait pas l’objet d’un zèle particulier jusqu’ici de la part de la France.
Au crédit de Pascal Canfin, qui sait très bien que cette indication est problématique (les installations pour transporter, stocker et brûler le méthane ont des durées de vie de plusieurs décennies), il faut reconnaître qu’il ne cache pas où il veut en venir. « On entre dans le moment où la Commission européenne doit trancher et se prononcer sur le sujet sensible du gaz et du nucléaire. Je suis favorable à ce qu’elle le fasse d’ici quinze jours, avant l’entrée en fonction du nouveau gouvernement allemand ». Évacuer cet enjeu « de plus en plus conflictuel » et qui risque de « parasiter les discussions sur l’ensemble du paquet climat » avant que les partis social-démocrate, vert et libéral ne forment leur coalition serait donc une sorte de fleur faite au futur gouvernement allemand.
Connaissant le désaccord profond entre ces trois partis sur le nucléaire et le rôle imparti au gaz dans la montée en puissance de l’hydrogène comme vecteur énergétique, chère à l’industrie allemande, l’eurodéputé suggère une sorte de marché de dupes fondé sur un fait accompli : un deal entre une France arcboutée sur l’énergie nucléaire et une Allemagne incapable de renoncer au gaz. Les horizons cités pour encadrer ce compromis, pernicieux pour le climat et l’environnement, sont lointains : pas de nouvelles capacités de gaz au-delà de 2030, plus de gaz fossile dans les centrales après 2050, avance Canfin. Au lieu de forcer la décarbonation immédiate et de s’engager à fond dans les renouvelables, il prépare une pizza franco-allemande à l’atome et au méthane, à congeler jusqu’en 2050, quoi de plus indigeste.